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Des souffles du XX ème siècle sur le paysage chinois

La construction d’un espace dialectique dans la Chine contemporaine

2.2 Des souffles du XX ème siècle sur le paysage chinois

Malgré une autonomie toujours très forte de la sphère culturelle, le XXème siècle n’a pas été paisible pour les peintres chinois ; l’instabilité politique depuis la chute de la dynastie Qing, avec l’établissement de la République de Chine en 1912, qui culmine avec la révolution communiste de 1949, a sans aucun doute eu un grand impact sur le marché de l’art et des conséquences indéniables sur les artistes et leurs œuvres. Après que ce soit imposé le réalisme socialiste comme l’esthétique unique et outil de propagande du régime, les artistes devaient s’adresser à tous, notamment au peuple non éduqué (et donc inapte à saisir les subtilités de l’art des lettrés, autant que celle de la mythologie ou de la modernité occidentale). L’exemple à suivre est celui de l’Union Soviétique et son modèle d’art strictement contrôlé : “dans l’art stalinien, à la stricte exclusion de tout vagabondage inspiré des arts européens ‘postimpressionnistes’ ; aucun déviationnisme n’est toléré.”16 La situation n’a fait qu’empirer durant la Révolution culturelle, les artistes étant alors réduits à travailler pour la propagande d’État.

Dans la peinture, le paysage est remplacé par des bustes de personnalités communistes ou des scènes de travailleurs avec leurs familles. Mais c’est sur le plan de l’urbanisme que le paysage va connaître une véritable métamorphose. Inspirée du modèle fonctionnaliste soviétique, la Chine a été la scène d’une grande opération d’homogénéisation sur l’ensemble de son territoire. Les quartiers d’habitation ont été juxtaposés aux usines (comme dans le cas de l’usine 420, que Jia présente dans 24 City (二十四城记, Er shi si

chengji, 2008), comme nous le verrons plus loin) en une relation d’interdépendance. Cette architecture de photocopieuse, selon le mot de Jean Doulet17, fut mise sur pied dans un souci obsessionnel de rapidité et d’efficacité, créant des paysages répétitifs et impersonnels, qui ne cessent aujourd’hui encore d’être pris pour modèles.

“Déjà, sous Mao, les nouveaux principes fonctionnalistes de la planification urbaine, inspirée du modèle soviétique, avaient entraîné une grande homogénéisation jusque dans les régions les plus reculées du pays (Xinjiang, Mongolie intérieure, etc.). Les quartiers d’habitation composés le plus souvent de barres de faible hauteur étaient juxtaposés aux usines et ateliers de production dont ils dépendaient fonctionnellement. L’urbanisme contemporain reste encore influencé par cette vision très fonctionnelle permettant de construire rapidement et efficacement. Les quartiers d’habitation semblent refléter une ‘architecture de photocopieuse’ : des immeubles identiques se répètent sur des périmètres immenses et les plans masse semblent servir plusieurs fois…”18

Les films de Jia révèlent un regard attentif porté sur l’architecture dans son rapport avec les habitants qui la transforment en un espace de vie à travers leur usage et leur subjectivité. Dans 24 City, Jia filme les derniers jours d’une cité ouvrière qui sera détruite à la faveur d’un complexe d’immeubles de luxe. Le style a certes changé, mais la conception d’une architecture impersonnelle s’impose de manière toujours aussi autoritaire à des habitants qui n’ont pas leur mot à dire. Cet autoritarisme est encore renforcé par la réalité économique actuelle, dominée par la logique du marché : les gens qui habitaient 17 Jean-François Doulet, op. cit. pp. 28-29.

ces anciens quartiers n’auront pas les moyens de s’y offrir les nouveaux appartements qui s’y construisent. L’impersonnalité de l’architecture industrielle de l’ancien quartier ne semble pas faire obstacle à ce que Jia le représente à partir de la mémoire des habitants, puisque c’est clairement la solution pour laquelle il a opté. Encore une fois, l’espace n’est pas uniquement composé de béton et d’acier, mais également du vécu des gens – leurs amours, leurs espoirs, leurs chagrins, leurs passés –, ce qui induit un autre espace, intérieur et affectif. Jia nous donne à voir la scène mythique du dynamitage de l’usine, par un plan frontal et très ouvert. La fumée et la poussière envahissent peu à peu notre champ de vision, progressant vers la caméra, jusqu’à ce qu’on n’y voie plus rien : l’espace physique a été détruit ; ne demeure que l’immatérialité des histoires personnelles qui flottent sur la brume des souvenirs. Cette matière blanche faite de poussière adopte ici la fonction des nuages dans les peintures anciennes, comme “de la variation infinie des formes transparaissant au gré des nuées que ne cesse de sourdre le paysage, tel qu’il émerge de l’invisible”19, Jia superpose cinématographiquement ces deux faces de la modernité matérialiste, celle communiste et celle capitaliste, en faisant chevaucher l’Internationale chantée en chinois par une chorale de femmes ouvriers (vues dans le plan précédent), avec l’image de l’usine assourdie par les bulldozers du progrès. Le blanc qui envahit l’écran donne, à l’indiscernabilité du vide, la puissance des changements au fil du temps par laquelle toute forme est vaine, toute tentative de sens est contingente, 19 Ibid., p. 91.

FIG. 11 : Destruction de la

cité ouvrière de L’usine 420 à Chengdu, dans 24 City (2008). Voir SCENE 4: https://www.dropbox. com/s/m1ktmf3794sec5o/SCENE4-24_City. mp4?dl=0

comme disent ces beaux vers de Yeats, que Jia fait surgir sur cette blancheur chimérique, en remettant le destin spécifique de cette usine (et les gens qui composent son histoire) à l’universelle désolation de condition humaine :

“Nous qui avons agi et pensé, Qui avons pensé et agi,

Devons aller au hasard et nous disperser, Comme du lait répandu sur une pierre.”20

Bien que cette caractéristique apparemment double de l’urbanisme chinois (où se retrouvent les modernités soviétique et américaine) soit sans nul doute beaucoup plus visible de nos jours, ces voies faussement contradictoires se rejoignaient déjà à l’époque de Mao. Le choc entre le paysage traditionnel chinois, conçu à partir de l’équilibre entre l’homme et la nature, et ce nouveau lieu, imposé par une vision purement fonctionnelle, n’a pas été seulement suivi d’un bouleversement dans sa géographie physique, mais aussi d’un coup violent porté à l’appréhension subjective de l’espace. Augustin Berque parle à son tour de cet urbanisme en citant Li Shangyin, poète chinois de la fin de la Dynastie Tang, et son expression shafengjing 杀风景, qui signifie littéralement mort du paysage21, pour souligner le sentiment né de la destruction et de la vulgarité inhérentes à cette nouvelle façon de concevoir l’espace aux antipodes de l’élégance du sens de la nature porté par la notion de paysage22. L’expression Shafengjing est de nos jours utilisée dans le sens de

gâter le paysage ou simplement gâter le plaisir, ce qui illustre bien, pour Berque, la relation

20 Du poème Spilt Milk : “We that have done and thought, / That have thought and done, / Must ramble, and thin out / Like spilt milk on a stone” in : W. B. Yeats, L’escalier en spirale, présenté, annoté et traduit de l’anglais par Jean-Yves Masson Verdier, 2008, pp. 42-43.

21 Augustin Berque, How not to (kill the landscape) ?, Environnement, engagement esthétique et espace public : l’enjeu du paysage, Colloque international, Paris, ENGREF, 9-11 mai 2007.

22 Ici le paysage est traduit comme fengjing 风景, qui n’a pas forcément relation à la peinture, comme Shanshui 山, mais qui est toujours lié à la perception subjective de l’espace et à la vision (景 jing).

entre le nouvel urbanisme et la conception traditionnelle chinoise de l’espace liée au raffinement culturel, à un juste équilibre avec le milieu et à la sagesse spirituelle. En plus de l’anéantissement de l’environnement naturel et du site historique, cette urbanité

cannibale, pour utiliser les mots de Benjamin, mène aussi à la perte d’un raffinement

culturel ancré dans les profondeurs de l’esprit et du temps.

Depuis son tout premier long métrage, la destruction du paysage naturel et historique de la Chine (cette shafengjing) est au cœur du cinéma de Jia, d’autant plus que ce processus mettait aussi en danger la mémoire affective de ses compatriotes, en les éloignant subjectivement et de façon violente de l’espace où ils avaient vécu. Il raconte, par exemple, que le scénario de Xiao Wu est né de sa colère et de son chagrin devant le processus de démolition de Fenyang : “C’était révoltant de savoir que les rues principales de la ville où je suis né et où j’ai grandi allaient être détruites ; j’ai pensé que peut-être, dans quelques années, tous les lieux qui renfermaient mes souvenirs d’enfance seraient rayés de la carte.”23

Cette violence est plus insupportable encore si l’on garde à l’esprit le contexte traditionnel d’appréhension de l’espace, dans une Chine où le monde naturel, le flux de la vie et l’homme sont complémentaires, poursuivant dans un même mouvement la recherche de l’équilibre cosmique. Dans un autre article24, Berque cite un poème de Tao Yuanming (365-427), pour illustrer cette cosmologie traditionnelle chinoise et la perception du monde qui en découle:

Youran jian Nanshan Au loin longuement je vois le mont Sud

Shan qi ri xi jia Il exhale un accord au soleil couchant

Fei niao xiang yu huan Des vols d’oiseaux ensemble s’en

retournent

Ci zhong you zhen yi En ceci est l’authenticité

Pour Berque, ces vers sont l’exemple même d’une cosmologie intégrale entre la vision de la vie du poète et le monde des animaux, du vent et de la montagne… tout est en harmonie et en interaction, “Mais si cela se peut, c’est parce que le paysage à la chinoise, dès l’origine, a été posé comme dépassant les limites de la substance.”25 Cette potentialité du paysage a été enrayée par l’urbanisme progressiste moderne et a provoqué une dichotomie, jusqu’ici inconnue en Chine, entre le monde physique et le monde phénoménal. Autrement dit, une relation culturelle millénaire construite à partir de la perception subjective du monde et de sa capacité à transmettre l’harmonie cosmique a été brisée en quelques décennies. Cette cosmophanie, que Berque définit comme une

forme d’apparaître d’un monde comme on l’aperçoit, c’est-à-dire une modalité historiquement

déterminée de la perception capable de nous mettre en relation avec le tout extérieur (l’univers), s’oppose à la décosmisation qu’a entraînée l’absolutisation moderne de l’objet (S sans

P). Cette notion nous intéresse pour éclairer la perception du paysage dans la société

chinoise contemporaine, mais également pour saisir la brutalité de l’institution de cette perception linéaire, continue et rationnelle du monde.

Après la mort de Mao en 1976 et la modernisation mise en œuvre par Deng Xiaoping, ce processus de transformation de l’espace n’a fait que prendre de la vitesse, à la faveur en particulier de l’introduction du capital, dans un contexte politique toujours sous un fort contrôle dictatorial. Dans ces dernières décennies, l’hypercroissance économique a provoqué des changements sur le paysage avançant à un rythme presque insaisissable26. Ce mouvement, justifié par la seule productivité de biens de consommation, ne prend nullement soin de l’héritage historique ou des populations les plus défavorisées.

“ Dans les années 1990, les villes chinoises petites et grandes ont vu des changements considérables dans les dimensions d’infrastructure et sociales. Des ensembles de 25 Ibid., p. 6.

26 Le film-fleuve de Wang Bing À l’Ouest des rails (2003), d’une durée de 9 heures, est un témoignage dur et poétique sur ce flux destructeur. Les gens rencontrés par Wang Bing se montrent perplexes et sans recours face à un tel bouleversement géographique et historique.

logements vernaculaires (le hutong de Beijing et le longtang à Shanghai, par exemple), des quartiers, et des vieilles communautés commerciales et culturelles ont été démolis pour céder la place aux autoroutes, stations de métro, les entreprises de bâtiment, et les centres commerciaux - tous dans le sillage d’une économie de marché qui avance impitoyablement et de l’incursion du capitalisme mondial. ”27

Ces changements sont d’autant plus rapides que la propriété est presque exclusivement d’État, ce qui permet à celui-ci d’exproprier des quartiers et même des villes entières (comme pour la construction du barrage de Trois Gorges), sans avoir à dédommager correctement, ou pas de tout, les habitants. Cela a engendré une myriade de chantiers et de terrains en friche, éparpillés sur tout le territoire, et a donné au pays un aspect de ruine qui contraste fortement avec son impressionnant développement, et mis les plus démunis dans une situation d’extrême désœuvrement. Ce contraste entre le renouveau et la ruine, le progrès et la désolation sociale, est le leitmotiv des films de Jia. Pensons à l’opposition, dans Useless (无用,Wuyong, 2007), entre les usines textiles de la ville et les tailleurs de la campagne qui, ne pouvant plus faire face à la concurrence déloyale du prêt- à-porter, doivent chercher dorénavant du travail dans les mines de charbon. Jia observe la violence d’une société communautaire en devenant une économie libérale. Il observe la destruction d’un espace communautaire, d’une organisation sociale et économique et, aussi, d’une façon de vivre ensemble.

D’autres artistes contemporains, comme le dissident Ai Weiwei, sont sensibles à ces changements massifs opérés par un État qui détient le monopole de la propriété foncière, ce qui permet à celui-ci de construire et de démolir rapidement de vastes étendues, sans avoir à négocier avec les habitants. Ai Weiwei photographie la violence induite par ce progrès de terrains vagues sur la vie des Chinois : “Là où, peu de temps avant, 27 Zhang Zhen, The Urban Generation – Chinese Cinema and Society at the turn of the Tewenty-first Century, traduction libre, Duham and London, Duke University Press, 2007, p. 3. “In the 1990s Chinese cities both large and small have seen tremendous change in both infrastructural and social dimensions. Vernacular housing compounds (the hutong in Beijing and the longtang in Shanghai, for example), neighborhoods, and old communities of commerce and culture have been torn down to give way to expressways, subway stations, corporates buildings, and shopping malls – all in the wake of a ruthlessly advancing market economy and the incursion of global capitalism.”

se trouvaient des hutongs, ces petites ruelles typiques de la Chine traditionnelle, on ne voit plus que débris et gravats.”28 Sa série Paysages provisoires, réalisée entre 2002 et 2008 dans plusieurs villes de Chine, dénonce la construction d’un espace déshumanisé, qui n’est que le reflet de la politique de l’État. Dans ces photographies, l’horizon coupe le cadre souvent en son milieu, ce qui crée un dérangement visuel entre la symétrie d’un ciel souvent gris (probablement à cause de la pollution) et un terrain hideux, inhospitalier, qui obstrue le passage et la lecture visuelle de l’espace. Celui-ci n’offre ni mobilité ni lisibilité, et rend problématique tout équilibre corporel et psychique. Les images prennent ici une tournure politique, en faveur de liberté individuelle et à l’encontre du pouvoir établi. Dans une autre série, Étude de perspective, Ai prend en photo des monuments 28 Weiwei Ai, “Entrelacs”, Dossier de Presse, Paris, Jeu de Paume, 2012, p. 9.

FIG. 12 : Ai Weiwei : Paysages

provisoires, inkjet-prints, 66 x 84 cm, 2002.

FIG. 13 : Zhangke Jia, A Touch of

touristiques, son majeur injurieusement brandi au premier plan, ce qui met en question le déterminisme et l’oppression cachés derrière les points de fuite des images convenues et codifiées que sont ces cartes postales ; ces images prennent part au discours officiel sur la représentation de l’espace de la nation (la place Tiananmen figure évidemment parmi ses premières cibles)29.

Le cinéma, a toujours été suivi (et contrôlé) de prêt par les communistes, très tôt conscients en sa capacité de communication30 et donc de propagande idéologique. Ce média a dû attendre en Chine les technologies digitales pour pouvoir gagner son indépendance (de financement et donc d’expression), par rapport au gouvernement, et développer ainsi un libre regard sur les changements de l’espace et ses répercussions physiques, culturelles et psychologiques. Dès son premier long métrage Xiao Wu, artisan

pickpocket, Jia Zhangke expose l’envie de construire une approche visuelle critique de

la Chine, essentiellement centrée sur les changements spatiaux et leurs conséquences sur les personnes les plus démunies. S’il va filmer dans sa région natale, ce n’est pas pour faire le portrait d’un lieu, mais pour exprimer plastiquement la perception d’une nouvelle réalité par les gens qui l’habitent. Les plans, souvent longs et ouverts, mettent l’observateur dans une position active par rapport à l’espace, révélant, dans leurs temps d’observation, la singularité de choses a priori banales. Le spectateur possède lui aussi suffisamment d’éléments pour frayer son chemin personnel dans cet espace en création et en effectuer sa propre lecture.

Cet environnement en constante transformation capté par Jia va révéler, selon Joyard, la complexité de son cinéma qui revendique une liberté critique tout en faisant inexorablement partie de ce processus :

29 Ces œuvres ne font pas rire le gouvernement, qui a mis Ai Weiwei en prison pendant 80 jours en 2011, sans jamais donner de explications convaincantes.

30 Lénine disait que de tout les arts, le cinéma était le plus important (voir. Robert Stam, Introdução à Teoria do Cinema, Campinas, Papirus, 2003).

“Déjà, le grand sujet politique et esthétique de Jia Zhangke (la transformation de la Chine contemporaine et des corps qui l’occupent) se déploie sous la forme d’une question de cinéma : comment se construit un cadre de vie, aux sens plastique et environnemental du terme, en dehors du cadre social normé. Isolés volontaires, les personnages de Xiao Wu sont aussi encerclés, presque étouffés par le réel. Le film leur offre un espace minimal, celui du plan, qui les détache autant que possible de la société tout en marquant leur appartenance. La ville, dès lors, est un étrange terrain de jeu, à la fois responsable de l’aliénation et lieu d’une possible liberté, dérivative et impromptue. La tension entre ces deux options est le moteur dramaturgique du film […]”31

La ville, lieu de désolation et de rêve, d’aliénation et liberté, est un terrain de jeu pour les jeunes réalisateurs chinois, leurs petites caméras au poing. L’avènement de la vidéo numérique entraîne d’ailleurs un paradoxe : si les réalisateurs peuvent ainsi tirer avantage des libertés économiques et expressives dues à une plus grande facilité d’accès aux moyens de productions cinématographiques, il n’en demeure pas moins que ces nouvelles technologies arrivent avec des changements qui aggravent l’élargissement du fossé social et la destruction de l’environnement naturel et historique. Sensibilisé par ce dédale de situations contradictoires, Jia se positionne comme un témoin éclairé, capable de faire un document sur son époque et d’y exprimer ses impressions subjectives. Cette approche est d’ailleurs venue dans ces films avant même qu’il n’utilise la vidéo numérique, le format s’adaptant au style qu’il développait (non le contraire), en lui apportant énormément de liberté sur le plan esthétique (la possibilité de très longs plans, déjà présents dans ces films en pellicule, comme Platform, tournée en 35mm) et sur le plan financier. À plusieurs reprises l’espace l’oblige à se confronter à des choix esthétiques, comme pendant le tournage de son premier film, Xiao Wu (réalisé en 16mm), dans sa ville natale : “Au cours du tournage, j’ai abandonné le découpage pour laisser la caméra osciller. J’ai senti que dans ce chef-lieu de district, il y avait un ordre indestructible, que l’on ne pouvait observer que de loin et avec inquiétude.”32

31 Olivier Joyard, in : Thierry Jousse, Thierry Paquot, La ville au cinéma, Editions Cahiers du cinéma, Paris, 2005, pp. 723-724.

La représentation d’un lieu ne consiste pas dans le pur et simple enregistrement d’un décor pour décrire son état actuel. Même si ses films assument aussi sans nul doute