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Le mélange de terre se compose à 30% de marne calcaire, 30 %

de gravats de démolition et 40 %

d’argile provenant des tuileries,

briqueteries ou carrières alentour.

En tout, il a fallu 3000 tonnes de

matière pour une enveloppe de

11m de haut sur 110m de long et

30m de large.

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d’inertie de la matière terre est utilisée. En revanche, pour la maison des plantes Ricola d’Herzog & De Meuron en 2014 (focale p.87), l’ossature porteuse poteau-poutre en béton armé permet de laisser apparent les blocs pisé à l’extérieur comme à l’intérieur, profitant ainsi du caractère régulateur de la terre crue. Pour ce bâtiment, c’est bien la demande d’un important volume de matière qui à animer l’envie d’une démarche industrielle comme il l’est précisé dans la fiche de candidature au Terra Awards : ‘‘Les quelques 3000 m* de façade en terre compactée de 45 cm d’épaisseur appelaient une approche industrielle.’’* Il est le plus grand bâtiment pisé d’Europe.

Au final, la préfabrication des 670 blocs a demandé 8 mois de travail. Élaborée en ateliers, cette production est constante, chiffrable, les éléments pisé peuvent être contrôlés donc sans aucun défaut, le chantier ne s’arrête pas lors des intempéries (description de la chaîne de préfabrication focale p.98). La pose in-situ a été extrêmement rapide soit 3 mois tout juste pour édifier les murs de ce projet. Le but est de gagner du temps et de l’argent.

On ne trouve pas facilement les informations concernant le prix de ce bâtiment dans les publications, certains sites internet d’architecture mentionnent même «budget: non dévoilé»*, d’autres n’évoquent tout simplement pas la question comme pour les fiches projets lauréat du TerraAwards 2016 pour lequel Martin Rauch a été prisé grâce à son ouvrage Ricola. Ce n’est qu’en errant longuement sur internet que je suis tombée sur le chiffrage du projet Ricola soit 14,56 millions d’euros avec l’article de la Confédération Suisse.*

Pour se faire une idée de ce coût, on peut citer ce même article basé sur les propos de Daniel Bhend, responsable du département technique de Ricola : ‘‘Si le Kräuterzentrum a coûté 16 millions de francs, Ricola compte sur son fonctionnement peu énergivore pour réaliser des économies’’. On imagine donc que l’enveloppe budgétaire demeure relativement élevée. Il m’est impossible de comparer ce coût à d’autres bâtiments de part le caractère extraordinaire de ce projet, bâtiment pisé le plus grand d’Europe. Je n’ai pas pu trouver une opération équivalente pour établir une comparaison des prix.

A l’occasion d’un entretient avec Erwan Hamard (thésard à l’IFSTTAR), il me fait part de son avis sur ce coût en ces termes : ‘‘Martin Rauch «le champion de pisé» a fondé son usine et envoi les éléments préfabriqués sur camion. Cela fonctionne parce que c’est Martin Rauch, que du coup il a une aura, mais ça fait des bâtiments

* exemple de fiche

de candidature pour le Terra Awards, publié par CRATerre sur le site internet http://craterre.org

* site architizer, fiche technique du projet Maison des Plantes «budget: undisclosed». J’ai envoyé plusieurs mail pour tenter d’obtenir cette information, aucune réponse.

* «Le nouveau Kräuterzentrum de Ricola allie nature et économie» écrit en aout 2015 par Yvonne von Hunnius, disponible

sur www.gruenewirtschaft.admin.ch, site officiel de la Confédération Suisse

* propos recueilli lors de notre entrevue à Nantes en mars 2017

* Ecologik - n°50 mai juin juillet 2016, p.30

très chers. [...] Je pense que ce n’est pas concurrentiel du tout et que ça ne permettra pas à la filière de se développer.’’*

D’autres ne sont pas de cet avis : dans un article du magazine Ecologik, l’architecte bien connue Dominique Gauzin-Müller dédie un article sur cette pensée industrielle, intitulé «Martin Rauch, le magicien du pisé». Elle semble enthousiaste quant-à la portée de ces procédés sur le développement de la filière terre-crue et s’exprime ainsi : ‘‘son approche industrielle innovante ouvre pour l’architecture en terre de nouvelles perspectives.’’*

Par ces deux citations, on entrevoit le débat sur l’industrialisation sous-jacent : coup de pouce pour la filière ou illogisme pour notre matériau local et naturellement prêt-à-l’emploi.

Cette discussion est finalement présentée tout au long de cette deuxième partie de mémoire et ne peut être résumée en quelques lignes. Néanmoins, un dernier exemple de projet du constructeur LTE peut permettre d’illustrer les arguments débattus : le centre ornithologique de Sempach en Suisse.

Fig.28: Ecole d’agriculture Mezzana avec strates d’érosion contrôlée, pisé préfabriqué, Martin Rauch, architecte Conte Pianetti Zanetta Fig. 27: Coupe de l’école Mezzana,

source article de Pierre Frey dans AA’ n°393

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A l’occasion de la maison des plantes Ricola, l’entreprise LTE ouvre une filiale à Zwingen pour une halle de fabrication de blocs pisé. LTE renouvelle l’expérience de ce façonnage avec le centre ornithologique. La surface de murs à pisé est deux fois moins importante (1240m* au lieu de 3000m*), ce qui n’a pas empêché d’adopter cette démarche industrielle. Alors que cette halle de préfabrication se situait à moins de 10km du site Ricola, elle se tient à plus de 80km de ce deuxième projet à Sempach.

C’est en ce point que les avis divergent : est- il raisonnable de faire venir la matière première d’un lieu aussi éloigné ? Cette distance entraine nécessairement un transport important, chaque blocs atteignant 4,6 tonnes. Ce qui représente un coût et un impact écologique évident.

Comme nous l’avons déjà dis, le but n’est pas de trancher moi-même sur le bien-fondé de ce processus mais simplement de présenter les raisonnements liés. D’autant que les budgets et les coûts énergétiques ne sont pas toujours publiés. En revanche, je peux remarquer que le projet bénéficie du label Minergie P-Eco, ce qui témoigne d’un intérêt écologique certain. Notre fameux curseur entre écologie/économie/ philosophie, est encore une fois à positionner selon mes opinions : est-ce que j’accepte un bilan énergétique plus élevé qu’il n’aurait pu mais en deçà d’une construction conventionnelle qui sera toujours plus énergivore?

Pour Laura Marcheggiano, membre de Lehm Ton Erde, l’engagement premier de l’entreprise est de combattre la stabilisation*. Dans des pays comme l’Australie ou les États-Unis, l’emploi de la terre est fréquent mais toujours stabilisé au ciment. Pour la société autrichienne s’est une aberration en contradiction avec la philosophie du matériau qui est de construire avec une matière

locale puis pouvoir la détruire pour retourner à la terre. Cet effort est tout-à-fait louable. En revanche, la notion de «local» est à questionner : une distance de 80km bénéficie-t-elle de ce qualificatif?

Le principe de stabilisation est récurrent et sera davantage détaillée en dernière partie de ce mémoire qui traite de la normalisation.

La chaîne de préfabrication mise-au-point par l’entreprise est présentée dans la focale n°X page suivante.

En quelques mots, l’opération consiste à subdiviser la façade en tronçons de 50 mètres qui seront la base d’une planification : ces tronçons sont produits chronologiquement et parallèlement mis-en-place sur le chantier. Le transport d’un tel mur est impossible, la longueur est donc coupée pour permettre l’acheminement jusqu’au chantier. La machine pour scier le pisé est inventée par l’entreprise, on modernise l’outillage pour faciliter les tâches et augmenter le rythme d’usinage, c’est industrialiser. Une fois coupés, les éléments sont transportés en zone de stockage (couverte) pour une durée de séchage de 3 semaines minimum. Enfin, ils sont transportés par camion jusqu’au chantier, situé à plus de 80km de là pour le cas de Sempach, pour être assemblés en façade. Pour mettre en place ces blocs sur le chantier, on manipule avec une grue. Entre les

* inerview de L. Marcheggiano

donnée par Amaco, disponible sur la chaîne youtube, titre de la vidé «pisé préfabriqué»

ci-contre encadré :

* Pierre Frey, auteur de l’article Terre à Terre Martin Rauch, AA’ janvier-février 2013 * id

éléments, on maçonne du mortier de terre.

Les étapes décrites permettent de dégager les