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3. Cycle anthropique

3.4. Sols contaminés

D’après Rauch et Grandel 1, comme on peut le voir dans la Figure 6, le cuivre contenu dans le « réservoir » anthropique est plus important que le cuivre contenu dans la biomasse et les eaux douces. La majorité du cuivre rejeté par les activités anthropiques se retrouve dans les sols (le reste, négligeable, est rejeté vers l’atmosphère). Des échanges importants ont ensuite lieu entre les sols et la biomasse et entre le sol et les eaux douces.

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Figure 6 : Détails sur le cycle anthropique du cuivre 1. Les flux sont exprimés en Gg de cuivre par an

3.4.1. Cuivre

Les quantités de cuivre appliquées dans les sols via les épandages de boues industrielles et agricoles, le traitement par la bouillie bordelaise (CuSO4 + Ca(OH)2) de nombreuses zones

agricoles et les rejets industriels amènent de nombreux sols à se trouver à des concentrations largement supérieures à celles du fond géochimique local. Han et al.93 ont estimé la quantité cumulée de cuivre produite depuis le début de l’âge industriel à 451 millions de tonnes. Si le cuivre produit uniquement depuis 1950 était réparti équitablement sur les surfaces arables terrestres (0-10 cm), cela correspondrait à un apport de 217 mg de cuivre par kilo de sol. De manière générale, le cuivre complexé aux divers types de matière organique compose une part importante voire majoritaire du cuivre dans les sols94-104. Les premières études réalisées par Strawn et al.101, Flogeac et al.100, et Karlsson et al.99 en EXAFS sur le cuivre complexé à la matière organique ont montré que celui-ci formait des complexes de sphère interne avec la matière organique, c'est-à-dire des interactions spécifiques. Les oxydes de fer et d’aluminium ainsi que les fractions argileuses jouent aussi un rôle important pour la complexation du cuivre dans les sols 94, 96, 97, 105, 106.

L’influence de la spéciation du cuivre « contaminant » sur sa biodisponibilité a été mise en relief par Ginocchio et al.107. Ainsi, la bouillie bordelaise, les poussières de fonderie et les résidus sableux sont les plus susceptibles de relarguer du cuivre dans l’environnement car ils contiennent principalement du cuivre sous forme CuSO4 anhydre ou hydraté. L’addition de

ces composés dans les sols va les acidifier fortement et favorisera les formes solubles et donc biodisponibles du cuivre. En revanche, les scories, les résidus très concentrés en cuivre ou les minéraux contiennent plutôt du cuivre insoluble et sont donc potentiellement moins biodisponibles.

McBride et al.103 se sont intéressés à des sols ayant subit un fort impact d’épandage de boues 15 ans auparavant (ces boues avaient une concentration en cuivre autour de 1000 ppm). Ces sols présentent à ce jour des concentrations en cuivre (390 ppm) approximativement treize fois plus élevées que celle du sol contrôle (30 ppm). La solution du sol des sols contaminés est aussi plus enrichie en cuivre (0.56 ppm) que celle du sol contrôle (0.027 ppm) et sa spéciation serait contrôlée principalement par des colloïdes organiques. Il est à noter que sur l’ensemble du cuivre apporté par les boues, environ 40 % a déjà été perdu des couches

supérieures du sol et qu’il existe un risque important de transfert des métaux vers les couches profondes du sol, les écosystèmes aquatiques et les plantes.

La bouillie bordelaise utilisée pour lutter contre le mildiou, maladie cryptogamique qui touche principalement la vigne, la pomme de terre et la tomate, contient du cuivre sous forme soluble qui se retrouve dans les sols. Les sols viticoles, mis sous forte pression de cuivre, ont donc été très étudiés pour évaluer l’étendue de la contamination en cuivre et l’éventuelle mobilité du cuivre vers les plantes et le système aquatique. Brun et al.108 ont ainsi mesuré des

concentrations en cuivre allant jusqu’à 250 ppm dans des sols de l’Hérault alors que le fond géochimique local se situe entre 14 et 29 ppm. Chaignon et al.109 ont obtenu des valeurs

comprises entre 22 et 398 ppm à proximité de Montpellier et Michaud et al.110 sur des sols proches ont mesuré jusqu’à 1030 ppm pour des zones servant au remplissage des conteneurs de bouillie bordelaise. Des sols de la région de Champagne (Besnard et al.96) ont ainsi des concentrations de surface en cuivre pouvant aller jusqu’à 519 ppm pour les sols amendés en cuivre et en fragments végétaux, pour un fond géochimique local de 20 ppm. Dans ces sols, l’apport de cuivre par la bouillie bordelaise a été estimé à 1500-3000 kg.ha-1 pour le siècle dernier, correspondant à 870-1870 kg.ha-1 de cuivre dans les 40 premiers centimètres du sol. 40 % du cuivre aurait donc été perdu de la part supérieure du sol, principalement par érosion, les concentrations en profondeur étant similaires à celle du fond géochimique. Fernandez- Calvino et al.94 ont aussi montré le transfert du cuivre des sols viticoles vers les sédiments au pieds des vallées. Les sols viticoles mesurés dans le nord de l’Espagne ont des concentrations en cuivre comprises entre 42 et 583 ppm et les sédiments situés aux pieds des pentes des concentrations entre 73.9 et 947 ppm, avec un facteur d’enrichissement compris entre 1,2 et 5,6.

3.4.2. Zinc

Actuellement, la majorité des recherches sur les métaux dans les sols portent sur les sols contaminés ou sur le transfert des métaux vers les plantes. En effet, les flux anthropiques, directs (engrais, pesticides, déchets, épandages) et indirects (retombées atmosphériques), sont des sources importantes de zinc dans l’environnement et ont modifié la concentration de zinc dans les sols. Han et al.93 ont estimé la quantité de zinc produite en cumulé depuis le début de l’ère industrielle à 354 millions de tonnes. Si le zinc produit entre 1950 et 2000 était équitablement réparti sur l’ensemble des surfaces arables terrestres (0-10 cm), cela

correspondrait à un apport de 170 mg de zinc par kilo de sol. En général, le zinc est principalement associé aux oxydes de fer et aux argiles8. Si le sol est riche en matière organique et selon le pH, le zinc pourra y être, et si le sol est plutôt calcaire, le zinc pourra être fortement associé aux carbonates.

Lee et al.111 se sont intéressés à un sol à proximité d’une autoroute. La concentration en zinc atteint 2861 ppm juste à côté de l’autoroute pour ensuite décroître en s’en éloignant. La concentration en zinc des sols non contaminés aux alentours est de l’ordre de 34 ppm. Juillot et al.112 ont étudié deux sols à proximité d’une usine de plomb et de zinc dans le nord de la

France. L’un est agricole et l’autre boisé et plus proche de l’usine. Le fond géochimique local est de 60 ppm pour le zinc, ce qui est dans la moyenne des sols français. À la surface, les deux sols présentent des concentrations largement supérieures au fond géochimique avec une concentration de 571 ppm de zinc pour le sol agricole et de 1380 ppm pour le sol boisé. Le sol agricole ne contient pas de zinc échangeable et 28 % de zinc associé au compartiment organique tandis que le sol boisé contient 12 % de zinc échangeable et 21 % de zinc « organique ».

Cancès et al.89 se sont intéressés à la solution du sol correspondant au sol boisé contaminé étudié par Juillot et al.112. En fonction du montage expérimental (Donnan Membrane avec différents rapports sol/solution), la concentration en zinc de la solution du sol est comprise entre 1,5 et 0,4 ppm dont 70 à 100 % sous forme Zn2+. Stephan et al.113 ont étudié 66 sols canadiens et européens avec des pHs variant de 4.09 à 7.96 et des concentrations en zinc total dans le sol de 11 à 3610 ppm. Avec une méthode différente de celle précédemment évoquée (Anodic Stripping Voltammetry), ils obtiennent une proportion de Zn2+ de 7 % en moyenne, de zinc lié à la matière organique dissoute de 80 % et de zinc labile de 13 % en moyenne. Toutes ces études montrent bien la complexité des sols et l’importance de la spéciation des métaux dans l’environnement, ainsi que la forme sous laquelle ils sont introduits dans l’environnement.