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Vers une ère post-antibiotique… ?

Le développement de nouveaux agents antimicrobiens a fortement diminué ces dernières décennies.89,186 Les derniers agents découverts appartiennent aux classes déjà connues et sont donc soumis aux mêmes mécanismes de résistance que les précédents composés utilisés.166 Depuis le début des années 1960, seules quatre nouvelles classes d’antibiotiques ont été développées et aucune n’a eu un impact conséquent sur la lutte antibactérienne. Le marché des antibiotiques est toujours dominé par les premières classes découvertes.189 Ces 30 dernières années, la majeure partie des antimicrobiens mis sur le marché furent semi-synthétiques. En comparaison, la proportion de composés synthétiques est minime avec les sulfonamides, quinolones, oxazolidinones et

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diarylquinolines comme seuls exemples. A l’exception des diarylquinolines, tous ont été découverts hors des programmes spécifiques de recherche d’antibiotiques. Pour exemple les sulfonamides étaient originalement développés pour la recherche de colorants, les quinolones étaient des intermédiaires de synthèse de la chloroquine (antipaludique) et les oxazolidinones étaient destinés à traiter les problèmes de feuillage chez les plantes.189

L’explication réside en partie par la réduction importante des projets de recherche visant à découvrir de nouveaux agents antimicrobiens. Parmi les 18 plus grandes compagnies pharmaceutiques, 15 ont abandonné la recherche d’antibiotiques. Leur développement n'est plus considéré comme un investissement économiquement intéressant.187 Utilisés sur des périodes relativement courtes, en traitement curatif, ou en tant qu’antibiotiques de réserves, ils ne sont pas aussi rentables que les médicaments traitant les maladies chroniques tels que le diabète et les troubles cardio-vasculaires ou psychiatriques.188 L’autre facteur est le coût relativement peu élevé des antimicrobiens en comparaison des traitements anticancéreux dont le coût peut atteindre des centaines de milliers de dollars.86,187 A cela s’ajoute les mesures d’austérité mise en place par certains pays visant à une meilleure gestion de la délivrance de médicaments, décourageant ainsi les industriels.189

De nombreuses organisations de santé publiques ont décrit la situation comme étant critique, avec un « scénario catastrophe » qui pourrait avoir des conséquences planétaires.190 Bon nombre des progrès récents de la médecine (transplantation d'organes, chimiothérapie anticancéreuse, etc.) nécessite l’utilisation d’antimicrobiens pour prévenir et traiter les infections qui peuvent survenir au cours des traitements. Sans molécules efficaces, même la chirurgie classique et les opérations bénignes pourraient devenir des procédures à haut risque.

Le grand défi aujourd’hui et de rechercher de nouveaux traitements, en particulier de nouveaux antimicrobiens, avec des structures originales et/ou présentant des modes d’actions innovants permettant de contrer les mécanismes de résistance.

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188 Piddock LJ. The crisis of no new antibiotics—what is the way forward? Lancet Infect Dis. 2012; 12:249–253.

189 Gould IM , Bal AM . New antibiotic agents in the pipeline and how they can overcome microbial resistance. Virulence. 2013; 4:185–191.

Vers la lutte biologique intégrée…

Selon la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), le s pestes agricoles auraient de sérieux effets délétères sur la production agricole mondiale. Ils seraient responsables d’une diminution des rendements de 20 à 40 % chaque année. Outre l’impact agricole, nombre d’insectes sont vecteurs de maladies. Les principales maladies à transmission vectorielle représentent environ 17% de la charge mondiale estimée des maladies transmissibles et sont responsables de plus de 700 000 décès annuels.191 Dans un rapport de l’OMS datant de 2015, il est signalé que pour le seul cas du paludisme, dont le principal vecteur est le moustique du genre Anopheles, 60 pays ont signalé une résistance à au moins une des quatre classes d'insecticides. De ceux-ci, 49 ont signalé une résistance à deux ou plusieurs classes d'insecticides.192

Les dernières années ont connu des progrès sans précèdent dans la prévention et le contrôle des vecteurs de maladies dans les zones à risque. Cela a été principalement le résultat d’une lutte anti-vectorielle qui s’est traduite par la pulvérisation intensive d’insecticides, la distribution d’équipements traités et l’utilisation de larvicides. Ces progrès sont toutefois fragiles et aujourd’hui menacés. La transmission de ces maladies évolue rapidement, couplée à d’autres difficultés d’ordre biologique, comme la résistance des vecteurs aux insecticides et l’évolution des souches d’agents pathogènes. Jamais la nécessité d’une approche globale de lutte n’a été aussi impérieuse. Les pesticides utilisés en agriculture présentent les mêmes cibles que ceux utilisés dans la lutte anti-vectorielle. Les mécanismes de résistances ne peuvent être anticipés et il n’est pas étonnant de voir le contrôle de nombreux insectes nuisibles nous échapper. Les progrès technologique en génomique, métabolomique et en biologie structurale permettent toutefois de repenser notre développement des insecticides.193 Aujourd’hui, nous misons davantage sur une stratégie de contrôle rationnel. Cela implique premièrement de développer des insecticides plus spécifiques, conçus en fonction d’un site cible précis et bien connu d’un point de vue moléculaire. Deuxièmement le

191 OMS. Projet d’action mondiale pour lutter contre les vecteurs 2017-2030. http://www.who.int/malaria/areas/vector_control/Draft -WHO-GVCR-2017-2030-fre.pdf (Accessed August 2017).

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métabolisme de l’insecticide par l’insecte doit être étudié en détail, particulièrement les enzymes qui pourraient conférer une résistance chez l’insecte.194

Bien que le marché des biopesticides soit très en dessous de celui des produits phytosanitaires chimiques, il est en constante croissance. Même si, employés seuls, les biopesticides sont généralement moins efficaces à court terme que leurs homologues chimiques, ils présentent de nombreux avantages écologiques qui ne peuvent pas être ignorés.154 Utilisés dans une stratégie de lutte intégrée en combinaison avec les pesticides chimiques, ils permettent de limiter la quantité d’intrants ainsi que l’apparition de nuisibles résistants.154

En France, des mesures sont prises pour encadrer des produits phytosanitaires. Ainsi, le plan « Écophyto 2018 » débattu lors du Grenelle Environnement de 2007, vise à réduire de 50% la quantité de produits phytosanitaires d’origine chimique d’ici 2018. 195,196

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