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1.2 Cas de la subduction antillaise

1.2.3 Sismicité et observations intersismiques dans l’arc

La sismicité des petites Antilles est relativement faible, ceci pouvant être ex-pliqué par la faible vitesse de convergence [Stein et al., 1982]. Cependant le phé-nomène est bien présent. La plupart des événements mesurés sont des séismes intraplaques, ayant lieu entre 25 et 35 km de profondeur, à une centaine de kilo-mètres à l’est de l’arc volcanique [Ruiz et al., 2013]. Dans l’avant-arc, on trouve une sismicité signiicative dans la direction des rides de Barracuda et Tiburon, correspondant aux contraintes liées à la subduction de ces reliefs sous-marins [Gi-rardin et al., 1991]. Aucune sismicité n’est en revanche mise en évidence au niveau du prisme d’accrétion [Evain et al., 2013]. Les événements remarquables récents et mesurés de cette catégorie sont le séisme d’Antigua, le 8 octobre 1974, de

magni-Fig. 1.10 – Cartographie de la subduction antillaise [Feuillet, 2000]. Les isobathes sont espacées de 500 m. On peut y voir le front de subduction à l’ouest, l’ancien et l’arc vocalique actif, le prisme de la Barbade (caractérisé par une bathymétrie peu profonde) et les rides de Barracuda et Tiburon

tude Ms = 7.1− 7.6 à 30 km de profondeur, celui du 16 mars 1985 de Redonda (îlot entre Montserrat et Antigua), Ms = 6.3 à 13 km de profondeur, et celui du 21 novembre 2004 (dit séisme des Saintes) Mw = 6.3 à une profondeur de 10 km [Feuillet et al., 2011a], auxquels on peut ajouter les séismes historiques de 1851 et 1897, d’intensité VII-VIII, respectivement localisés approximativement entre Basse-Terre et Marie-Galante pour le premier et à l’ouest de Pointe-à-Pitre pour le second. [Feuillet et al., 2011b]. On peut également observer des séismes en pro-fondeur, correspondant à la déformation de la plaque plongeante, le dernier en date étant le séisme de la Martinique du 26 novembre 2007, Mw = 7.4, à une

profondeur d’environ 150 km [Schlupp et al., 2008].

En revanche, aucun enregistrement iable pour un séisme interplaque dans la région n’existe. Les séismes en Martinique des 11 janvier 1839 (intensité VIII-IX), et 21 mai 1946 (intensité VII-VIII) en sont probablement, mais c’est l’événement du 8 février 1843, qui resta longtemps le séisme le plus puissant observé et docu-menté dans les Amériques, qui constitue vraisemblablement le meilleur candidat à un exemple de mégaséisme. D’une intensité estimée à IX, il détruisit Pointe-à-Pitre, provoqua la mort de plus de 1500 personnes (sans doute bien plus, le bilan des esclaves étant incertain), et entraîna des variations topographiques de l’ordre de la dizaine de centimètres [Feuillard, 1985; Bernard & Lambert, 1988]. Des répliques d’intensité comprises entre III et VII [Feuillet et al., 2011b] furent ressenties dans les mois suivants. Sa puissance est sujette à débat. Bernard & Lam-bert [1988] donnent une magnitude comprise entre 7.5 et 8 pour une rupture d’une centaine de kilomètres, tandis que McCann & Sykes [1984] proposent une magni-tude M = 8.25 ± 0.25 pour une zone de rupture de 275km de long. Hough [2013] estime, en partant du constat que le 20e siècle a connu deux fois plus de séismes de magnitude supérieure à 8.5 que les 18e et 19e siècles (dont les magnitudes sont uniquement estimées a posteriori par le biais de témoignages), que la magnitude doit être réévaluée à Mw = 8.4, ce qui est conirmé par Feuillet et al. [2011b] qui proposent une magnitude de Mw = 8.5 pour une zone de rupture de 300 km de long, en se basant sur les travaux de [Robson, 1964; Shepherd, 1992].

Il est à constater que les travaux passés penchaient sur une subduction fai-blement couplée des petites Antilles : l’âge ancien de la plaque Amérique (∼ 100 millions d’années) associée à une vitesse de convergence faible est assez remar-quable. Au regard de ce paradoxe, Ruf & Kanamori [1980] estiment la magnitude maximum d’un séisme à Mw = 7.5, rendant l’hypothèse d’un megathrust inva-lide et catégorisant la subduction antillaise comme découplée. López et al. [2006] déduisent également un faible couplage à partir des vitesses GNSS. Stein et al. [1982, 1986], en constatant que l’essentiel des séismes enregistrés sont des séismes intraplaques, estiment que l’essentiel de la contrainte est absorbé de cette manière, excluant un fort couplage. McCann & Sykes [1984] analysent par ailleurs l’inluence

Fig. 1.11 – Sismicité historique dans l’arc des petites Antilles [Feuillet et al., 2011b]. Les ellipses grisées représentent les zones de rupture associées aux séismes interplaques, les étoiles symbolisent les épicentres des autres séismes de magnitude M > 6répertoriés. Les numéros renvoient à la description détaillée desdits séismes dans l’article sus-cité

des rides de Barracuda et Tiburon, et montrent que ces dernières peuvent stopper la propagation de la rupture à une portion seulement de l’arc.

Cependant, la faible sismicité interplaque générale peut également se traduire par un comportement bloqué [McCann & Sykes, 1984]. Les récents mégaséismes indonésien de 2004 et japonais de 2011 ont remis en cause les certitudes du passé ;

Pacheco et al. [1993] avaient par exemple considéré la subduction de Sumatra comme faiblement couplée, ce qui s’est malheureusement montré inexact. Roger et al. [2014] juge que la subduction antillaise répond aux critères énoncés par Müller & Landgrebe [2012], où la présence de rides de zones de fractures favo-rise un fort couplage et surtout un fonctionnement en supercycles. Gustcher et al. [2013] et Laigle et al. [2013], en s’intéressant aux caractéristiques thermiques et structurales de la zone, et en les rapprochant de celles des Cascades ou de Nankai, émettent la possibilité d’un événement de magnitude 8 à 9, avec très long cycle de récurrence du fait de la faible vitesse de convergence. Geist & Parsons [2009], en adoptant une démarche probabiliste, estiment cette période de récurrence à environ 1000 ans. De plus, ils donnent à partir du pire scénario, où la subduction serait intégralement bloquée et romprait sur son l’intégralité (1000 km de fosse), une magnitude maximale d’un mégaséisme comprise entre 8.95 et 9.58. Même si Hayes et al. [2014] estiment que la probabilité de rupture de l’intégralité de zone à l’image de Sumatra est faible, leurs travaux basés sur l’étude du déicit de moment issu des vitesses GNSS et libérations de contraintes des séismes observés sur le der-nier siècle, envisagent néanmoins un séisme probable de magnitude Mw ∼ 8.2±0.4 autour de la Guadeloupe causant un tsunami de plus de 3m de haut.

L’exploitation des données GNSS par Symithe et al. [2015] met en évidence un faible déicit de glissement au niveau des petites Antilles, ce qui est interprété comme étant la conséquence d’un faible couplage (0 - 10 %) (igure 1.12). Cepen-dant la répartition des stations loin de la fosse ne permet pas de déterminer la distribution en profondeur du blocage avec coniance. L’hypothèse d’un long cycle sismique n’est pas exclue, avec une récurrence pour un séisme de magnitude 8 au moins tous les 2000 ans et pour un mégaséisme de type Tōhoku tous les 3500 ans. La nécessité d’observations ofshore ain de mieux contraindre les modèles de dé-formation y est explicitement mentionnée.

Enin, les études en cours concernant les coraux tendent à monter une subsidence à l’est des îles, ce qui indiquerait un blocage récent (à l’échelle du siècle) de la subduction à cet endroit [Philibosian et al., 2015].

Fig. 1.12 – Taux de couplage estimé par GNSS et vitesses résiduelles par rapport à la plaque caraïbe stable, modiié d’après Symithe et al. [2015]

1.2.4 Occurrences historiques des tsunamis dans les