• Aucun résultat trouvé

LA SOCIETE GOMMEGNONNE ET FRASNOISIENNE DE 1727 A 1737

1 Evolution de la société de 1727 à 1737 :

11 Les recensements des 26 novembre 1727 et 1737 :

Nous avons expliqué dans le chapitre II (12 Le dénombrement de la paroisse de Gommegnies et Frasnoy daté de 1724) pour quelles raisons nous avons choisi la date du 26.11.1737 pour établir le recensement de cette paroisse. Dans le but de suivre l'évolution de ces deux villages sur une période de dix ans, nous avons aussi créé celui du 26.11.1727. Afin que le lecteur puisse aisément suivre les changements de résidence des habitants en plaçant cote à cote les deux recensements, nous avons disposé celui de 1737 à la fin du premier volume (Cf. Annexe 1), et celui de 1727 au terme du second (Cf. Annexe 25).

Les tableaux qui ont été créés pour chacune des 293 maisons comportent six colonnes qui, de la gauche vers la droite, énumèrent les noms, les prénoms, les liens de parenté, les métiers et les âges des habitants. Enfin, dans la colonne « Observations », nous avons mentionné non seulement dans quelle maison les paroissiens qui ont changé de lieu de résidence se trouvaient lors de l'autre recensement, mais aussi les raisons (décès, mariages etc.) pour lesquelles ceux dont les noms apparaissent dans une maison en 1727 n’y figurent plus dans le document de 1737.

Dans chaque demeure, l'âge des personnes dont on a trouvé la date du baptême dans les registres de catholicité est inscrit en caractères romains. Pour les autres, c'est l'italique qui a été choisi. Quand la date de naissance déterminée par l'âge mentionné dans les registres de mariage est différente de celle qui résulte de la déclaration effectuée lors du décès, c'est la première qui a été retenue.

Un tableau récapitulatif (Cf. Annexe 12) a été établi pour le recensement de 1737. Les habitants y sont répartis par rues et hameaux et aussi en classes d'âge de dix années chacune. Toutefois, pour les enfants de moins de dix ans, deux colonnes ont été dressées, la première regroupe ceux qui ont moins de cinq ans, la seconde ceux qui ont entre cinq et neuf ans. Les personnes âgées de plus de 70 ans ont été regroupées en une seule colonne. Les totaux d'hommes sont précédés du signe * et ceux des femmes de deux astérisques (**).

78 Le recensement du 26.11.1727 (Cf. Annexe 25) n’est certainement pas aussi proche de la réalité que celui de 1737. En effet, si, cette dernière année, l'élaboration du document a été facilitée par l'arrêt subit de la tenue à jour des deux livrets, les obstacles ont été plus grands en 1727. En particulier, à Frasnoy, le dénombrement n'a, semble-t-il, pas commencé avant 1729 (Cf. page 33).

De même, si les registres paroissiaux nous ont permis d'établir l'âge de nombreux paroissiens, il ne nous a pas toujours été possible de connaître avec certitude où résidaient certaines familles le 26.11.1727. En effet, plusieurs de celles-ci ont changé de résidence entre 1724 et 1737. Aussi, c’est en fonction des informations dont nous disposions (identité du rédacteur sur le dénombrement, dates des mariages, des décès, des premières communions...) que nous nous sommes efforcés de déterminer si le déménagement avait eu lieu avant ou après le 26.11.1727. Il est bien évident que, dans certains cas, notre choix n’a pas été le reflet de la réalité.

A titre d’exemple, nous avons choisi la FAMILLE GHILLE-HUREAU. Celle-ci a déménagé quatre fois entre 1724 et 1737. Pour déterminer l’ordre (m 21, 28, 116, 114, 165) des changements de résidence, nous avons tenu compte de la place plus ou moins élevée du couple dans la liste des noms notés dans les cinq cases représentant les maisons successives. Nous avons aussi recherché quel était le curé (Claude Joseph Deropsie jusqu'en 1730, puis Adrien Lescuier) qui avait mentionné la FAMILLE GHILLE-HUREAU dans sa nouvelle demeure. Ensuite, nous avons noté la présence ou non de Marie Philippine qui, née en décembre 1719, n’a été vraisemblablement « communiante » qu’à partir de 1732 ou de 1733. Néanmoins, la décision de loger le 26.11.1727, Jacque Joseph GHILLE et Marie Anne HUREAU dans la maison 28, a été un choix de compromis. En effet, la famille pouvait fort bien habiter encore en m 21 ou résider déjà en m 116.

Il est enfin une catégorie de personnes qui est très mouvante°; c'est celle des servantes et des valets. Bien souvent, ceux-ci ne sont pas originaires de Gommegnies et, s'ils ne se sont pas mariés dans la paroisse, s'ils n'y sont pas morts, nous sommes totalement dans l'ignorance de leur année de naissance.

Nous verrons plus loin comment nous leur avons attribué néanmoins des âges fictifs pour construire la pyramide du 26.11.1737.

12 Evolution démographique de 1727 à 1737 :

Ces réserves étant énoncées, voici comment a évolué la population de la paroisse de Gommegnies et Frasnoy entre le 26.11.1727 et le 26.11.1737. En dix ans, le total des feux des deux villages est passé de 292 à 327 et le nombre d'habitants s'est accru de 251. Il y avait 1462 personnes en 1727 et 1713 en 1737. Entre les deux recensements, la croissance démographique a donc été de 17 % (Cf. Annexe 13). A Gommegnies, le nombre de feux s'est accru de 31 ; il était de 233 en 1727 et il a atteint 264 en 1737. A Frasnoy, il est passé de 59 à 63, l’augmentation en une décade a été de quatre. Il y avait donc dans la paroisse 5,01 habitants par feu en 1727 et 5,24 en 1737.

Croissance démographique des « hameaux forestiers » :

L'évolution de la population a été différente suivant les lieux d'habitation. Ainsi, dans les huit hameaux qui étaient les plus proches de la forêt (Blan cheval, Les Caches, Grand Sart, Les Saulx rugies, Le Sarloton, La Haute rue, Carnois, Rue Crombion), le nombre des paroissiens est passé de 640 personnes en 1727 à 802 en 1737, ce qui correspond à une augmentation de 25 %.

79 forestières qui est à l'origine de l'importante croissance démographique. En dix ans, alors que l'augmentation du nombre d'habitants de Gommegnies a été de 203, les hameaux forestiers ont vu leur population croître de 162. Ils sont à eux seuls responsables de 80 % de l'accroissement. La part de la population des hameaux forestiers est passée de 53 % en 1727 à 57 % en 1737.

Désiré Mathieu, se référant à deux dénombrements datant de 1720 et de 1750, a écrit : « La forêt continuait à attirer des gens pauvres. Le bois, l'herbage, la glandée, la décomposition de nombreuses terres voisines accroissaient rapidement la population des environs où on trouvait sabotiers, « bocteux* » (bûcherons), scieurs, tourneurs, « carioteurs », « bucheteurs », cercleurs*, braisetiers*, faudeurs*, latteurs que faisaient vivre le bois et souvent un coin de sol loué, à côté de charretiers, « benneux », « mulquigniers », « reculliers », « remouleurs », recueilleurs de filets, « baloteux » et autres.

On jugera de cet accroissement de population par les chiffres de la note ci-dessous où on la voit presque doubler en 24 ans autour de Mormal, sauf au nord. »121 Dans ce document, il relève les nombres de 120 et de 630 individus respectivement pour Frasnoy et Gommegnies en 1750. Puis, il ajoute que « d'après le dénombrement de Saugrin de 1720 », Gommegnies avait 167 feux cette année-là. Enfin, pour 1774, il cite les valeurs de 299 et 1312 habitants pour Frasnoy et Gommegnies. Cependant Désiré Mathieu ne cite pas les références de ses sources ; aussi, nous ne pouvons porter un jugement sur leur degré de fiabilité.

Il n'en est pas moins vrai qu'au terme de plusieurs dizaines d'années de recherches sur la forêt de Mormal et sur ses environs, l'auteur a eu le sentiment qu'un fort accroissement de la population s’était produit sur les lisières de ce massif entre les années 1720 et 1774. La création de routes dans la forêt à cette époque en permettant d'extraire plus de bois chaque année pourrait être l’un des facteurs qui explique l'afflux de jeunes ouvriers dans les hameaux forestiers.

Pierre Pierrard, quant à lui, a noté : « Cependant, avant l’annexion à la France, quelques manufactures du Hainaut utilisent déjà la houille du Borinage belge, venues par les vallées de la Haine et de l’Escaut. (...)

Quand, en 1678, la nouvelle frontière sépare le Borinage du Hainaut français ainsi privé de houille, il faut se rabattre sur les forêts qui étaient déjà exploitées pour la consommation domestique et vont maintenant être fortement entamées par la consommation industrielle. En 1698, on estime à 3.000 cordes* (12.000 stères) le bois nécessaire aux verreries et à 18.000 (54.000 stères) celui qu’il faut pour faire du charbon de bois. »122

Ces lignes de Pierre Pierrard nous fournissent ainsi une explication partielle de cet accroissement important de la population dans les hameaux forestiers. L’établissement d’une frontière entre les Pays-Bas espagnols - devenus autrichiens en 1713 - et le Hainaut français a tari le flux de charbon de terre qui provenait de la région de Mons. Ce fait a eu plusieurs conséquences. D’une part, on a recherché du charbon « de terre » près de Valenciennes et on en a trouvé en 1716 à Fresnes (situé à 25 kilomètres au nord-ouest de Gommegnies), puis en 1734 à Anzin. D’autre part, on a stimulé la fabrication de charbon de bois en exploitant plus intensément la forêt la plus vaste et la plus proche de l'Escaut.

Mormal a ainsi attiré un plus grand nombre d’ouvriers de bois (bûcherons, charbonniers...)

121

MATHIEU (D.), op. cit., p. 680.

80 qui ont cherché à se loger dans les villages et les hameaux voisins. C'est là, vraisemblablement, la raison de cette explosion démographique des hameaux de Gommegnies les plus proches de la forêt entre 1727 et 1737.

13 La pyramide des âges (26.11.1737) :

L'établissement du recensement daté du 26.11.1737 nous a permis d'établir la pyramide des âges de la paroisse de Gommegnies et Frasnoy.

Les groupes d'âges :

Dans le but de la dessiner, nous avons regroupé les habitants en 18 groupes, neuf de femmes et neuf d'hommes, répartis par classes d'âge de dix ans, et ceci jusqu'à 69 ans, avec deux ensembles spécifiques, celui des 70 ans et plus, et celui dont la durée de vie était inconnue.

Compte tenu du faible nombre des personnes les plus âgées et du fait que nous ne connaissions qu'approximativement leur année de naissance, nous avons limité la pyramide au créneau 60-69 ans.

Pour intégrer dans celle-ci les 93 personnes sur lesquelles nous ne disposions d'aucune information, nous avons défini plusieurs règles afin de leur attribuer un âge approximatif. Ainsi, pour estimer la catégorie dans laquelle se trouvaient les parents quand nous connaissions celle des enfants, neveux ou nièces, nous avons majoré cette dernière de trente années. De même, nous avons retiré cette valeur à l'âge des parents pour déterminer celui des enfants.

Nous avons, par ailleurs, estimé que le curé avait mentionné sur le recensement les jeunes « communians » dans l'ordre décroissant de leur nombre d'années, au fur et à mesure que leurs succès au catéchisme les amenaient à la première communion et, de ce fait, à être inscrits sur le dénombrement. A vrai dire, peu importait de connaître avec précision l'année de naissance des paroissiens puisqu'ils étaient classés par groupes de dix années. Les risques d'erreurs étaient de ce fait limités.

Les rares fois où nous n'avons pas appliqué avec rigueur les règles définies ci-dessus, sont celles où nous avons rencontré des couples qui étaient à cheval sur deux groupes d'âges. Dans ce cas, nous avons estimé que l'épouse avait un an de moins que le mari. Ainsi, les épouses dont l'âge était inconnu et dont le mari avait trente ans, ont été placées dans le groupe des 20-29 ans.

Cependant, sur ce total de 1713 individus, il subsistait un ensemble de 29 personnes pour lesquelles nous ne disposions d'aucune information. C'étaient essentiellement des servantes, des valets et des bergers. Nous avons estimé qu'elles avaient plus de neuf ans et nous les avons réparties dans les tranches d'âge comprises entre 10 et 59 ans au prorata des valeurs que nous connaissions, ceci afin de ne pas modifier l'aspect de la pyramide qui était déjà établie sur un grand nombre d'habitants (1684).

En définitive, il ne restait plus que quatre personnes sur 1713 dont l'année du baptême était impossible à déterminer : Ferdinand Joseph DE BEUGNIES (m 8), seigneur du Petit Wargnies, et Jeane BRASSEUR (m 9) à qui nous avons attribué fictivement un âge supérieur à 70 ans, Marie Rose BORBERT (m F1, cuisinière) et Jean Joseph VOISIN (m 84, cordonnier) que nous avons placés dans le groupe des 60 à 69 ans.

81 de 5%. Elle est certes supérieure à celle des derniers recensements réalisés au XXIe siècle en France, mais ces 5% sont peut-être, dans certains cas, inférieurs au pourcentage qu'ont involontairement intégré ceux qui ont déclaré l'âge des décédés. En effet, pour les personnes nées hors de la paroisse ou à Gommegnies et Frasnoy avant 1705, date à partir de laquelle les registres de baptêmes ont été conservés - c'est-à-dire, pour les paroissiens ayant plus de 32 ans en 1737 - le curé n'avait peut-être pas plus que nous la possibilité de vérifier si le nombre d'années annoncé le jour de l'enterrement était exact. C'est la raison pour laquelle, le plus souvent, il ajoutait « environ » à l'âge qu'il notait sur le livret.

Ecarts entre âges réels et âges déclarés lors des mariages et des décès :

Pour les villageois dont nous possédions les actes de baptême, nous avons recherché quel était l'écart entre l'âge réel et celui qui fut mentionné dans les registres de mariages et de sépultures. Nous nous sommes limité aux habitants qui vécurent entre 1727 et 1737 dans le hameau du Sarloton (maisons 147 à 175) et qui naquirent entre 1705 et 1720. Ce sont les noms de ces 41 personnes que l'on trouve sur le tableau de l'annexe 20. Sur celui-ci, l'âge du conjoint a été inscrit dans trente cas lors du mariage, et 37 actes de sépulture mentionnent la durée de vie du défunt. Les différences par rapport à l'âge réel excèdent un an deux fois lors du mariage et 17 fois lors du décès. En fin de vie, l’erreur n'est supérieure à trois années que dans dix cas et à quatre ans que dans trois.

L'écart maximal est de quatre années lors du mariage et de neuf lors du décès. Il s'agit dans les deux cas du même homme, Louis Joseph JOUGLEZ (m 164, valet de charrue en 1743 et 1758, manouvrier lors de son décès en 1790). Il figure sur la liste de ceux qui ont effectué leur première communion en 1725, ce qui confirme que la date de son baptême (le 29.12.1712) est bien la sienne. Ses trois frères, enfants du couple Pierre Charle JOUGLEZ (1677 (?) - 1732) - Marie Jeane DUPONT (1682 (?) - 1754), qui ont vu le jour après lui sont Jean Antoine né le 19.08.1715, enterré le 13.01.1717, Pierre Joseph baptisé le 14.12.1717 et Charle Joseph né le 26.05.1720. Les registres de mariages et de sépultures de Gommegnies ne portent pas trace de Pierre Joseph ni de Charle Joseph qui ont vécu au moins jusqu'en 1737 puisque ils n'ont pas été rayés sur le dénombrement dont la rédaction s'est achevée cette année-là. Nous ne pouvons pas exclure qu'il y ait eu confusion sur l’identité de Louis Joseph JOUGLEZ de la part du curé quand il a rédigé les actes de mariage et de sépulture. En effet, l'âge inscrit lors de son mariage le 05.02.1743 correspond à un an près à celui de son frère Pierre Joseph et celui qui est mentionné lors de son décès, en janvier 1790, est celui de Charle Joseph.

Ces remarques nous portent à penser qu'au XVIIIe siècle les curés consultaient de temps à autre les registres de baptêmes lors des mariages et des décès. Ils ne se contentaient pas de se fier aux dires de leurs paroissiens. Aussi, nous pouvons affirmer que, dans la mesure où les pasteurs de la paroisse de Gommegnies et Frasnoy avaient encore en leur possession des registres de baptêmes antérieurs à 1705, il n'est pas impossible que, pour certaines personnes ayant plus de 32 ans en 1737, les âges mentionnés dans les sources lors de leurs décès sont assez proches de la réalité.

82