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B. Règles liées à la forme juridique

IV. Le transfert du sociétariat

5. La société en commandite par actions

Les dispositions concernant la société anonyme sont applicables à la société en commandite par actions, sauf disposition contraire (art. 764 al. 2 CO). En l’absence de règles spéciales relatives au transfert des parts, nous renvoyons donc à ce qui a été dit concernant le transfert du sociétariat dans la société anonyme131.

126 HARI, p. 395.

127 MONTAVON, Droit de la SARL, p. 215.

128 CR CO II-CHAPPUIS/JACCARD, CO 786 N 7.

129 MONTAVON, Droit de la SARL, p. 217.

130 Idem, p. 135.

131 supra IV.3.

On notera toutefois qu’en pratique, la liberté statutaire semble être plus grande dans la société en commandite par actions que dans la société anonyme132. Ainsi, les statuts de « Pictet & Cie Group SCA » et de « Compagnie Lombard, Odier SCA »133 prévoient, en substance, que l’aliénation d’actions puisse être refusée par l’administration si l’acquéreur n’est pas l’un des associés134.

Ces clauses permettent donc de conditionner l’agrément de la société à l’appartenance de l’acquéreur à un cercle très précis de personnes, ce qui, à notre avis, serait impossible dans une société anonyme puisque cette restriction est sans lien avec le but social, et excessive quant au critère de l’indépendance de la société135.

Si cette liberté statutaire de la société en commandite par actions se confirme, cette forme juridique pourrait connaître un regain d’intérêt, en particulier pour les sociétés de personnes se transformant en société de capitaux mais désirant conserver l’actionnariat verrouillé.

6. Contenu de la modification

Le caractère personnel des sociétés de personnes est caractérisé par la difficulté de transmission des parts. En effet, sauf disposition contractuelle contraire, le consentement unanime des associés est requis pour accepter l’entrée d’un nouvel associé. L’associé minoritaire est donc assuré de traiter avec les personnes qui lui conviennent : la stabilité de l’actionnariat est assurée.

Certes, lorsque la société de personnes sera transformée en société de capitaux, l’associé a l’assurance de conserver sa participation, tel que le garantit l’art. 56 LFus.

Toutefois, les règles relatives au transfert du sociétariat, à l’entrée et au changement d’associés seront désormais radicalement différentes. Si aucune mesure n’est prise, l’associé minoritaire subira les décisions de la majorité des autres associés sans avoir voix au chapitre, puisque ces derniers pourront céder leurs parts ou accepter de nouveaux associés à l’occasion d’une augmentation du capital. Le principe de continuité des droits sociaux et patrimoniaux énoncé par la LFus doit donc être nuancé136.

Des mécanismes légaux de protection des associés minoritaires existent (droit préférentiel de souscription, agrément) mais ils sont faillibles dans la mesure où ils impliquent d’investir plus dans la société ou d’obtenir une majorité. Par ailleurs, ils peuvent être supprimés.

132 PETER, p. 72.

133 Depuis leur transformation, l’exercice commercial de ces sociétés s’effectue par le biais d’une société anonyme, détenue par une holding constituée en la forme de société en commandite par actions, elle-même détenue par les associés.

134 Art. 8 des statuts de « Pictet & Cie Group SCA » et art. 10 des status de « Compagnie Lombard, Odier SCA ».

135 REYMOND, p.262,admet l’existence de justes motifs conditionnant l’agrément destinés à maintenir un cercle limité d’actionnaires uniquement si des liens familaux ou des capacités professionnelles particulières le justifie.

136 Message 2000, p. 4014.

Afin que la question du transfert du sociétariat ne devienne pas un obstacle à la transformation d’une société de personnes en société de capitaux, les associés d’une société de personnes seront bien avisés de rédiger, lors de la transformation, les modifications statutaires qui s’imposent afin que chacun conserve un droit de veto quant à la composition des détenteurs de l’entreprise. Cette volonté de verrouiller l’actionnariat est en principe réalisable, moyennant l’adoption de dispositions statutaires et/ou la conclusion d’une convention d’actionnaires137.

A titre d’exemple, en cas de transformation en société anonyme, les nouveaux statuts pourraient prévoir que toute décision relative à une augmentation du capital doit être prise à l’unanimité, cette mesure étant parfaitement conforme aux art. 703 ss. CO138. Pour éviter le transfert des actions par cession, une clause de blocage serait adoptée dans une convention d’actionnaires, précisant que la cession des parts est soumise à l’approbation de tous les associés. Finalement, les statuts prévoiraient qu’en cas de décès de l’un des associés, la société reprendra les actions à valeur réelle, sauf en cas d’accord unanime. Une variété d’autres solutions sont évidemment imaginables (clauses de préemption ou d’emption, mais également propriété des actions en main commune via une convention139).

Il est donc possible d’imiter les règles qui gouvernent le transfert des parts dans les sociétés de personnes par l’adoption de conventions d’actionnaires et de dispositions statutaires. Les sociétés dites « de famille » ou « fermées » font justement usage de ces facultés, afin que la société reste détenue par un cercle restreint d’associés/actionnaires. Tout comme MARTIN, nous sommes convaincus que les conventions d’actionnaires, dont le contenu est quasiment libre, constituent une meilleure solution que les modifications statutaires, qui doivent respecter le droit de la société anonyme140.

On relèvera que l’exigence du consentement unanime des associés pour accepter l’entrée d’un nouvel associé peut être source de blocage, surtout en cas de grand nombre d’associés141. Afin d’éviter qu’un refus isolé enkyste l’entreprise et freine ainsi son développement, on peut également imaginer l’instauration de décisions à la majorité qualifiée.

Finalement, la solution adoptée par deux banques privées genevoises déjà mentionnées mériterait un approfondissement. Même si, formellement, l’art. 764 al. 2 CO renvoie aux règles de la société anonyme, force est de constater que la liberté statutaire est plus grande dans la société en commandite par actions puisque des clauses d’agrément instituant comme juste motif le fait de ne pas être associé semblent licites. Il nous paraît possible d’aller encore plus loin, en soumettant la décision d’agrément de l’administration à l’unanimité. La société en commandite par actions est déjà utilisée dans d’autres ordres juridiques de manière à verrouiller

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