• Aucun résultat trouvé

Outils expérimentaux, analytiques et modélisation

2. Montage Expérimental

2.1. Donnan Membrane

La technique DM (Donnan Membrane) a été développée à l’université de Wageningen par Temminghoff et al.1. La DM a le grand avantage de permettre la mesure des ions libres en solution sans perturber l’équilibre dans la solution à étudier, contrairement à d’autres techniques comme les DGT (Diffusive Gradients in Thin films). Le schéma de la DM est représenté dans la Figure 11. La DM consiste donc en une cellule séparée en deux

compartiments par une membrane. La membrane est composée d’une matrice de polystyrène et de divinylbenzène avec des groupements sulfoniques (HSO2OH) à sa surface. Les

groupements sulfoniques sont complètement déprotonés pour un pH supérieur à 2. La membrane sera chargée négativement dans nos conditions expérimentales et ne laissera donc passer que les ions positifs. Elle est d’une épaisseur de 0,16 mm et la surface en contact avec la solution est de 7 cm2. Dans le compartiment donneur, est placée la solution dont la

spéciation est à mesurer et dans le compartiment accepteur, uniquement une solution électrolyte ayant les mêmes ions majeurs et la même force ionique que la solution étudiée. La membrane permettant le passage des cations, un équilibre cationique de Donnan va s’établir entre le côté donneur et le côté accepteur.

Figure 11 : Schéma de la DM

Le volume est très différent pour les deux compartiments, 20 mL du côté accepteur et 200 mL du côté donneur. Cette différence est nécessaire afin d’assurer que l’équilibre de Donnan entre côté donneur et côté accepteur n’affectera pas la spéciation du côté donneur.

L’évolution de la concentration des éléments dans le côté accepteur au cours du temps dépend de la charge des ions et de la force ionique de la solution1, 2. Un équilibre s’établira autour de 2 jours pour la plupart des métaux divalents (Temminghoff et al.1, Weng et al.2, 3, Oste et al.4,

côté accepteur et côté donneur est observable pour le zinc dans la Figure 12. Côté donneur, la concentration en zinc décroît dans les 4 premières heures avant de se stabiliser. Cette décroissance a déjà été observée2, 4 et est associée à de la complexation du zinc sur la membrane.

Figure 12: Evolution des concentrations au cours du temps dans les deux côtés de la DM Lors de l’expérience avec un montage de la DM, plusieurs équilibres ont lieu : i) un équilibre de Donnan entre côtés accepteur et donneur (équilibration de la concentration en cations de chaque côté de la membrane), ii) un équilibre chimique entre le zinc libre et le zinc complexé avec la matière organique du côté accepteur et iii) un équilibre isotopique entre toutes les espèces (zinc libre, zinc complexé sur la matière organique, zinc complexé sur la membrane et éventuellement zinc du côté accepteur). Il est donc nécessaire d’estimer le plus long temps d’équilibre pour l’obtention de données correctes. Comme on peut le voir sur la Figure 12, la complexation sur la membrane se fait en l’espace de quelques heures et l’équilibre entre donneur et accepteur après 3 jours. Concernant l’équilibre entre les métaux et l’acide humique, l’étude de Ma et al.7 sur le cuivre a montré que la majeure partie de la complexation avait lieu en quelques minutes et qu’une complexation plus lente avait encore lieu lors des 24 heures suivantes. Aucune étude n’a été réalisée pour le zinc, mais il est très probable que le

temps d’équilibration soit similaire à ceux du cuivre, c'est-à-dire largement inférieur au temps d’équilibre de Donnan entre côté accepteur et côté donneur.

Pour l’équilibre isotopique, aucune mesure n’a été réalisée pour confirmer qu’il a bien été atteint. Cependant, Juillot et al.8, qui ont procédé à des expériences d’adsorption du zinc sur de la goethite et de la ferrihydrite, ont observé que l’évolution temporelle des rapports isotopiques suivait l’évolution temporelle du taux de complexation suggérant un équilibre isotopique beaucoup plus rapide que l’équilibre chimique. Sivry et al.9 ont étudié l’échange

isotopique de plusieurs éléments entre solution et acide humique et ont démontré que 90% de l’échange isotopique a lieu dans les quelques minutes qui suivent l’ajout de spike. À l’instar de nombreuses autres études8, 10-12, nous considérerons donc que le temps d’équilibration isotopique ne sera pas limitant pour les mesures de cette étude.

2.1.1. Adaptation de la DM pour les mesures isotopiques

Tout d’abord, la membrane complexant le zinc lors des expériences de DM, il a été nécessaire de vérifier son influence sur les rapports isotopiques mesurés. Une première série d’expériences sur les membranes seules ont été effectuées. Puis une autre série avec l’ensemble de la DM mais sans acide humique a été réalisée. Les résultats associés à ces expériences sont détaillés dans le Chapitre 3 et valident l’utilisation de la DM pour des mesures isotopiques.

Après les tests sur les membranes, la principale difficulté expérimentale liée à la DM a été le grand risque de contamination en zinc du système. En effet, pour empêcher toute fuite du côté accepteur par le côté donneur, l’ensemble du système est contenu par des vis en métal et des joints en plastique. Ces vis contiennent principalement du fer mais aussi une quantité non négligeable de zinc. Ceci a été découvert lors de tests pour comprendre les niveaux un peu trop élevés de zinc dans les solutions de lavage des membranes. Le bilan global en concentration du zinc sur l’ensemble du système (accepteur + donneur + membrane) était supérieur au zinc ajouté lors des expériences. Pour résoudre ce problème, les lavages de l’ensemble du système DM ont été intensifiés, en particulier la concentration en acide et le nombre de lavages ont été augmentés. De plus, pour les dernières expériences, des vis en acier inoxydable ont remplacé les anciennes vis.

Les concentrations en cuivre et en zinc des différentes solutions utilisées lors de la préparation des montages de la DM ainsi que dans les lavages des composants de la DM sont présentées dans le Tableau 7. Pour comparaison, la concentration en zinc dans la solution donneur se situe autour de 700 ppb. Tout d’abord, sont présentées les solutions utilisées lors des lavages, de la fixation du pH et composant les électrolytes. Les concentrations dans ces solutions restent faibles et négligeables face au zinc ajouté pour nos expériences.

Ensuite, les concentrations associées aux séquences de lavage des membranes avant et après l’expérience sont données pour une membrane. Les membranes sont lavées trois fois à l’acide nitrique 1 M, lavages entrecoupés de rinçages à l’eau milliQ. La séquence de lavage des membranes avant l’expérience est efficace pour éliminer toute trace de cuivre ou de zinc. Après chaque expérience, la membrane est récupérée et lavée à l’acide chlorhydrique 2 M trois fois.

Le premier lavage est donc forcément très enrichi en zinc. Cependant, au bout du troisième lavage, même étant faible, la concentration en zinc reste plus élevé qu’à la fin du lavage pré- expérimentation. L’ensemble des composants du système (éléments en plastiques de la DM et petits connecteurs en polypropylène) sont lavés en deux étapes, la première à l’HCl 2 M et la seconde avec de l’HNO3 1 M puis sont conditionnés dans du Ca(NO3)2 2.10-3 M. De même

que pour les membranes, le premier lavage a une concentration en zinc relativement élevée mais ensuite, les concentrations en zinc baissent et sont satisfaisantes pour nos expériences. Pour finir, les vis qui maintiennent les systèmes de DM en place ont été mises dans une solution de 50 mL de Ca(NO3)2 2.10-3 M pendant trois jours. Ces conditions sont très

différentes de celles ayant lieu dans la DM où la surface de contact entre la vis et la solution de Ca(NO3)2 est très faible. Néanmoins, la concentration en zinc dans la solution en contact

avec la vis est très élevée et montre le grand risque de contamination des expériences en zinc. Cependant, des expériences menées sans matière organique mais avec du zinc (Chapitre 3) ne montre aucun rapport isotopique exotique dans les différents compartiments et surtout aucun fractionnement entre le côté accepteur et le côté donneur.

Concentration (ppb) Cu Zn PHA (100 mg.L-1) 0,95 2,60 Ca(NO3)2 2.10-3 <0,05 0,35 HNO3 0,05N <0,05 <0,05 HNO3 3% <0,05 0,08 HNO3 65% <0,05 1,05 Solutions utilisées dans les expériences

de DM KOH 1N 0,79 1,81 Lav_Mb_H2O_1 0,07 0,17 Lav_Mb_HNO3_1 30,51 36,34 Lav_Mb_H2O_2 0,20 0,15 Lav_Mb_HNO3_2 1,31 1,86 Lav_Mb_H2O_3 0,14 0,10 Lav_Mb_HNO3_3 0,00 0,14 Lav_Mb_H2O_4 0,13 0,13 Lavage de la membrane avant l’expérience et conditionnement Mb_Ca(NO3)2 2.10-3 5,43 1,26 Lav_Mb_HCl_1 26,48 579,77 Lav_Mb_HCl_2 <0,05 40,00 Lavage de la membrane après l’expérience Lav_Mb_HCl_3 <0,05 8,41 Lav_DMT_HCl 0,29 50,29 Lav_DMT_HNO3 0,15 5,10 Lav_DMT_Ca(NO3)2 1,14 2,25 Lavage du système DMT et des petits connecteurs Lav_connect_Ca(NO3)2 1,47 0,61 Vis_Ca(NO3)2 0,51 4.028,98 Test de

« dissolution » des vis Vis-inox_ Ca(NO3)2 0,40 3,16

Tableau 7: Concentration en cuivre et en zinc des différentes solutions utilisées dans le montage de la DM ainsi que lors des lavages des différents composants.

Pour améliorer le système, des vis en acier inoxydable ont été testées et montrent une contamination en zinc beaucoup plus faible. Ces vis en acier ont été utilisées pour les dernières expériences. Des vis en téflon seraient aussi une solution satisfaisante. Il est toutefois notable que cette contamination de la membrane n’affecte pas les mesures en isotopie dans les côtés accepteurs et donneurs (voir expériences sans PHA dans le Chapitre 3).

2.1.2. Utilisation pour les mesures de solutions du sol

La DM, avec une adaptation simple (Soil Column-Donnan Membrane), permet de mesurer les concentrations des éléments dissous en équilibre avec le sol dans une solution du sol reconstitué (Weng et al.2, Cancès et al.5). L’adaptation consiste à ajouter un réservoir

contenant du sol connecté au reste du système du côté donneur. Le volume de sol est de 8 g et la solution électrolytique (2.10-3 mol.L-1 Ca(NO3)2) de 40 mL du côté de donneur. De la

même manière que pour les expériences avec l’acide humique, le côté accepteur contient 20 mL de solution électrolyte. Lors de l’utilisation de la DM sur des sols, le compartiment sol était isolé du reste du système par des petites grilles en plastique servant de filtres. Malgré ces grilles, des petits éléments de sols se retrouvaient fréquemment dans les tuyaux et s’ils s’aggloméraient, provoquaient une fuite à cause d’une trop forte pression.

La mesure de la solution du sol et des cations libres par la SC-DM nous donne des informations précieuses sur la spéciation des éléments étudiés. La mesure de la solution de sol reconstituée peut être mise en regard d’autres mesures comme l’échantillonnage rhizon, qui prélève la vraie solution du sol, ou le montage DGT, qui prend en compte aussi les espèces labiles. La mesure du métal libre par SC-DM peut aussi permettre de caler des modèles pour obtenir la spéciation complète du métal dans la solution du sol.

2.2. Plantes

Les protocoles expérimentaux utilisés lors d’expériences avec les plantes n’ont pas demandé de développements de notre part et seront donc décrits plus en détails dans les chapitres correspondants (Chapitre 4 et Chapitre 5). Dans les expériences du Chapitre 4, il s’agissait de faire pousser des plants de blé et de tomate en hydroponie dans le phytotron de l’INRA de Montpellier en collaboration avec Matthieu Bravin et Philippe Hinsinger (UMR Biogéochimie du Sol et de la Rhizosphère). Ceci a été réalisé afin de mesurer le fractionnement isotopique du cuivre et du zinc associé au prélèvement par les plantes en fonction de leur stratégie de prélèvement du fer. Dans le Chapitre 5, des plants de blé ont été cultivés sur des sols contaminés en cuivre sous serre à l’INRA, Bordeaux, en collaboration

avec Yohann Soulacroix, André Schneider et Laurence Denaix (UMR Transfert sol plante Cycle des Eléments minéraux dans les écosystèmes cultivés).