• Aucun résultat trouvé

Ma fille est née trisomique, et jusqu'à présent, elle le restera jusqu'à la fin de ses jours ! Alors pourquoi prouver son handicap à chaque renouvellement de dossier ! C'est humiliant et décourageant. Reggaza, Consultation Egalité-Handicap.

Je conçois très bien qu'il faille régulièrement actualiser les dossiers mais tout de même, certaines personnes sont handicapées à vie avec des handicaps qui n'évolueront jamais favorablement. Ne pourrait-on pas dans les dossiers à remplir pour la MDPH, la PCH, la sécurité sociale, etc. avoir des cas où les dossiers ne seraient pas à refaire tout le temps, à renvoyer toujours la même carte d'identité, la même carte d'invalidité ? Ghismo74, Consultation Egalité-Handicap.

La MDPH a des professionnels plein de bonne volonté mais un outil totalement inadapté au dimensionnement de la tâche instaurée par la loi de 2005. Nous faisons et refaisons des dossiers, pour des droits étudiés les uns après les autres, sans informatisation. A quand un guichet compétent qui reçoive le demandeur pour faire l'état de l'ensemble de sa situation et donc de ses besoins, afin d'instruire tous les droits nécessaires en une seule fois, et avec la même périodicité de renouvellement ? Tout le monde y gagnerait et ça coûterait moins cher à l'ensemble du système de solidarité. TV, Consultation Egalité-Handicap.

La construction de l’Etat en France a été marquée par une défiance affirmée envers l’individu et les corps intermédiaires. Cette absence de confiance a infusé la relation qu’entretient l’administration avec les citoyens, dans la plupart des champs de la vie sociale. Les choses évoluent, et la sémantique est là pour en attester : nous étions assujettis avant-hier, administrés hier, usagers depuis peu. Si les choses évoluent indéniablement, cette relation administrations-usagers reste encore, en de nombreuses matières, davantage fondée sur une logique de justification et de contrôle a priori, que sur un principe déclaratif, reposant sur la confiance, et qui verrait l’administration n’intervenir qu’a posteriori pour s’assurer que la situation des personnes est bien conforme à ce que l’on a bien voulu lui en dire.

Les conséquences, très concrètes, de cette relation dépassent largement le seul champ du handicap qui nous intéresse au cours de ces pages, mais force est de constater qu’elles génèrent au quotidien des « irritants » particulièrement mal vécus par les personnes. Des personnes qui ont le sentiment que leur situation n’est pas susceptible, « par nature », d’évoluer favorablement, qui justifierait qu’il faille régulièrement aller « pointer » son handicap auprès de l’administration, pour voir ses droits renouvelés.

Les soi-disant « valides » que nous sommes, les neuro-typiques ou autres parents dont les enfants ne sont pas en situation de handicap, n’en avons pas suffisamment conscience : il y a une violence certaine à devoir régulièrement justifier son handicap ou celui de son enfant à l’occasion d’un renouvellement de droits. Et ce d’autant plus lorsqu’il faut le faire auprès de différentes administrations, qui semblent parfois elles-mêmes avoir du mal à se coordonner entre elles. Chaque nouvelle demande d’un droit ou de son renouvellement est ainsi une occasion d’être ramené à son handicap, et au fait pour certains qu’il ne s’améliorera pas.

Cela peut nous paraître symbolique, mais cela n’en demeure pas moins une forme de stigmatisation de fait, voire de violence institutionnelle, du moins est-ce largement ressenti ainsi par les personnes, à en croire les différentes contributions que nous avons reçues.

Deuxième conséquence d’un tel système fondé sur la défiance, la demande de renouvellement régulière et les justificatifs qui vont avec : les nombreuses démarches à effectuer pour renouveler des droits, parfois décorrélées entre elles, génèrent une activité chronophage pour les administrations, qui finit par dégrader la qualité de service rendu. Les délais de réponse s’allongent, provoquant inquiétude et mécontentement. Plus grave encore, ils ont parfois comme conséquences des ruptures de droits. Pour les agents de la MDPH, cette situation est également insatisfaisante, eux qui se doivent d’appliquer une logique et certaines règles dont ils expérimentent chaque jour la pertinence discutable. Eux qui doivent faire face à la colère croissante des usagers, alors qu’ils ne sont pas individuellement responsables d’un système qui a généré ses propres limites. Eux qui sont pleinement investis dans leur mission, essayant de trouver des moyens d’améliorer la situation, mais qui finissent par douter d’eux-mêmes.

Face à cette situation, il y a deux approches possibles.

Agir à la marge, même si cela permettrait déjà d’améliorer les choses : en allongeant encore un peu plus le délai d’octroi de certains droits, dans la lignée des décisions du Comité Interministériel du Handicap du 2 décembre 20169 ; tout en attendant les bénéfices du

9 Le Comité Interministériel du Handicap du 2 décembre 2016 avait allongé le délai de certains droits, comme l’AAH1 de 10 à 20 ans.

déploiement du projet « Tronc Commun SI »10 des MDPH, qui devrait permettre progressivement d’automatiser un certain nombre de tâches et d’améliorer la transmission des informations entre administrations. Cela suffira-t-il à améliorer, durablement, la qualité du service rendu ? Cela suffira-t-il à restaurer, durablement, la confiance des personnes en situation de handicap vis-à-vis du système ?

Ou en profiter pour repenser la relation qu’entretient l’administration avec les personnes en situation de handicap, et transformer profondément le système actuel. Et si demain cette relation se fondait sur la confiance ? Et si, à l’image de la présomption de bonne foi qui fonde le Projet de loi pour un Etat au Service d’une Société de Confiance (ESSOC) adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 30 janvier 2018, on instaurait une sorte de

« présomption de handicap » pour les handicaps qui ne sont pas susceptibles d’évoluer favorablement ? Et si nous basculions, autant que faire se peut, dans la limite des diversités de situation individuelle que revêt le handicap, vers un système davantage déclaratif ? (A).

Adopter une telle logique fondée sur la confiance emporte, on le verra, un certain nombre de conséquences opérationnelles importantes, tant pour l’usager que pour les agents de la MDPH. Mais c’est peut-être encore davantage un signal fort donné dans le sens de l’autonomisation, au sens anglo-saxon de « l’empowerment » des personnes.

En l’espèce néanmoins, cette logique d’autonomisation des personnes n’est pas sans conséquence.

En premier lieu, elle ne doit pas conduire à un affaiblissement de l’accompagnement des personnes par les pouvoirs publics, dont on sait qu’il est fondamental, notamment pour les plus fragiles d’entre elles, que cela soit d’un point de vue médical ou social. Nous pensons au contraire que cette nouvelle logique que nous proposons va permettre que les mécanismes d’accompagnement, prévus dès la loi du 11 février 2005, puissent être effectifs pour les personnes qui en ont le plus besoin (B).

En second lieu, confiance et autonomisation ont un corollaire : la responsabilité. Faire basculer la confiance du côté de l’usager s’accompagne d’un transfert de responsabilité, et ce sera désormais à lui de faire état, sans que l’administration ne lui demande, d’une évolution positive de sa situation qui pourrait entraîner une diminution de ses droits. Dans ce schéma basé sur la confiance et la responsabilité des personnes, le renforcement du contrôle a posteriori, et de l’éventuelle sanction qui va avec, sont des conditions à son bon fonctionnement (C).

10 Le projet « Tronc Commun SI » des MDPH est un projet de modernisation des systèmes d’information des MDPH, piloté par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). A date, chaque MDPH dispose de son propre SI, non relié avec celui des autres MDPH, non relié aux autres administrations de l’Etat (CAF, CNAV…), et ne permettant à l’usager de remplir son dossier en ligne, d’y suivre l’état d’avancement de celui-ci, etc. (seul le Département du Calvados fait figure, s’agissant du téléservice, d’exception). Le projet « Tronc Commun SI » doit se déployer, par étapes, entre le deuxième semestre 2018 et 2022 s’agissant des téléprocédures pour les usagers… Cette question est traitée plus en détail dans le Chapitre 4. Restaurer les conditions de la confiance : assurer un meilleur accompagnement des personnes.

Tendre, autant que possible, vers un système déclaratif où