• Aucun résultat trouvé

Il n’existe pas de définition officielle de biopesticide. Etymologiquement, un biopesticide se définit comme tout pesticide d’origine biologique, c’est–à-dire composé d’organismes vivants ou substances d’origines naturelles synthétisées par ces derniers.119 Les produits considérés comme des biopesticides par les agences de règlementation européennes et mondiales sont d’origines diverses. Ils peuvent être classés en trois grandes catégories, selon leur nature : les biopesticides végétaux, les biopesticides microbiens et les biopesticides animaux.143 Seules les deux premières catégories seront traitées dans cette partie.

Les biopesticides se sont progressivement développés pour pallier aux nombreux désordres environnementaux et cas de résistances observés suite à l’usage abusif des pesticides de synthèse.144

Avec les nouveaux programmes de lutte intégrée, l'objectif n'est plus d'éradiquer les nuisibles, mais plutôt de réguler leurs populations au-dessous des niveaux qui causent des dommages sanitaires et économiques. Cette approche combine différents moyens de lutte avec une surveillance minutieuse des insectes ciblés et de leurs ennemis naturels. L'idée est de combiner différentes pratiques afin de surmonter les faiblesses des pratiques uniques.

3.2.1 Les biopesticides d’origine végétale

Les végétaux et les insectes ont co-évolué de manière étroite. L’étude de leurs relations met en évidence la production de médiateurs chimiques exerçant une grande variété d’effets sur les insectes, dont la répulsion et/ou la toxicité.119

Une des démarches les plus utilisées pour identifier des végétaux potentiellement source de phyto-insecticide consiste en la réalisation d’enquêtes ethnobotaniques sur leurs utilisations traditionnelles. C’est ainsi que les activités insecticides d’Azadirachta indica (neem) et de la plante rwandaise Tetradenia riparia ont été remarquées.145,146

143

Chandler D, Bailey AS, et al. The development, regulation and use of biopesticides for integrated pest management. Phil

Trans R Soc B. 2011; 366:1987–1998.

144 ANSES. Dossier. Les résistances aux insecticides, antiparasitaires, antibiotiques… Comprendre ou en est la recherche ? https://www.anses.fr/fr/system/files/CDLR-mg-Antibioresistance3.pdf (Accessed September 2017).

145

Schmutterer H. Properties and potential of natural pesticides from neem tree, Azadirachta indica. Annu Rev Entomol. 1990; 35:271–297.

Plusieurs molécules ont été identifiées dans l’huile extraite des graines de neem dont l’azadirachtine, la nimbine, la nimbidinine, la salannine, et le méliantriol (Figure 33).147

L’azarachtine, un mélange de sept isomères d’un tétranortriterpinoïde, est le principal ingrédient actif de cette huile et à la propriété de perturber la morphogénèse et le

développement embryonnaire des insectes.148

Figure 33: Molécules extraites de l'huile d'Azadirachta indica

Un biopesticide, nommé PONNEEM, a d’ailleurs été développé récemment à partir de l’huile de neem et de Pongamia glabra, actif contre deux genres de moustiques vecteurs Anopheles et Culex.149 Les espèces du genre Pongamia sont retrouvées en Asie.

Pongamia pinnata a été reconnue comme insecticide et nématicide.150

Parmi les plantes actives sur les moustiques, on retrouve également l’extrait d’Ocimum basilicum (poudre de sabja), une herbe aromatique qui possède des propriétés larvicides 146

Dunkel FV, Weaver DK, et al. Growth regulatory effects of Rwanda medicinal plant, Tetradenia riparia (Hochst) (Lamiaceae) on stored grain and bean insects. In: Fleurat -Lessard F & Ducom P. Proceedings 5th International Working Conference on Stored – Products Protection (vol. III). Bordeaux, France. 1990; 1609–1618.

147 Neem: A Tree for Solving Global Problems. National Academy Press, Washington DC. 1992; 39–50

148

Srivastava M , Raizada R. Lack of toxic effect of technical azadirachtin during postnatal development of rats. Food Chem

Toxicol. 2007; 45:465–471.

149

M aheswaran R, Ignacimuthu S. A novel biopesticide PONNEEM to cont rol human vector mosquitoes Anopheles

stephensi L. and Culex quinquefasciatus Say. Environ Sci Pollut Res. 2015; 22:13153–13166.

150

Brijesh S, Daswani PG, et al. Studies on Dalbergia sissoo (Roxb.) leaves: possible mechanism(s) of action in infectious diarrhoea. Indian J Pharmacol. 2006; 38:120–124.

et répulsives sur Aedes Aegypti.151 De même, les espèces de Vitex contiennent de nombreux composés actifs. L’extrait à l’hexane des feuilles de V. negundo s’est révélé actif sur Culex quinquefasciatus avec une LC50 de 18,6 ppm. L’activité serait due aux acides gras présent dans l’extrait.152,153 Un autre exemple décrit dans la littérature concerne un arbuste d’Amérique : Quassia amara, dont est extraite la quassine. Cette molécule présente des propriétés insecticides avec une faible toxicité pour l’Homme, les animaux domestiques et les insectes utiles.154

Enfin les plantes à pesticides intégrés (Plant-Incorporated-Protectants, PIPs) sont des organismes modifiés par génie génétique, capables de produire et d’utiliser des substances pesticides afin de se protéger contre les insectes, les virus ou les champignons. Les PIPs les plus connues sont des plants de pommes de terre, maïs et coton ayant la particularité de produire la protéine Cry de Bacillus thuringiensis. Les premières PIPs ont été cultivées aux États-Unis en 1995-96. Certains pays de l’Union Européenne émettent des réticences quant à leur utilisation pour des raisons d’éthique, de morale et des réserves sur leur sureté biologique. Seuls 5 des 28 pays membres ont adopté leur utilisation.155

3.2.2 Les biopesticides microbiens

Les biopesticides microbiens représentent 30% des ventes de biopesticides.156 Cette catégorie comprend les bactéries, champignons, virus et protozoaires naturels ou génétiquement modifiés.

Les micro-organismes entomopathogènes, ennemis naturels des insectes, sont une cause importante de mortalité dans les populations en milieu naturel.157 La recherche s’est

151 M urugan K, M urugan P, et al. Larvicidal and repellent potential of Albizzia amara Boivin and Ocimum basilicum Linn against dengue vector, Aedes aegypti (Insecta:Diptera:Culicidae). Bioresour Technol. 2006; 98:198–201.

152 Kamaraj C, Abdul Rahman A, et al. Larvicidal efficacy of medicinal plant extracts against Anopheles stephensi and Culex

quinquefasciatus (Diptera:Culicidae). Trop Biomed. 2010; 27:211–219.

153 Kannathasan K, Senthilkumar A, et al. Larvicidal activity of fatty acid methyl esters of Vitex species against Culex

quinquefasciatus. Parasitol Res. 2008; 103:999–1001.

154

Deravel J, Krier F, et al. Les biopesticides, compléments et alternatives aux produits phytosanitaires chimiques (synthèse bibliographique). Biotech Agrol Soc Env. 2014; 18:220–232.

155 Kumar S, Chandra A, et al. Bacillus thuringiensis (Bt) transgenic crop : an environment friendly insect-pest management strategy. J Env Biol. 2008; 29:641–653.

156 Thakore, Y. The biopesticide market for global agricultural use. Ind Biotechnol. 2006 ;2:194–208

157

Usta C. M icroorganisms in biological pest control - A review (Bacterial toxin application and effect of environmental factors). In: Current Progress in Biological Research. Ed. Dr.M arinaSilva-Opps. 2013.

concentrée sur la production relativement facile et peu couteuse de certains genre dont des champignons du genre Metarhizium, Beauveria et Verticillium ou des bactéries du genre Bacillus.158 Les préparations à base d’entomopathogènes sont fréquemment employées avec de faibles doses d’insecticides de synthèse. Ainsi la bovérine, un mycoinsecticide de Beauveria bassiana, est utilisée avec le trichlorofon (organosphosphate) pour lutter contre Cydia Pomonella et Leptinotorse decemlineata deux ravageurs de la pomme de terre. Anderson et son équipe ont d’ailleurs mis en évidence un effet synergique des deux agents insecticides.159

Les biopesticides issus de Bacillus thuringiensis sont les plus commercialisés. Ils représentent plus de 70% des ventes.161 Bacillus thuringiensis est connu depuis le début des années 1900, mais le contrôle des espèces de diptères a été établi, seulement après la découverte de deux souches : B. thuringiensis serovar israelensis (Bti) en 1977 et B. sphaericus (Bs).160 D’autres espèces bactériennes du genre Bacillus utilisent des mécanismes d’action différents et peuvent également être utilisées pour protéger les plantes. Ainsi Bacillus amyloliquefaciens et B. subtilis sont capables de coloniser les racines des plantes et de produire des molécules lipopeptidiques, les surfactines, iturines et fengycines (Figure 34). Ces dernières peuvent activer les défenses des plantes ou avoir un effet antibactérien ou antifongique direct.161

158 AbdelGhany TM . Entomopathogenic Fungi and Their Role In Biological Control. Ed. Tarek M ohamed Abd El-Ghany. 2015.

159 Ferron P. M odification of the development of Beauveria tenella mycosis in Melolontha melolontha larvae by means of reduced doses of organophosphorus insecticides. Entomologia Experimentalis et Applicata. 1971; 14:457–466.

160 Carlberg G. Bacillus thuringiensis and microbial control of flies. MIRCEN J Applied Microniol Biotech. 1986; 2:267–274.

161

Ongena M , Jacques P. Bacillus lipopetides: versatile weapons for plant disease biocontrol. Trends Microbiol. 2008; 16:115–125.

Figure 34: Molécules isolées de bactéries du genre Bacillus

Outre les bactéries, on retrouve des virus insecticides dont les baculovirus. Ces derniers sont présents sous deux formes virales génétiquement identiques mais structurellement différentes.154 La forme dite « virion inclus » infecte les cellules intestinales et la forme dite « virion bourgeonnant » transmet l’infection de cellule en cellule.154 L’infection primaire débute dans l’intestin moyen après ingestion et produit les formes bourgeonnantes qui progressent dans les tissus de l’hôte. La propagation dure environ 4 jours, se traduit par une liquéfaction des tissus puis la mort de l’insecte.162 Leur

première utilisation remonte aux années 1940 avec l’utilisation de

nucléopolyhédrovirus par l’Américain Edward Steinhaus pour lutter contre les chenilles de la luzerne.137 Toutefois les baculovirus sont plus coûteux à développer que les autres agents chimiques. De plus, beaucoup sont hôtes spécifiques, par conséquent ils ne peuvent être utilisés sur différents nuisibles.

162

Washburn J, Trudeau D, et al. Early pathogenesis of Autographa californica multiple nucleopolyhedrovirus and

Helicoverpa zea single nucleopolyhedrovirus in Heliothis virescens: a comparison of the ‘M ’ and ‘S’ strategies for

4 Les phénomènes de résistances

Les phénomènes de résistance sont des processus biologiques naturels survenant dans le temps. Ils résultent de mutations génétiques permettant l’adaptation des organismes face à un stress et donc la survie de l’espèce.