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Le “problème de la causalité”, qui englobe les trois problèmes du paragraphe 7.1 a pour origine le fait que le rayon de Hubble ou l’horizon croissent plus vite que le facteur d’échelle. Comme le rayon de Hubble rH ∝1 H croît comme t, le problème est dû au fait que l’expansion décélère au cours du temps. Pour résoudre ces problèmes, il suffit donc d’invoquer une phase d’expansion accélérée. Le tableau 1.1 nous indique que ce peut être le cas dès que l’Univers est dominé par une composante dont le paramètre de l’équation d’étatω est inférieur à 

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3. Aucune matière connue ne possède une telle équation d’état (qui suppose une pression négative), mais unchamp scalaire peut, dans certain cas, satisfaire à ces contraintes. L’idée de l’inflation est basée sur ce principe : on suppose qu’une des composantes de l’Univers est, dans l’Univers primordial, un champ scalaire, qui pour une raison ou pour une autre se met à dominer la densité d’énergie de l’Univers, se com-portant ainsi approximativement comme une constante cosmologique. C’est ce qu’il peut se passer si on suppose qu’en raison d’effets quantiques, le champ “saute” brutalement de son minimum d’énergie à une valeur d’énergie plus élevée. Le champ va alors peu à peu regagner son minimum de potentiel, mais pendant tout le temps où il varie peu (i.e. tant que sa dérivée temporelle reste faible)36, il se comporte presque comme une constante cosmologique, et l’Univers connaît une

35Même dans la théorie de l’inflation, on suppose encore que l’Univers était, avant la phase inflationnaire, déjà en expansion. Ce problème de l’expansion demeure donc antérieur à la phase inflationnaire.

1.7 Les problèmes du scénario “standard” 25

phase d’expansion accélérée, qui s’arrête quand le champ sort de ce régime de roulement lent en rejoignant son minimum.

Cette phase d’inflation peut considérablement augmenter le facteur d’échelle (d’où son nom), et une expansion d’un facteur e60est nécessaire37pour résoudre les problèmes liés à la causalité38. En général, la plupart des modèles d’inflation prédisent des phases d’expansion beaucoup plus importantes.

À l’issue de cette phase d’inflation, l’Univers a été considérablement dilué. Il est donc presque vide et “froid” au sens que la température et la densité des différentes espèces ont fortement dé-cru. Ce mécanisme permet donc éventuellement de se débarrasser de plusieurs reliques massives, pourvu que celles-ci se forment avant la dernière phase d’inflation. Pour retrouver le scénario cosmologique standard, il faut donc invoquer un mécanisme pour convertir en fin d’inflation une partie de l’énergie du champ scalaire en matière ou radiation (sans pour autant recréer des re-liques massives...). Ce mécanisme existe, et se produit pendant que le champ scalaire (aussi appelé inflaton) oscille quand il rejoint à nouveau le minimum de son potentiel. Le processus est alors ap-peléréchauffage39, et est initié par une phase explosive de création de particules (préchauffage40) [Kofman et al., 1997]. La température finale de la radiation ainsi créée dépend du modèle considéré, et est toujours plus basse que la température avant la phase d’inflation.

Reste à résoudre le problème de la génération de fluctuations à l’origine des grandes structures observées dans l’Univers. Il existe à l’heure actuelle plusieurs possibilités pour cela, dont deux semblent particulièrement prometteuses :

– une transition de phase qui génère desdéfauts topologiques,

– l’inflation, qui peut, à partir des fluctuations d’origine quantique, générer des fluctuations de densité macroscopiques pour former des structures41.

Les défauts topologiques apportent une explication assez “classique” à la génération de fluctua-tions. Lors d’une brisure spontanée de symétrie, on peut créer des objets topologiquement stables, dont la densité interne reste constante au cours du temps. Ces objets agissent donc au bout d’un certain temps comme des surdensités, favorisant ainsi l’accrétion de la matière environnante.

L’aspect le plus séduisant en faveur de l’inflation en tant que mécanisme générant des fluctua-tions dans l’Univers primordial est celui de simplicité : on réutilise un mécanisme déjà nécessaire pour résoudre d’autres problèmes. Les défauts topologiques ne “résolvent” pas d’autres problèmes que celui de la formation des structures, et en cela peuvent apparaître au yeux de certains comme

37On parle de 60 e-folds

38En supposant que la phase d’inflation ait lieu avant la domination de la matière (ce qui est raisonnable car elle se produit certainement à haute température), on calcule facilement (voir annexe B) que l’horizon croît d’un facteur

∆η 1 0 eN  1 zeq 1 zf (1.7.5)

où eNreprésente le facteur duquel a crû le facteur d’échelle (N est donc le nombre d’e-folds), et zf est le redshift de la fin de la phase inflationnaire. La contrainte la plus forte sur l’horizon est celle qui vient des observations portant sur les objets vus aux époques les plus reculées possible, à savoir le rayonnement fossile, pour lequel il faut que ∆η 1. En imposant que l’inflation a lieu pendant l’époque de grande unification, c’est-à-dire zf  TGUT T0 1028, on trouve

N ln1026

 

60 (1.7.6)

Ce nombre devient plus faible si la phase d’inflation a lieu à plus bas redshift. 39reheating

40preheating

41Alors qu’historiquement, elle n’a pas du tout été invoquée pour résoudre ce problème. C’est ce point qui rend la théorie d’autant plus séduisante

un épicycle inutile à la cosmologie, même s’ils sont une conséquence inévitable de la physique des hautes énergies42. Une de leurs qualités la plus remarquable est de prédire par des arguments très simples l’amplitude des fluctuations primordiales, en accord avec les observations, ce que peu de modèles d’inflation expliquent de façon très naturelle (voir cependant [Tegmark & Rees, 1998] pour une autre interprétation de cette valeur par le principe anthropique).

Un des grands enjeux de la cosmologie théorique et observationnelle actuelle est de déterminer lequel de ces deux mécanismes est celui qui est prépondérant pour la formation des structures43. Notons que les structures observables à l’heure actuelle dépendent non seulement du mécanisme qui a généré les fluctuations initiales, mais aussi du contenu matériel de l’Univers actuel, qui influe directement sur l’évolution de ces fluctuations. Une étude détaillée de la formation des grandes structures peut donc en principe nous donner des renseignements très précieux à la fois sur l’Univers primordial et sur l’Univers actuel44.

Insistons sur le fait que ces deux phénomènes ne sont pas “concurrents”. Une phase d’inflation est utile (nécessaire ?) pour résoudre plusieurs problèmes déjà mentionnés, et dans le scénario de Big Bang chaud dans lequel nous nous plaçons, il est inévitable d’avoir des transitions de phase créant des défauts topologiques. Une des questions à laquelle nous nous intéresserons dans cette thèse est celle des moyens observationnels de quantifier les contributions respectives de ces deux scénarios à la formation des structures. Il n’est pas exclu que les deux y apportent une contribution non négligeable.

42C’est par exemple le même type de mécanisme de brisure spontanée de symétrie qui est invoqué pour expliquer l’existence des masses des particules élémentaires (le mécanisme de Higgs).

43Ces deux mécanismes ne sont bien sûr pas les seuls qui ont été envisagés. Les scénarios de Pré-Big Bang (cf [Gasperini,

] pour une introduction) pourraient représenter une alternative intéressante pour la formation des struc-tures et la cosmologie primordiale en général, quoique des résultats préliminaires semblent indiquer qu’ils s’accordent moins bien avec les observations [Vernizzi et al., 2001].

44Selon les goûts de chacun, tel ou tel aspect du problème est considéré comme prépondérant par rapport à l’autre. La tendance actuelle semble être à négliger la possible complexité de la phase initiale de génération de fluctuations, pour ne se focaliser presque que sur la mesure du contenu matériel de l’Univers.

Chapitre 2

Formation des structures

Sommaire

1 Introduction . . . . 27 2 L’instabilité de Jeans . . . . 27 3 Applications astrophysiques . . . . 30 4 Application à un Univers en expansion . . . . 32 5 Quelques raffinements . . . . 35 6 Conclusion . . . . 38

1 Introduction

Avant d’étudier en détail les fluctuations de température du rayonnement fossile (qui est le sujet principal de cette thèse), nous allons donner quelques idées générales sur la formation des struc-tures par le mécanisme d’instabilité gravitationnelle, aussi appelé instabilité de Jeans [Jeans, 1902]. L’idée de base est assez simple : la gravité est une force attractive, et joue donc un rôle opposé à celui de la pression. Dans certain cas, la gravité peut prendre le pas sur la pression, et permettre la formation d’objets gravitationnellement liés (§2). Quelques applications astrophysiques de ce phé-nomène sont données au paragraphe 3. Dans un Univers FLRW, la dynamique des perturbations est affectée par l’expansion, ce qui a tendance à atténuer l’effet de la gravité (§4). L’instabilité gravitationnelle peut quand même se produire mais sur une période finalement assez restreinte (§5). Cela explique pourquoi les fluctuations observées dans le rayonnement fossile sont déjà me-surables sur la surface de dernière diffusion : elles doivent être suffisamment importantes lors de la recombinaison pour pouvoir atteindre les valeurs observées aujourd’hui.

2 L’instabilité de Jeans

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