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Le site induit la matière, la matière induit la mise-en-œuvre, la mise-en-œuvre suggère la

conception.

Pour ce même projet, la terre du site a été testée. Evaluée trop argileuse pour la bauge ou l’adobe, elle a été coulée pour remplir l’ossature bois entre deux lattis de roseaux. Ces branches proviennent de la Loire voisine, ainsi que le bois de bardage. L’isolant Métisse (jeans) a été récupéré chez Emmaüs. On a également récupéré l’écorce d’un chêne coupé ou encore réemployé des éléments de charpente métallique...

Fig. 44 : Pôle des espaces vert de Bouguenais (44), 2009, agence Belenfant et Daubas

Le point de départ pour la conception est donc la matière. Il faudra faire preuve «d’intelligence constructive» pour reprendre les mots de Nicolas Meunier, afin d’utiliser à bon escient le matériau.

On peut citer le principe «bonnes bottes et bon chapeau» bien connu des praticiens du bois, on protège le bâtiment de la pluie par une avancée de toit par exemple et des remontées capillaires avec un soubassement approprié.

Ou bien au Mali, où l’on ne posséde pas de matériaux pour les bonnes bottes et le bon chapeau, on réalise en partie basse un bourrelet c’est-à-dire une masse d’usure, un ventre protubérant à l’endroit où se forme le sillon destructeur. En haut, on évite les surfaces planes où stagnerait la pluie et on adopte une forme d’ogive. Ce schéma nécessite une maintenance qui modifie l’aspect du bâtiment, un échaffaudage est intégrer au mur. Pour la mosquée de Djenné, c’est une véritable fête tous les deux ans, lorsque tous les habitants participent à remettre cette couche d’usure.

Fig. 45 : Véritable évenement qu’est la maintenance de la mosqué de Djenné source : www.magnusmundi.com

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Un autre principe constructif apparaît dans les pays occidentaux appliqué à la technique du pisé. Pour Nicolas Meunier et Vincent Rigassi (architecte), il y a deux manières de concevoir les espaces en pisé : on décide d’une enveloppe fermée «traditionnelle», on adopte les murs trumeaux une écriture plus contemporaine. Ce sont des pans de mur pisé autosatbles stabilisés avec les éléments horizontaux : planchers, charpente, parfois portiques ou murs de refends qui ont un rôle de contreventement en somme.

Nicolas Meunier préconise une conception avec des murs trumeaux pour un soucis économique. En effet, une conception «traditionnelle» prend plus de temps à réaliser, elle est donc plus onéreuse, puisqu’il faut un travail de coffrage complexe avec les ouvertures et les percées. Par ailleurs, ils permettent l’élargissement des ouverture, le décloisonnement, pour le maçon-piseur c’est l’occasion d’adopter une écriture plus contemporaine. Les murs trumeaux peuvent être courbes avec un coffrage cintré pour la stabilité de l’élément.

Le projet de réhabilitation d’une ferme par l’architecte Vincent Regassi à Montseveroux illustre cette logique structurelle. Pour cette bâtisse en pisé très endommagée, on ne pouvait détruire les plancher et la toiture sans faire écrouler les murs. Ainsi, les nouveaux planchers en bois ont été confiés au lot maçonnerie, simultanément à la reprise des murs porteurs périphériques. Aussitôt détruit, le plancher est remplacé pour maintenir le mur face aux sollicitations horizontales. Encore une fois, on aperçoit la pluridisciplinarité dont fait preuve l’entrepreneur -maçon dans ce cas.

Fig. 46 : Deux logiques structurelles pour le pisé, l’enveloppe fermée «traditionnelle» (à gauche) et la juxtaposition de murs trumeaux (à droite), source : www.tera-terre.org

Ces derniers paragraphes évoque bien rapidement ces raisonnements de conception qui pourraient être l’objet d’un travail de mémoire à part entière. L’idée ici est de suggérer l’air de changement que l’on peut percevoir dans le scénario de développement de la filière terre crue, adapté à cette matière inouïe qui refuse d’être formatée au «moule» de l’industrialisation.

‘’La démarche, appliquée par [l’artiste]

à l’architecture d’intérieur et au design, est

généralisable plus globalement à la construction

en terre et engendrerait certainement de nouvelles

manières de bâtir. Nous sommes loin d’avoir exploité

toutes les potentialités de cette matière infiniment

variée et complexe, et de ce fait loin d’avoir saisi le

bénéfice que peut en retirer la société.’’*

* «Bâtir en terre : du grain de sable à l’architecture»,

Laëticia Fontaine et Romain Anger, éd. Belin 2009, p.92,

concernant l’artiste Daniel Duchert qui peint, sculpte, trou... la matière terre.

L’intelligence constructive

L’intelligence constructive de Nicolas Meunier, maçon-piseur en Rhône-Alpes, témoignage sur Tera-terre.org...

‘‘En fait, toutes les techniques sont intelligentes : la technique c’est un matériau, et la transformation de ce matériau pour un usage. On a de l’acier, on transforme cet acier pour en faire des poutrelles, on les boulonne ensemble, c’est une forme d’intelligence… On ramasse des pierres dans un champ, on les empile sèches ou avec de la terre à mortier, c’est une forme d’intelligence aussi… Une autre forme d’intelligence consiste à prendre de la terre sous la terre végétale, cette terre contient de l’argile, on peut donc la transformer en mur avec différentes techniques : le torchis, l’adobe, et bien sûr le pisé pour la région Rhône-Alpes… Ensuite, l’intelligence consiste à mettre un coffrage de chaque côté, mettre des couches de terre, compacter cette terre, et on se retrouve avec des murs qui tiennent… Dans la Plaine du Forez, on

trouve des murs vieux de 400 ans…’’

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