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Les deux SEL sur lesquels nous avons obtenu des informations plus précises de la part de leurs responsables, SEL de la Chapelle-sur-Erdre et SEL nantais, ont des effectifs situés autour de 60-80 adhérents pour le premier (créé en 2013) et 155 à 249 membres pour le second (créée en 2003), dont l'effectif est l'un des plus importants de Loire-Atlantique. La variation du nombre d'adhérents se lit sur

10 Le nom de l'unité monétaire varie selon les SEL : Epi, Rousinettes, Rigolettes etc. C'est un compte établi sur

la valeur du temps passé à donner ou échanger quel soit le type de service rendu, c'est-à-dire qu'une heure de ménage compte autant qu'une heure de cours de maths.

plusieurs années, mais également au sein même d'une année, puisqu'une partie d'entre eux sont des adhérents que l'on pourrait qualifier « d'utilitaristes » dans le sens où ils adhèrent pour un service précis et parfois unique (souvent un déménagement ou une demande d'aide au bricolage). Ils ne s'inscrivent pas dans un échange sur le temps mi long ou long. À la Chapelle-sur-Erdre, le turnover au sein du SEL est ainsi de 40 % d'une année sur l'autre.

Les services demandés et offerts au sein d’un système d’échange local, dont la forme est associative, sont mis en ligne par un bénévole, les adhérents se contactent directement par téléphone ou par mèl, mais peuvent se rencontrer a minima lors d'un service fourni ou offert. Pour ceux qui voient aussi le SEL comme collectif ou comme un support au lien social, il existe des rencontres entre SEListes autour de repas partagés une fois par mois, ou de rencontres interSEL. Mais elles réunissent peu d'adhérents, souvent les mêmes, une petite vingtaine.

Les SEL existent depuis les années 1980 au Canada et en France depuis le milieu des années 1990 (Wikipedia). Des différents regroupements d’association en catégories que construit l’INSEE lors de l’enquête sur les conditions de vie des ménages en 2008, le type dans lequel pourraient se placer les SEL serait « action sanitaire et sociale 11 ». Ce type d’association rassemble 3,5 % des Français et 4,6 % des Françaises loin derrière les associations sportives, les groupements professionnels et syndicats, les clubs du 3e âge, les associations culturelles et celles de loisirs.

Les frais d'adhésion à un SEL sont pourtant peu élevés : 8 euros par an et par famille à La Chapelle- sur-Erdre, 6 euros à Nantes, ils couvrent les frais d'assurance pour occuper un local et les mises en réseau via l’adhésion à un site national (SELidaires par exemple). L’origine de ces SEL peut tenir à l’initiative privée comme ce fut le cas pour la présidente du SEL de la Chapelle. Elle faisait trop de confitures et avait d’abord souhaité devenir auto-entrepreneur puis, devant les normes et les coûts, a créé un SEL pour régler son problème de confitures. Ailleurs, l’initiative peut venir de la mairie ou du centre socioculturel qui va porter et héberger la structure SEL.

De quoi s’agit-il exactement ? Un SEL est une association dans laquelle les adhérents effectuent des échanges de biens (aussi bien légumes que poste de télévision), de services (de la garde d’enfants à une coupe de cheveux), et de savoirs (des cours d’informatique à l’initiation à l’apiculture). L’échange est multilatéral : si Pierre donne un cours de guitare à Anne, celle-ci devra, en échange, offrir un bien (ou un service, ou un savoir) à n’importe quel membre du SEL, mais pas forcément à Pierre. Le SEL fonctionne donc en réseau avec une monnaie fictive : la branche, le caillou, la minute, etc. À la fin du cours de guitare, Pierre et Anne fixent un « prix » pour ce service. Si la monnaie est le caillou, Pierre sera alors créditeur dans l’association de, par exemple, 20 cailloux et Anne débitrice de 20 cailloux. Les objectifs des SEL sont multiples : prouver qu’un système d’échanges peut se développer sans que l’argent n’intervienne ; permettre à des personnes en difficulté d’acquérir des biens, des services, des savoirs ; faire entrer des individus isolés dans un réseau relationnel ; favoriser le développement local ; mettre en valeur les compétences de chacun… On compte aujourd’hui environ 1 500 LETS (Local Exchange Trading System) dans le monde, regroupant plus de 10 000 personnes, et 350 SEL dans toute la France.

Julien DOKHAN12, 2000

Les SEL sont aujourd’hui concurrencés par les services en ligne, par exemple des sites tels que mon.petit voisinage.com.

ʺLes SEL existant ont du mal à s’élargir et à toucher une population plus jeune parce que – on la sait la raison – elle est principalement la concurrence du numérique. Par exemple j’ai été m’inscrire sur, c’est pas

11 Vie associative : 16 millions d’adhérents en 2008 12

DOKHAN Julien, « Le temps contre l’argent : un SEL », Socio-anthropologie [En ligne], 7 | 2000, mis en ligne le 15 janvier 2003, consulté le 21 juin 2016. URL : http://socio-anthropologie.revues.org/101

une pub, mon.petit voisinage.com c’est pratiquement – pas tout à fait – la même chose parce que – nous il nous reste – ce qu’on recherche c’est la convivialité.ʺ (présidente Troc au Sel)

Parmi les concurrents, on peut aussi trouver OVS site dans lequel on peut trouver de l’aide ponctuelle au déménagement ou encore freecycle à Nantes, sites qui nous sont indiqués par le président du SEL nantais.

Les adhérents aux SEL sont comptés en tant que « familles » à la Chapelle-sur-Erdre, même si en réalité, ces familles sont des couples dont les enfants sont partis de la maison, et par ailleurs minoritaires par rapport aux personnes vivant seules qui sont, elles, des femmes.

ʺrépartitions : homme ou couple - 13 ; femme - 43ʺ

Ceci va de pair avec une répartition par âge assez élevée comme le montre le tableau réalisé par la présidence de l’association, avec une amplitude qui va de 29 à 85 ans.

Les âges et le type d’habitat orientent les demandes de service.

ʺOn a plus besoin de garde d’animaux que de garde d’enfants, parce que l’âge avance, et comme ça on peut partir en vacances, arrosage de jardin l’été des choses comme ça qui tournent bien (…)"

"On demande pas les métiers mais concrètement, on a plutôt des gens habitant en maison individuelle, on a quelques personnes qui ne sont pas retraités, des gens un peu dans le besoin quand même qui adhérent des fois par nécessité parce que ça vivote, soit pour des raisons de santé, on a beaucoup de gens avec des problèmes de santé plus ou moins graves et puis on a un peu de gens qui ne vont faire que passer et vont être utilitaristes, c’est-à-dire qu’entre deux boulots on va les dépanner. J’ai fait un calcul, on a un turnover de 40 %.ʺ (présidente Troc au Sel)

Les statistiques du SEL de la Chapelle-sur-Erdre Adhérents

du SEL par année

Nombre Age des

adhérents (2015-2016)

Nombre Les services les plus présents

Nombre

2012-2013 47 Moins de 50 ans 17 Dons de biens 95

2013-2014 70 50-59 ans 15 Service à la personne 48

2014-2015 84 60-69 ans 16 Garde d’animaux 12

2015-2016 44 70-79 ans 7 Bricolage 10

80 ans et plus 1 Jardinage 5

Prêt de matériel 5 Atelier 5 Garde d’enfants 4 Cuisine 4 Informatique 3 Mécanique 3 Couture 2

Source :d’après une enquête réalisée par le SEL de la Chapelle-sur-Erdre ; (22 réponses) pour 2014-2015 Le SEL de Nantes diffère du précédent, dans sa socio-démographie puisqu’il parvient à réunir deux générations, les moins de trente ans, souvent des jeunes couples, avec un fort turnover de l'effectif, et les plus de 55 ans, des femmes seules. Les services offerts et demandés diffèrent selon les catégories d'âge : plutôt déménagement et garde d'enfants pour les premiers ; petit bricolage pour les secondes :

ʺje suis arrivée à Nantes et je connaissais pas grand monde et je me suis dit si j’ai un truc à faire, j’ai pas mon père, j’ai pas ma famille pour m’aider. Il faut absolument que je m’entoureʺ (adhérente SEL

Nantais).

Il est également différent dans sa philosophie puisqu’il loue un lieu singulier : celui mis à disposition par l’atelier collaboratif et autogéré de mécanique qui occupe (depuis 1981) le rez-de-chaussée. Les

adhérents de l’association participent aussi aux chantiers de réparation du lieu. Et également parce que l’association n’est pas désireuse de soutien de la Mairie : ni en hébergement, ni financièrement. Les SEL conjuguent, à la fois, dans leurs modes de faire, des relations de face-à-face lors des repas partagés qui les réunissent tous les mois, avec un noyau dur de personnes qui aiment ces rencontres, mais aussi la liberté du service unique mettant en rapport des personnes qui ne chercheront pas nécessairement à se recroiser. À noter que du point de vue de leur aire de recrutement, celle-ci correspond plutôt à la commune qu’au quartier.