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1.2 Les relations de parasitisme : les micro-organismes entomopathogènes

1.2.4 Métabolites bioactifs isolés de bactéries entomopathogènes

Près de 6% du génome des bactéries du genre Photorhabdus est dédié à la biosynthèse de métabolites secondaires.77 En 1959, Dutsky émettait les premières observations sur la possible production d’antibiotiques par ces bactéries entomopathogènes pour lutter contre les micro-organismes hostiles aux nématodes, et prévenir la putréfaction du cadavre d’insecte.78 Deux décennies plus tard, l’exploration de la diversité chimique des genres Xenorhabdus et Photorhabdus a permis de mettre en lumière la production de nombreuses classes de métabolites par ces deux bactéries.79 Parmi ces composés on retrouve des insecticides, antiparasitaires, antibiotiques, antifongiques et des antioxydants.69 Ces métabolites incluent des peptides cycliques et linéaires, des dérivés de stylbènes, d’anthraquinones, de furanes, ainsi que des dérivés phénoliques parmi d’autres composés (Figure 12).69

Alors que les stylbènes sont des métabolites typiques de plantes, Photorhabdus est le seul à en produire en dehors du règne végétal.80 Ils ont été décrits comme multifonctionnels, avec une activité antimicrobienne sur les bactéries à Gram positif et les champignons.81 Ils inhiberaient également la phénol oxydase impliquée dans le système immunitaire des insectes, et seraient de plus des molécules de signal pour le développement des nématodes.82,83

76 Dieppois G, Opota O, et al. 2015. Pseudomonas entomophila: a versatile bacterium with entomopathogenic properties. In: Ramos JL, Goldberg J, Filloux A. Ed. Pseudomonas. Springer, Dordrecht

77

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78 Dutsky SR. Insect M icrobiology. Adv App Microbiol. 1959; 1: 175–200.

79

Poinarr Jr, GO, et al. isolation of detective bacteriophages from Xhenorhabdus spp. (Enterobacteriaceae). IRCS Med Sci. 1980; 8:141.

80

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81

Li J, et al. Identification of two pigments and a hydroxystylbene antibiotic from Photorhabdus luminescens. Appl Environ

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82

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Figure 12: Molécules isolées des bactéries du genre Xenorhabdus et Photorhabdus

Cette brève étude bibliographique montre la diversité et la complexité des interactions pouvant survenir entre insectes et micro-organismes. Qu’elles soient bénéfiques ou délétères, ces interactions sont fréquentes dans la nature et découlent d’une co -évolution entre ces deux groupes d’organismes. Elles sont régulées par un ensemble de médiateurs chimiques potentiellement valorisables pour la santé humaine.

2 Les antimicrobiens actuels

Jusqu’au début du XXe siècle, les infections par les micro-organismes tels que les bactéries, les champignons, les parasites ou les virus étaient la principale cause de mortalité humaine.84 L’incidence de ces infections était plus importante dans les pays disposant de peu de ressources où les conditions sanitaires étaient parfois médiocres.85

Découverte de manière fortuite dans une boîte de Petri en 1928 par Alexander Flemming, la pénicilline a ouvert une nouvelle ère pour la médecine. Elle fut prescrite pour traiter les infections microbiennes à partir des années 40 et employée largement pendant la seconde guerre mondiale.86 Cette découverte a été suivi d’un intense effort de recherche pour découvrir d’autres composés naturels ou synthétiques permettant de lutter contre les pathogènes microbiens. C’est ainsi que toutes les classes d’agents antimicrobiens utilisés de nos jours ont été découvertes entre les années 1950 et 1970, faisant de cette période l’âge d’or de la chimiothérapie antimicrobienne.87 Ces médicaments ont permis de sauver des millions de vies à travers le monde et de contribuer à l’augmentation de l’espérance de vie.88

L’euphorie de la « victoire » fut cependant de courte durée puisque très rapidement, les premières souches résistantes sont apparues et les phénomènes de résistances se sont répandus chez diverses espèces.87 Aujourd’hui certaines souches présentent des résistances à la totalité des antibiotiques disponibles.89 Actuellement, cette crise est d’autant plus grave que les changements sociétaux, comportementaux et environnementaux contribuent grandement à la transmission et à l’augmentation de la virulence des agents pathogènes.90 Dans son premier plan d’action datant de 2011 visant à contrer la résistance aux antimicrobiens (RAM), la Commission Européenne soulignait quelques 25 000 décès annuels en Europe suite à des infections dues à des

84

OM S. Résistance aux antimicrobiens. http://www.who.int/drugresistance/M icrobes_and_Antimicrobials/fr/ (Accessed July 2017).

85 Da Silva LCN, Da Silva M V, et al. Editorial: New Frontiers in the Search of Antimicrobials Agents from Natural Products.

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Wright GD. Something new: revisiting natural products in antibiotic drug discovery. Can J Microbiol. 2014; 60:147–154.

87 Aminov RI. A brief history of antibiotic era: lessons learned and challenges for the future. Front in Microbiol. 2010; 1:1–7.

88 Centers for Disease Control and Prevention, Office of Infectious Disease. Antibiotic resistance threats in the United States. April 2013. http://www.cdc.gov/drugresistance/threat -report-2013 (Accessed July, 2017).

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Fair JR, Tor Y. Antibiotics and Bacterial resistance in the 21st Century. Perspec Med Chem. 2014; 6:25-64.

bactéries résistantes aux antimicrobiens.91 Un second rapport de 2013 publié par le « Center for Disease Control » des États-Unis estimait qu’au moins 23 000 Américains mourraient d’infections dues à des pathogènes résistants aux antibiotiques.92

Aujourd’hui, il semble que l’humanité soit face à une véritable menace sanitaire globale. Selon les estimations, le coût de l'inaction pourrait s'établir à 10 millions de décès par an

à l'échelle mondiale et représenter une perte cumulée de plus de 88 000 milliards d'euros pour l'économie mondiale d'ici à 2050.91 Il est aujourd’hui crucial de découvrir

de nouvelles sources d’antimicrobiens, afin d’obtenir des composés avec des structures et/ou des mécanismes innovants pour palier à cette crise mondiale.