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Conclusion La première partie de ce mémoire a permis de décrire la culture

constructive actuelle entre le siècle précédent marqué par le monopôle du béton et le passage au 21e siècle qui pose de nouveaux

enjeux d’écologie et de confort. On a pu constater que ces nouvelles prises de conscience suggèrent une évolution des pratiques constructives avec l’introduction de matériaux écologiques comme la terre-crue. Renzo Piano nous encourage à ‘‘transmettre la modestie devant la réalité de la matière’’ et à... ‘‘Construire en terre ! La matière première la plus disponible, la plus répandue, riche et belle,variée et variable, colorée, stable et instable.’’*

Dans un deuxième chapitre nous nous sommes attelés au débat actuel de l’industrialisation de la filière terre crue. Si certains de ces procédés semblent pertinents, c’est davantage la pensée industrielle qui nous dérange face aux caractères premiers de notre matière. Fort de ce constat, on conclut qu’un renouveau de la culture constructive est bel et bien nécessaire. Car même si dans certains cas l’industrialisation n’est pas un mal, c’est adapter notre matériau à un cadre qui ne lui sied guère, c’est rester sur nos acquis du 20e siècle.

A l’issu de cette série d’exemples, nous avons pu proposer un scénario d’industrialisation modérée, adaptée aux caractéristiques de la terre. La réponse la plus évidente est l’acceptation de praticiens qualifiés, le coût du projet n’étant pas l’unique perspective d’un projet d’architecture. Il y a aussi des enjeux liés à l’écologie, à la sociologie, l’impact économique est à analyser sur un territoire, avec les acteurs de ce territoire.

L’un des deux freins majeurs de la filière qui est la main d’œuvre onéreuse est donc levé par cette proposition de scénario: la

* Renzo Piano préface de «Bâtir en terre : du grain de sable à l’architecture», L. Fontaine & R. Anger, p.55, éd. Belin, 2009

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mécanisation accélère le chantier, l’élargissement de la main d’œuvre se fait par démocratisation de l’usage de la terre de plus en plus enseigné et non par une déqualification de l’ouvrier.

Ce qui nous emmène au deuxième frein: la normalisation. Si le schéma conventionnel qui cloisonne le cycle de construction d’un bâtiment entre les différents acteurs où chacun à une tâche bien définie n’est pas appliqué à la filière terre-crue, comment décrire et réglementer l’acte de construire ?

La dernière partie de ce mémoire propose de normaliser la construction avec une démarche performantielle et non pas «faire de la norme produit» associée à l’obligation de moyen.

En effet, à chaque terre sa technique, et elles sont des centaines! La terre n’est pas un matériau mais une matière prête-à-l’emploi, ce n’est pas un produit que l’on peut décrire pour garantir telle ou telle résistance. La méthode performantielle propose des tests pour évaluer la viabilité de l’ouvrage. Pour arriver à ce résultat d’édification, le processus de construction est libre.

Si la mise en œuvre n’est pas une recette imposée, si le matériau de construction est aléatoire, si les expérimentations pour identifier ma terre, l’évaluer, et choisir sa mise-en-oeuvre sont faits au cas-par-cas, alors, les acteurs qui sont l’architecte, le maçon, l’ingénieur devront travailler ensemble avec un dialogue continue. C’est le nouveau rôle de l’architecte qui prend véritablement son jeu de rotule de l’acte de construire. Un va-et-vient incessant se fait : il dessine une esquisse, il teste avec le maçon et le bureau d’étude la matière, il retourne à son dessin pour prendre en compte les caractéristiques de la terre en question. Il s’adapte à la matière. Ce n’est plus le matériau qui s’adapte au cadre mais le cadre qui s’adapte au matériau.

C’est l’intelligence constructive. Pour que ce dialogue soit prolifique et le projet bien-fondé, l’architecte doit pouvoir enfiler plusieurs casquettes du sculpteur, à l’inventeur en passant par le maçon et l’ingénieur. Il ne s’agit plus de tirer un trait sur autocad, de le pointer du doigt en disant «ça se sera en béton désactivé, ça se sera en verre structurel». Au contraire, il aura déjà choisi son matériau et surtout il l’aura compris, la conception découle de la matière.

Cette compréhension du matériau n’est pas seulement d’ordre technique. Nous avons compris que lorsque l’architecte choisit son matériau, il prend en compte : ses effets esthétiques, son prix, mais

aussi son impact économique sur le territoire, sa capacité d’intensité sociale, ses conséquences environnementales, sa philosophie, la culture associée. Lorsqu’une entreprise me propose un matériau, je me renseigne sur sa fabrication, sa provenance, les acteurs qui ont participé à l’élaboration de ce produit, le contexte culturel dans lequel je vais le mettre en œuvre...

Ce nouveau tableau n’a certainement pas vocation a remplacé l’autre : la terre crue ne remplacera pas le béton. Toutes les techniques ne sont pas porteuse. Un mur pisé ne peut pas excéder 10m de haut. La terre ne travaille qu’en compression. Elle est sensible à l’eau. Etc. Et c’est bien en ce point que la conclusion de ce mémoire se fait: dans un bâtiment plusieurs matériaux cohabitent, il faut les choisir soigneusement avec tous les paramètres que nous avons décrits, comprendre qu’une alliance bois-terre est plus logique qu’une alliance béton-terre, etc. Alors chaque matériau aura sa filière (son acheminement, ses techniques, son éthique et son histoire) et ces différents scénarios pourront coexister tout en étant singuliers, adaptés à sa matière et à ses acteurs. L’architecte, peut-être finira-t- il par se spécialiser aussi, mais a nécessairement un pied dans chacun de ces domaines. Une base de connaissance dans le bois, la paille, le béton, la terre... lui permettra de choisir le matériau le plus pertinent et d’approfondir pour chaque projet son savoir grâce au dialogue avec les autres acteurs de l’acte de construire.

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bibliograpHiE

Livres

Philippe Genestier et Pierre Gras, «Sacré Béton !, Fabrique et légende d’un matériau du futur» ouvrage collectif, Lyon éd. Libel, 2015

Laëticia Fontaine et Romain Anger, «Bâtir en terre : du grain de sable à l’architecture» , éd. Belin, 2009 CRAterre ouvrage collectif, «Construire en terre» 1979, Paris, éd. Alternative

et Paranthèses, version pdf disponible sur http://craterre.org

Lucien Kroll dans «Composants, faut-il industrialiser l’architecture ?», éd. Socorema, 1988 Konrad Wachsmann, «The Turning Point of Building», cité par l’Encyclopédie Universalis, éd. internet www.universalis.fr/encyclopedie/industrialisation-de-l-architecture

Hugo Houben et Hubert Guillaud, «Traité de Construction en terre», CRAterre, éd. Parenthèses 2006 Julien Choppin, Nicola Delon, Encore Heureux, «Matière grise : matériaux,

réemploi, architecture», Paris Pavillon de l’Arsenal, 2014