4.2.1 Pourquoi réduire le band-gap ?
Un solide semiconducteur peut être décrit par un modèle de bandes
d’énergie[181]dont la population électronique définit les propriétés. La
der-nière bande remplie est appelée bande de valence, et la première bande
va-cante est la bande de conduction (figure 4.2). L’énergie du haut de la bande
de valence est appelée Energie de Fermi.
Si sont présents dans le solide des niveaux vacants provenant d’impuretés,
des électrons de la bande de valence pourront y être promus (par la
tempé-rature, excitation lumineuse, champ électrique, etc.), laissant ainsi des trous
dans la bande de valence. Ces solides sont appelés semiconducteurs de
type-p. Ces niveaux accepteurs étant localisés (présents à l’état de traces dans
un solide cristallisé), ils ne participent pas à la délocalisation électronique
ni au recouvrement entre orbitales et donc peuvent être considérés comme
constants en énergie si on compare différents solides semiconducteurs
incor-porant ces impuretés.
Figure 4.2 – Vue schématique d’un solide semiconducteur - W est la largeur de bande
(image reproduite avec la permission de l’auteur
[34])
Réduire le band-gap, cela revient à rapprocher le niveau de Fermi de ces
niveaux accepteurs et donc augmenter le nombre de trous dans la bande de
valence, trous responsables de la semiconduction. Encore faut-il que ces trous
puissent se délocaliser.
La mobilité d’un porteur de charge en haut de bande de valence peut
être écrite (en prenant un raccourci) :
[181] C. Kittel,Introduction to solid state physics. John Wiley ans Sons, Inc. New York,
1976.
µ = A
m∗ (4.1)
m∗ = ¯h
2
d2/dk2 (4.2)
µest la mobilité (exprimée encm2V−1s−1),Aest une constante etm∗ est
la masse effective du porteur de charge considéré. Cette dernière grandeur
n’est qu’une manière de représenter l’interaction du porteur de charge avec
le réseau dans lequel il évolue. La grandeur d2/dk2 représente la courbure
de bande du niveau considéré. D’après les équations 4.1 et 4.2, la mobilité
est inversement proportionnelle à la masse effective, qui elle est inversement
proportionnelle à la courbure de bande. La mobilité sera donc d’autant plus
grande que la courbure de bande sera grande. La courbure de bande, si on
regarde le système d’un point de vue strictement orbitalaire[182], augmente
lorsque le recouvrement orbitalaire augmente, et on rejoint ici la conclusion
réalisée par J. D. Martin[180]: la distorsion doit être la moins importante
pos-sible pour obtenir des composés aux mobilités élevées. De plus, les systèmes
à base d’étain (II) étant des conducteurs de type-p, un intérêt particulier
sera apporté au sommet de la bande de valence où la dispersion de bande,
ou la courbure de bande, devra être la plus grande possible.
Dernier point : la concentration en porteur de charge. Une étude récente a
mis en évidence l’importance des niveaux accepteurs de la structure de bande
de composés de type [R−NH3]2SnI4 sur leurs propriétés électroniques[34].
Leur conclusion confirme la présence de niveaux accepteurs provenant
d’im-puretésSnIVI4 en faible quantité et leur concentration influence directement
les propriétés de conduction électronique des matériaux. Les mesures de
résis-tivité à température ambiante réalisées sur des monocristaux[R−NH3]2SnI4
et[R−NH3]2SnI4 dopés avecSnIVI4 montre que la résistivité à température
ambiante est plus faible pour l’espèce dopée (1-4 Ω.cm) que pour l’espèce
non-dopée (30-100 Ω.cm), la concentration en impuretés étant estimée à
moins de 1%.
En conclusion, la réduction du band-gap est un critère primordial, la clé
pour obtenir des matériaux semiconducteurs aux valeurs de mobilités élevées.
Et un autre critère à considérer est le dopage des systèmes. Un matériau
possédant une structure pérovskite idéale et un taux de dopage important
pourrait permettre d’obtenir des mobilités supérieures à celles observées pour
la pérovskite hybride tridimensionnelle(CH3NH3)SnI3 (50cm2V−1s−1).
[182] C. Iung and E. Canadell, Description orbitalaire de la structure électronique des
solides. Ediscience International, 1997.
4.2.2 Modélisation théorique
La structure électronique des composés synthétisés au cours de ces
tra-vaux de thèse a été étudiée dans le cadre de la DFT[154] en utilisant la
fonc-tionnelle PBE96 (GGA - Generalized Gradient Approximation)[183]. Comme
nous l’avons vu dans le précédent chapitre, le principe de la DFT est la
résolution des équations de Kohn et Sham[155]. L’apport de la DFT par
rap-port aux calculs Hückel étendus est qu’ici, on tient compte de la totalité
des électrons du système étudié. Néanmoins, l’approche orbitalaire (ou la
chimie quantique "avec les mains") reste un moyen d’analyser en première
approximation les structures électroniques uni-, bi- ou tridimensionnelle
lar-gement répandu. Cette étude est le fruit d’une collaboration, doublée d’une
formation (intensive !), avec Florent Boucher de l’Institut des Matériaux de
Nantes, IMN Jean Rouxel.
Deux codes de calculs ont été utilisés au cours de ces travaux : le code
VASP[184][185]basé sur la méthode PAW[186][187] (Projected Augmented
Wa-ve), et le code Wien2k[188]basé sur la méthode FLAPW[189][190][191][192]
(Full-potential Linearized Augmented Plane Wave).
Ces deux codes sont basés sur des méthodes de type ondes planes pour
résoudre les équations de Kohn et Sham[193][194]. Les ondes planes sont
parti-culièrement adaptées à l’investigation de structures électroniques cristallines
de par leur caractère délocalisé.
Les deux codes suivants fonctionnent de manière relativement similaire,
et nous ne détaillerons pas le fonctionnement. Cependant, voici les grandes
lignes du mécanisme (voir la figure 4.3). Tout d’abord, une densité
élec-tronique de départ ρ0 est choisie (elle peut être construite de différentes
[154] P. Hohenberg and W. KohnPhys. Rev. B, vol. 136, p. 864, 1964.
[183] J. P. Perdew, S. Burke, and M. ErnzerhofPhys. Rev. Lett., vol. 77, p. 3865, 1996.
[155] W. Kohn and L. J. ShamPhys. Rev. A, vol. 140, p. 1133, 1965.
[184] G. Kresse and J. FurthmüllerComput. Mater. Sci., vol. 6, p. 15, 1996.
[185] G. Kresse and J. FurthmüllerPhys. Rev. B, vol. 54, p. 11169, 1996.
[186] P. E. BlöchlPhys. Rev. B, vol. 50, p. 17953, 1994.
[187] G. Kresse and D. JoubertPhys. Rev. B, vol. 59, p. 1758, 1999.
[188] P. Blaha, K. Schwarz, G. K. H. Madsen, D. Kvaniscka, and J. Luitz,An augmented
plane wave+local orbitals program for calculating crystal properties. Techn.
Univer-sität Austria, 2001.
[189] D. Singh,Planewaves, pseudopotentials and the LAPW-method. Kluwer Academic
Publishing, 1994.
[190] O. K. AndersenPhys. Rev. B, vol. 12, p. 3060, 1975.
[191] D. D. Koeling and G. O. ArbmanJ. Phys. F, vol. 5, p. 2041, 1975.
[192] K. S. P. Blaha and G. K. H. MadsenComput. Phys. Comm., vol. 147, p. 71, 2002.
[193] M. C. Payne, M. P. Teter, D. C. Allan, T. A. Arias, and J. D. JoannopoulosRev.
Modern Phys., vol. 64, p. 1045, 1992.
[194] S. Cottenier,Density Functional Theory and the family of (L)APW-methods : an
manières) et un hamiltonien est construit avec. Les valeurs propres de cet
hamiltonien sont obtenues par résolution et il en résulte un jeu de fonctions
propresφ1 duquel est dérivé une nouvelle densité électronique ρ1. A priori,
ρ0 et ρ1 ne sont pas identiques. Le cycle continue et ρ1 est utilisée1 pour
bâtir un nouvel hamiltonien, duquel seront extraites de nouvelles valeurs
propres, puis de nouvelles fonctions propresφ2, et donc une nouvelle densité
ρ2, etc. La procédure se répète jusqu’à la convergence et donc l’obtention
d’une densité électroniqueconsistente avec l’hamiltonien, nous conduisant à
l’énergie totale du système.
Figure 4.3 –Schéma de lanitération d’une procédure auto-cohérente dans la résolution
des équations de Khon et Sham
[194]Le code VASP est utilisé en premier lieu pour optimiser les
géomé-tries cristallines (différents algorithmes d’optimisation sont disponibles,
pest descent, conjugate gradient[195]) en minimisant les forces de
Hellmann-Feynmann. Tout d’abord, il convient de choisir la grille de points-kà utiliser,
points-kde l’espace réciproque où sera calculée la densité électronique et cela
dépend surtout du volume et des paramètres de maille. Une fois la grille
dé-terminée, il faut choisir la tailler de la base d’ondes planes. Ces étapes sont
cruciales pour réaliser des calculs dans des intervalles de temps raisonnables,
une grille de points-k trop dense et une base d’ondes planes trop étendue
menant à des calculs longs (par exemple, il n’est pas rare que des calculs
soient réalisés sur 4 à 8 processeurs sur une durée totale de 60 à 72 heures
pour une maille contenant 100 atomes au total).
Le code Wien2k est utilisé ensuite pour analyser la structure
électro-nique. Il permet une décomposition intéressante des densités d’états et de la
structure de bande en termes d’orbitales atomiques. Le seul problème de ce
code est qu’il est très gourmand en ressources informatiques lorsqu’il s’agit
de structures contenant des carbones, des hydrogènes, de l’azote ou encore
de l’oxygène. Bref, dans nos calculs de structures électroniques, la partie
or-ganique des hybrides est effacée. Seul l’atome d’azote de l’ammonium (ou
tout autre atome porteur d’une charge postive) est conservé afin d’assurer
la neutralité de l’ensemble. Néanmoins, il est remplacé par un atome de
so-dium qui va modéliser le transfert de charge vers la partie inorganique[30].
Bien sûr, ce n’est qu’un modèle, mais il semble tout à fait acceptable. De
plus, une comparaison entre la DOS totale obtenue avec VASP (calcul où
tous les atomes sont présents) et la DOS obtenue avec Wien2k permet de
valider ou non ce modèle. Malheureusement, certaines orbitales (localisées)
du sodium viennent gêner artificiellement les structures électroniques. Pour
éviter ce genre de souci parasite, les orbitales du sodium "indésirables" sont
tout simplement retirées de la base des fonctions propres du système juste
avant les projections en termes d’orbitales atomiques. De cette manière, la
densité électronique du système ne peut être projetée sur ces vecteurs de base
qui n’interviennent plus dans la représentation finale, mais l’effet de
trans-fert de charge est intact puisque le calcul d’auto-cohérence contenait toutes
les orbitales nécessaires, et il apparaît que cette méthode est un substitut
parfait à un calcul prohibitif où la totalité des atomes sont présents. Nous
ne discuterons pas ici des cas où le remplacement du cation organique par
un atome de sodium a conduit à des différences majeures entre DOS VASP
et DOS Wien2k.
Cette méthode de calcul, optimisation VASP + structure électronique
Wien2k, est une méthode de choix dans l’investigation théorique de
struc-tures cristallines. Elle va nous permettre d’étudier les propriétés électroniques
[195] W. H. Press, S. A. Teukolsky, W. T. Vetterling, and B. P. Flannery, Numerical
Recipes - The art of scientific computing, 3rd ed.Cambridge University Press, 2007.
[30] S. Sourisseau, N. Louvain, W. Bi, N. Mercier, D. Rondeau, F. Boucher, J.-Y. Buzaré,
de nos composés de type pérovskites hybrides, d’en estimer la dispersion
de bande et l’origine des contributions atomiques. Bref, nous allons
pou-voir scruter en détails la structure électronique et ainsi poupou-voir déterminer
avec précision l’influence des géométries cristallines sur les propriétés
élec-troniques, et notamment le band-gap.
Dans le document
Relations Structures-Propriétés dans des matériaux hybrides multifonctionnels : Investigations structurales et théoriques
(Page 160-165)