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La solidarité apparaît polymorphe, trois champs se dégagent des entretiens, d’abord autour de la notion de service, service qui peut être matériel allant du simple prêt d’objet au prêt d’argent, ou « service rendu ». La nature de ce service varie en fonction de l’intensité de la solidarité ou du degré de familiarité qui est perçue ou voulue. Il est le reflet de l’implication sociale : la nature du ou des services rendus ou échangés avec la famille, les amis et les voisins traduit l’importance accordée à l’engagement. Si la solidarité familiale est décrite comme importante par les interviewés, dans leurs pratiques et usages elle est largement suppléée et complétée, par les amis quand il s’agit de service programmé (une action, ou une activité prévue à l’avance) ou régulier, et par les voisins pour un service plus ponctuel ou imprévu. Ensuite, vient l’entraide-voisinage qui est largement cité par les enquêtés avec de multiples anecdotes et qui prend des formes bien différentes selon les individus. Il s’agit, par exemple, pour Julie des voisins immédiats, de l’immeuble et du palier. Pour Bernard, ce sont les habitants du lotissement avec des différences assez nettes entre les voisins avec qui on

partage quelque chose et ceux avec qui l’échange est vraiment plus ponctuel. L’intensité des liens

avec les voisins est d’autant plus forte que la famille est éclatée et dispersée. La configuration de l’habitation est aussi décrite comme un facteur favorisant les interactions, avec des espaces qui peuvent être dédiés.

Une deuxième forme de solidarité est qualifiée de morale, décrite comme quelque chose que l’on fait

ensemble, l’attention que l’on porte aux autres en particulier dans des situations difficiles, elle peut

renvoyer au fait d’épauler quelqu’un, également décrite comme un acte de confiance. Pour Julie, jeune femme locataire de l’île Beaulieu, ʺon fait des choses ensemble, on s’épaule sur des trucs,

difficultés de travail. En dehors des échanges de services, c’est être attentionnée dans le vivre ensemble.ʺ

La troisième forme est la solidarité dans le bénévolat, l’engagement associatif, elle ressort particulièrement dans l’engagement au sein des associations locales qui œuvrent dans l’aide au développement. Cette forme plus classique est aussi décrite dans la manière de s’organiser en collectif pour une cause commune. A posteriori, cette mobilisation autour d’une cause commune est susceptible d’engendrer de nouvelles pratiques informelles de solidarité. Françoise raconte ainsi comment la mobilisation des habitants de son quartier pavillonnaire contre un projet immobilier a débouché par la suite sur une mobilisation des voisins contre un autre promoteur immobilier harcelant une veuve de sa rue chaque jour dans l’espoir de lui faire vendre son bien. L’engagement dans un collectif nourrit en retour l’interconnaissance dont découle une attention accrue aux situations de vulnérabilité de certains des membres.

Les représentations de la solidarité telles qu’elles ressortent des réponses à l’enquête 2015-2016, et l’analyse des discours sur les expériences associées à la solidarité recueillis lors des entretiens, renvoient à des situations dans lesquelles une ou plusieurs personnes rencontrent une difficulté (santé, situation financière, compétences « techniques », vie quotidienne, sécurité matérielle ou affective, protection d’un environnement…) ou nourrissent un projet (fête des voisins, composteur collectif…) qui mobilisent l’intervention d’autrui (individu, collectif informel ou formel).

Cette intervention, aide ou entraide, présente trois caractéristiques principales : elle procède de la gratuité au sens où s’il y a une forme d’échange ou de réciprocité, elle n’est pas marchande ; elle est volontaire ; elle suppose de l’écoute et de la tolérance, voire de la connivence au sein d’un périmètre de proximité (familiale, géographique, affinitaire). Elle peut prendre diverses formes : écouter, relayer, donner du temps, donner ou prêter de l’argent ou des objets…

L’enquête « jeunes de 18 à 30 ans » relativise cette approche en soulignant que la notion d’entraide et la prégnance d’un système d’échange de type « don/contre-don » sollicite moins la participation de systèmes d’intermédiation via les associations au profit de l’aide directe.

Ces premiers résultats appellent au moins deux questionnements relatifs à la compréhension de ce qui peut « faire solidarité » sur un territoire :

- la notion de solidarité apparaît dans cette recherche de terrain plus comme une relation d’aide ou d’entraide de gré à gré, individuée que comme une dynamique collective face à des enjeux collectifs posés par des questions sociales ou sociétales4. Dès lors, comment mobiliser des énergies présentes sur des « micro-territoires » pour résoudre des situations nécessitant de la solidarité et relevant de phénomènes plus macro (pauvreté, chômage, exclusion, accueil de personnes migrantes…) qui se déploient différemment selon les espaces ?

- la notion de proximité (géographique, familiale, affinitaire) ressort comme une condition nécessaire, voire indispensable, à une dynamique de solidarité et renvoie ainsi aux notions de proximité spatiale et de proximité socio-économique5 sur un territoire, comment la stimuler, la favoriser, l’encourager, la soutenir ?

4 C

ASTEL R., DUVOUX N., 2013. L’avenir de la solidarité, PUF, La vie des Idées ; DUVOUX N., 2012. Le nouvel âge de la solidarité, Pauvreté, précarité et politiques publiques, Seuil, La république des idées ; SUPIOT A. (sous la direction de), 2015. La Solidarité – Enquête sur un principe juridique, Collège de France, Odile Jacob.

5

BOUBA-OLGA O., GROSSETTI M., 2008. Socio-Economie de proximité, Revue d’Economie Régionale et Urbaine, 2008/3, 311-328.

2.2. Les dispositifs de proximité mobilisés par les individus pour la

solidarité informelle

Des proximités recherchées et des outils NTIC plutôt familiers qui ne remplacent