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B. Règles liées à la forme juridique

V. Droit aux renseignements

L’exercice des droits des associés ne peut se faire qu’en connaissance de certaines informations. A nouveau, la transformation vient radicalement changer l’étendue et les moyens dont dispose l’associé pour se renseigner sur la gestion de la société.

1. La société en nom collectif

Les associés d’une société en nom collectif bénéficient du droit de contrôle prévu par l’art. 541 CO (par renvoi de l’art. 557 al. 2 CO)143. Ce droit s’exerce auprès des associés gérants, en tout temps144. Le droit aux renseignements est de nature impérative, comme le précise l’art. 541 al. 2 CO.

L’étendue du droit de contrôle des associés comprend le fait de se « renseigner personnellement sur la marche des affaires sociales », c’est-à-dire de se rendre dans les locaux de l’entreprise pour en observer le fonctionnement, ou d’inspecter la qualité des produits par exemple. L’associé peut également « consulter les livres et les papiers de la société », soit tous les documents en rapport avec l’activité sociale.

Finalement, l’associé peut conserver une trace écrite de la situation financière145. Bien qu’il s’agisse d’un droit personnel, le droit de contrôle peut être délégué à un tiers146 (art. 600 al. 3 CO par analogie). L’abus de droit constitue la seule limite au droit de contrôle147.

2. La société en commandite

La situation des associés indéfiniment responsables est identique à celles des associés dans la société en nom collectif148 (art. 541 al. 2, 557 al. 2 et 598 al. 2 CO).

En vertu de l’art. 600 al. 3 CO, les commanditaires peuvent réclamer une copie du compte de pertes et profits et du bilan, ils peuvent également en faire contrôler l’exactitude par un expert qui n’a aucun intérêt dans la société149. Cet article est de droit impératif : il peut toutefois être accordé aux commanditaires un droit plus étendu150.

En résumé, tant les associés en nom collectif que les associés indéfiniment responsables d’une société en commandite bénéficient d’un droit de contrôle étendu, qui peut être exercé en tout temps, et ce même s’ils ne sont pas dans une position de gérant.

143 Tribunal cantonal GE, du 26 juin 1987, in SJ 1988 30, consid. 3.

144 RUEDIN, N 1410/1415.

145 CR CO II-CHAIX,CO 541 N 4.

146 BSKCOII-HANDSCHIN,CO 541 N 7.

147 CR CO II-CHAIX,CO 541 N 7.

148 CR CO II-RECORDON,CO 599-600 N 1.

149 GUHL,p. 1.

150 CR CO II-RECORDON,CO 599-600 N 12.

3. La société anonyme

Le droit de contrôle de l’actionnaire d’une société anonyme est constitué de trois paliers : l’information spontanée (a)(art. 696 CO), l’information sur requête (b)(art.

697 CO) et l’information collectée par un tiers neutre151 (c)(art. 697a-697g CO).

a) Information spontanée

Les rapports de gestion et de révision doivent être mis à disposition des actionnaires avant l’assemblée générale (art. 696 al. 1 CO). L’actionnaire peut également exiger une copie des rapports de gestion et de révision approuvés par l’assemblée générale (696 al. 3 CO). De la sorte, l’actionnaire aura accès au comptes annuels (bilan, compte de pertes et profits, annexe, le cas échéant les comptes de groupe)152 ainsi qu’au rapport annuel (explication des chiffres figurant dans les comptes, état du déroulement des affaires, lignes directrices de la gestion future, proposition sur l’attribution du bénéfice)153. Ces droits peuvent en principe être délégués à un tiers154.

b) Information sur requête

Au sens de l’art. 697 al. 1 CO, « lors de l’assemblée générale, tout actionnaire peut demander au conseil d’administration des informations sur la marche des affaires de la société ». Ces informations doivent être nécessaires à l’exercice de ses droits et peuvent être refusées lorsqu’elles compromettent le secret des affaires ou d’autres intérêts sociaux dignes de protection (art. 697 al. 2 CO)155. En complément et sous la même réserve, l’actionnaire peut consulter les livres et la correspondance de la société (art. 697 al. 3 CO), soit les documents écrits qui ont un intérêt quant à l’exercice de ses droits156. Les droits prévus à l’art. 697 CO sont inaliénables, ils ne peuvent donc être restreints par les statuts157. L’information peut être demandée tant au conseil d’administration qu’à l’organe de révision158.

L’objet de la demande de l’actionnaire au sens de l’art. 697 al. 1 CO peut concerner tout ce qui a trait à l’exercice de ses droits et ce qui est important pour apprécier la situation de la société159, il n’est donc pas nécessaire de prouver un intérêt particulier. On songera donc notamment au droit de vote, mais également au droit d’agir en responsabilité, de contester une décision de l’assemblée générale, ou d’aliéner ses actions160. Il n’y a en principe pas lieu de distinguer la demande de renseignements générale de celle qui porte sur des éléments de détail161.

158 Tribunal cantonal GE, du 23 janvier 1992, in SJ 1992 338, consid. 3c.

159 MONTAVON, Droit de la SA, p. 745.

160 CR CO II-TRIGO TRINDADE,CO 697 N 27.

161 TF 4C.234.2002, consid. 4.1 ; CR CO II-TRIGO TRINDADE,CO 697 N 26 ; contra : MONTAVON, Droit de la SA, p. 746

La demande de renseignement est toutefois inopposable lorsqu’elle implique la divulgation d’un secret des affaires ou se heurte à un intérêt social digne de protection (art. 697 al. 2 CO in fine). Le secret des affaires recouvre « tous les faits de la vie économique que l’intérêt légitime de la société commande de ne pas divulguer »162 alors que la notion d’autres intérêts dignes de protection n’a pas de portée propre163. Le fardeau de la preuve incombe à la société164, qui devra rendre vraisemblable le danger qui menace ses intérêts165.

L’actionnaire qui se voit opposer un refus indu peut saisir le juge, conformément à l’art. 697 al. 4 CO. Il ne lui sera accordé qualité pour agir que s’il a effectivement demandé les renseignements et qu’il n’a pu les obtenir166.

c) L’information collectée par un tiers neutre

Dernier palier du droit au contrôle des actionnaires, le droit à un contrôle spécial (art.

697a-g CO) a été introduit lors de la révision du droit de la société anonyme entrée en vigueur en 1994, afin de concilier le secret des affaires et les intérêts des tiers à être renseignés167. Nous renonçons ici à en faire un exposé détaillé et en rappelons simplement les principaux traits.

Le contrôle spécial est la faculté, subsidiaire aux droits de l’art. 697 CO, qu’ont les actionnaires de requérir ponctuellement qu’un contrôleur, neutre et indépendant, traite de certains points précis qui ne sont pas ou seulement partiellement examinés dans le cadre des contrôles réguliers. La procédure prévue par les articles 697a ss.

CO est très précise et prévoit des conditions strictes à sa mise en œuvre168.

Ainsi, le contrôle spécial doit avoir pour objet d’élucider des faits déterminés, nécessaires à l’exercice des droits de l’actionnaire. Il n’est pas un contrôle général de la gestion de la société169.

Par ailleurs, pour être mis en œuvre, il doit être accepté, à l’initiative d’un actionnaire, par l’assemblée générale, à la majorité absolue des voix attribuées aux actions représentées170 ou par des actionnaires représentant 10 % du capital social au moins ou possédant une valeur nominale de 2 millions de francs171.

En résumé, les actionnaires ne bénéficient que d’un droit de contrôle restreint, limité aux rapports de gestion et de révision. Par ailleurs, ce droit n’intervient que lors de l’assemblée générale : il ne peut pas être exercé en tout temps. Les actionnaires peuvent toutefois obtenir d’autres informations sur requête, ou en faisant appel à un tiers indépendant. L’actionnaire étant considéré comme un concurrent potentiel, son

162 ATF 82 II 216, JdT 1957 I 124, consid. 2.

163 CR CO II-TRIGO TRINDADE,CO 697 N 33.

164 TF 4C.234/2002, consid. 4.3.1.

165 ATF 109 II 47, JdT 1984 I 52, consid. 3b.

166 CR CO II-TRIGO TRINDADE,CO 697 N 43.

167 PAULI,p. 1.

168 Idem,p. 4.

169 CHAUDET/CHERPILLOD/LANDROVE, N 450.

170 CR CO II-PAULI,CO 697a N 21/23.

171 PAULI,p. 190.

droit de contrôle est donc limité aux informations nécessaires à l’exercice de ses droits.

4. La société à responsabilité limitée

Les associés d’une société à responsabilité limitée disposent d’un droit à l’information spontanée (a) (art. 801a CO) ainsi qu’un droit à l’information sur requête172 (b) (art. 802 CO).

a) Information spontanée

Les associés disposent d’un droit similaire à ce que prévoit l’art. 696 CO pour la société anonyme. Les associés peuvent ainsi exiger qu’on leur remette les rapports de gestion et de révision, au plus tard lors de la convocation à l’assemblée générale ordinaire (801a al. 1 CO). Si les notions de rapport de gestion et de révision sont similaires à celles du droit de la société anonyme173 (art. 801 CO), la disposition topique est néanmoins plus favorable aux associés de la société à responsabilité limitée dans la mesure où la société doit remettre ces documents de manière spontanée, alors que la société anonyme doit se contenter de les tenir à disposition et de les remettre à la demande des actionnaires174.

b) Information sur requête

Le droit à l’information spontanée se décompose en un droit aux renseignements (i) ainsi qu’un droit à la consultation des livres et dossiers (ii).

i) Droit aux renseignements

Au sens de l’art. 802 al. 1 CO, l’associé peut exiger des gérants des renseignements sur toutes les affaires de la société, indépendamment de l’existence d’un organe de révision. Ce droit peut être exercé en tout temps175. Les gérants sont toutefois habilités à en réglementer l’exercice176.

Les modalités de la reddition des renseignements seront choisies par les gérants, ou, le cas échéant, par les statuts, moyennant respect du principe de l’égalité de traitement entre associés (813 CO)177. Aucun délai pour s’exécuter n’est prévu par la loi, ce qui n’exclut pas un appel au juge en cas de temporisation excessive178. Des délais peuvent être prévus par les statuts179.

172 CHAPPUIS,Droit de la Sàrl, N 205.

173 CR CO II-IYNEDJIAN,CO 801a N 10.

174 Idem,CO 801a N 7.

175 BSKCOII-WEBER,CO 802 N 5.

176 Message 2001, p. 3001.

177 BSKCOII-WEBER,CO 802 N 6.

178 CR CO II-CHAPPUIS/JACCARD,CO 802 N 5.

179 CHAPPUIS,Droit de la Sàrl, N 208.

ii) Droit à la consultation des livres et dossiers

Au sens de l’art. 802 al. 2 CO, si la société ne dispose pas d’un organe de révision (opting out), l’associé n’a pas à faire valoir de motif particulier pour consulter les livres et les dossiers de la société. Cette notion est plus large que celle de l’art. 697 al. 3 CO180, et inclut tant la correspondance que les factures, les contrats, les jugements, etc.181. Si la société dispose d’un organe de révision, l’associé devra rendre vraisemblable l’existence d’un intérêt légitime raisonnable182.

Les gérants peuvent toutefois refuser à l’associé l’exercice de son droit aux renseignements ou à l’obtention des documents « s’il existe un risque que l’associé utilise les informations pour des buts étrangers à la société et au préjudice de cette dernière ». Les gérants peuvent donc refuser cette consultation en cas de simple risque : ils devront toutefois indiquer à l’associé les motifs de leur objection183. Si l’associé juge ce refus indu, ou estime que les gérants tardent à s’exécuter, il pourra saisir le juge du siège de la société184.

En résumé, les associés d’une société à responsabilité limitée disposent d’un droit de contrôle plus étendu que les actionnaires d’une société anonyme, dans la mesure où ils peuvent requérir des renseignements en tout temps et d’une manière plus étendue. Le droit de la société à responsabilité limitée tient donc compte des relations personnelles étroites inhérentes à cette forme juridique, et s’inspire des prescriptions applicables aux membres du conseil d’administration d’une société anonyme185.

5. La société en commandite par actions

Les règles de la société anonyme sont applicables à la société en commandite par actions, par renvoi de l’art. 764 al. 2 CO. Les associés non-administrateurs disposent donc des mêmes droits que les actionnaires186.

6. Contenu de la modification

L’art. 63 LFus accorde aux associés un droit aux renseignements sur la transformation elle-même, par le biais d’un droit à la consultation des documents afférents à la fusion. Les associés pourront ainsi tout connaître des changements provoqués par cette forme de restructuration187. Toutefois, une fois la transformation inscrite au Registre du commerce, leur droit aux renseignements subira un radical changement de nature, qui n’aura pas nécessairement été anticipé.

L’associé d’une société de personnes qui, lors de la transformation en société de capitaux, ne devient pas administrateur, gérant ou membre de l’administration en sus

180 CR CO II-CHAPPUIS/JACCARD,CO 802 N 10.

181 CHAPPUIS,Droit de la Sàrl, N 213.

182 MONTAVON, Droit de la Sàrl, p. 270.

183 CR CO II-CHAPPUIS/JACCARD,CO 802 N 11-12.

184 Idem,CO 802 N 13-14.

185 Message 2001, p. 3000.

186 RUEDIN, N 1413.

187 Comm LFus-PETER,art. 63, N 2.

de sa qualité d’actionnaire, subira une perte substantielle en termes de droit aux renseignements. Son droit sera restreint tant dans son étendue que dans ses modalités d’exercice.

En effet, lui qui pouvait consulter les documents de l’entreprise en tout temps, se voit contraint d’attendre l’assemblée générale pour le faire, dans le cas d’une société anonyme par exemple. Par ailleurs, l’information des actionnaires ne sera pas exhaustive, puisque les comptes annuels peuvent être incomplets, comme le prévoit expressément l’art. 663h CO.

Cette perte du droit à l’information doit être nuancée dans le cas d’une transformation en société à responsabilité limitée puisque, comme nous l’avons vu, le droit des associés reste relativement étendu et peut être exercé en tout temps.

On recommandera donc à l’associé qui désire rester informé de la même manière que sous la forme juridique de la société de personnes de se faire élire administrateur (SA), gérant (Sàrl) ou membre de l’administration (SCA), s’il est prêt à assumer cette fonction, sans quoi son droit à l’information sera abruptement limité.

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