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1.1 Les aléas en zone de subduction

1.1.2 Activité sismique et mégaséismes

L’activité sismique dans une zone de subduction est généralement régulière et intense. Cependant, de multiples phénomènes sont à l’origine de séismes de localisation, de puissance, et de récurrence diférentes. Nous explicitons ici les quatre grands types, également illustrés sur la igure 1.3, ayant lieu :

— dans la lithosphère plongeante, en amont de la frontière de plaque, là où la plaque subduite ploie avant d’entrer en subduction sous l’efet des contraintes imposées par la plaque chevauchante [Le Pichon et al., 1973; Dubois et al., 1988].

— en bordure et en surface de la plaque chevauchante. Les mécanismes induits par la convergence sont divers : en compression, en extension voire en décro-chement.

— dans la zone de subduction, au niveau du slab. La sismicité est très im-portante et localisée dans une zone précise appelée plan de Wadati-Beniof. Il convient cependant de distinguer dans cette zone les séismes dits

intra-plaques, aux causes diverses, ayant lieu dans l’ensemble de la lithosphère

subduite jusqu’à 670 km de profondeur mais ne se produisant pas à l’inter-face, à la diférence de ceux dits interplaques, résultant de l’interaction entre la plaque inférieure et le backstop de la plaque supérieure.

Cette dernière catégorie est celle au potentiel le plus dangereux : selon Pacheco et al. [1993], 90% du moment sismique de l’ensemble des séismes mondiaux est relâché au niveau de l’interface des zones de subduction, d’autant que [Stern, 2002] estime que seulement 2 à 5 % de la longueur totale du plan de Wadati-Beniof génère ce type de séismes. Ils sont appelés mégaséismes (ou megathrusts en anglais), et nous allons détailler leur fonctionnement dans les prochaines sections. 1.1.2.2 Couplage sismique et zone sismogène

Bien que le concept soit ambigu [Adams et al., 2004], on déinit généralement le couplage sismique comme étant le rapport entre le mouvement accommodé sis-miquement, c’est-à-dire le déplacement efectif de la plaque plongeante lors d’un séisme, et le mouvement total. En termes de déplacement de plaque, on peut le déinir ainsi :

χ= 1− VVinterf ace

convergence

(1.1) Scholz [1998] distingue trois états diférents dans lesquels peut se trouver chaque section de l’interface :

MOHO

FRONT ASISMIQUE ARC

VOLCANIQUE

BASSIN D'AVANT ARC

BACKSTOP AVANT-ARC PRISME D'ACCRETION Fra gile Du ctile gliss emen t sism ique glisseme nt asismiq ue RESIS TANT FAIBLE Echelle Approximative (km) Exagération Verticale x3 FOSSE HAUT EXTERNE SEDIMENTS BASALTE GABBRO INTERPLAQUE INTRAPLAQUE Evenements inverses Evenements superficiels dans la plaque supérieure Evenements normaux liés à la courbure de la plaque Evenements inverses liés à la courbure de la plaque SISMICITÉ 0 50 100 MOHO BASE DE LA LITHOSPHÈRE PLASTIQUE

Fig. 1.3 – Représentation schématique de la partie supérieure d’une subduction, avec localisation des diférents types de séismes associés, d’après [Byrne et al., 1988]

— stable : aucune contrainte n’est accumulée et le glissement est régulier (asis-mique). Le couplage est alors nul.

— instable : le système est entièrement couplé et le déplacement se fait de manière discontinue lors d’événements brutaux (séismes). Le couplage tend vers 1.

— conditionnellement instable : le système est stable dans certaines conditions, mais peut devenir instable à la suite d’un brusque changement d’état. Ce type d’état favorise la propagation des séismes.

La igure 1.5 illustre la répartition des diférents régimes de stabilités répartis en aires de tailles multiples. Le relief de la plaque plongeante apparaît comme étant un paramètre prépondérant contrôlant le couplage sismique, mais on ne sait toujours pas si celui-ci est augmenté ou réduit par la présence d’aspérités [Das & Watts, 2009]. En efet, la présence de monts et volcans sous-marins peut favoriser la friction autant que stopper la propagation des séismes [Scholz & Small, 1997; Yang et al., 2012]. De plus, les propriétés de la plaque chevauchante (nature des

roches, épaisseur, disposition des failles ...) [Collot et al., 2004] ainsi que l’apport de sédiments du prisme d’accrétion dans la subduction [Dean et al., 2010] sont autant de paramètres qui contrôlent le potentiel sismogénique.

Fig. 1.4 – Représentation schématique de la répartition du couplage interplaque au niveau de l’interface de subduction, d’après [Hyndman, 2007]

Quoi qu’il en soit, les mégaséismes ne sont générés que dans une section du plan de Wadati-Beniof particulière appelée zone sismogène ou zone sismogénique [Lallemand, 1999] comme illustré sur la igure 1.5. Cette zone est encadrée par deux profondeurs limites supérieure ds et inférieure dd, au-delà desquelles le glisse-ment est conditionnelleglisse-ment stable, voire stable.

La limite inférieure, d’une profondeur moyenne de 40 km [Lallemand, 1999], cor-respond en première approximation à l’intersection de l’interplaque avec le Moho, où l’on passe d’un comportement fragile à un comportement ductile. Elle est éga-lement contrôlée par le facteur thermique. Les mécanismes qui déinissent la limite aval de la zone sismogène restent encore cependant sujets à débats [Hyndman, 2007].

Avant les mégaséismes ce début de siècle, on pensait que la limite supérieure était essentiellement contrôlée par la présence de sédiments non consolidés présentant un comportement stable [Byrne et al., 1988; Hyndman et al., 1997]. Cependant, elle peut malgré tout s’étendre jusqu’à la fosse : le séisme du Tōhoku a par exemple montré qu’une rupture générée à une profondeur intermédiaire pouvait se propa-ger dans le prisme, considéré jusqu’alors comme asismique [Kodaira et al., 2012; Kozdon & Dunham, 2013].

Connaître les limites supérieure et inférieure de la zone sismogène est un pa-ramètre crucial pour la connaissance de l’aléa sismique et donc du risque encouru pour les populations : la limite inférieure si celle-ci se situe ou non à l’aplomb des terres émergées augmentant ainsi l’intensité du séisme sur les zones habitées, et la limite supérieure si celle-ci s’étend ou non jusqu’à la fosse, condition génératrice de tsunamis.

Arc insullaire

Prisme d'accrétion

ds

Plaque océaniqueW dd sismogènique Couche

Zone de transition

transition inférieure vers la stabilité transition supérieure vers la stabilité

Fig. 1.5 – Représentation schématique de la partie supérieure d’une subduction, avec localisation de la zone sismogène et de ses limites inférieure et supérieure, d’après [Pacheco et al., 1993]

1.1.2.3 Cycle sismique

Les séismes ne sont qu’une phase d’un processus périodique appelé cycle sis-mique. Il se décompose en trois phases principales : la phase dite intersismique correspondant à l’accumulation des contraintes du fait de la convergence continue dans les sections du slab fortement couplées, pouvant durer de quelques années à plusieurs siècles ; la phase cosismique, correspondant au tremblement de terre et au relâchement brutal des contraintes accumulées (de l’ordre de quelques secondes à quelques minutes); et la phase de relaxation postsismique pendant laquelle le

sys-tème tend à se stabiliser, durant de quelques semaines à plusieurs dizaines d’années.

La igure 1.6 illustre les phases intersismique et cosismique pour une zone de subduction. Durant la période intersismique, la plaque plongeante entraîne la plaque chevauchante, provoquant de la compression au niveau de cette dernière, qui se traduit par des mouvements horizontaux diminuant graduellement dans la direction de la convergence, ainsi qu’un bombement à l’aplomb de la zone bloquée. Lors de la phase cosismique, la contrainte est relâchée et le glissement de la plaque subduite se produit. On peut alors observer en surface une inversion des mouve-ments. Suivant la composante horizontale, le glissement est alors orienté dans le sens opposé à celui de la subduction. Suivant la composante verticale, les zones qui étaient en surrection passent en subsidence et inversement. C’est le modèle dit

back slip [Savage, 1983].

Cependant, les récents megathrusts de ce début de siècle remettent en cause cette version simple du cycle sismique régulier, précisément réglé. Le séisme du Tōhoku de 2011, s’est par exemple produit dans une zone où l’aléa était largement sous-estimé, en raison d’une absence de données sismiques historiques et une non-prise en compte d’indices géologiques [Stein et al., 2012]. La notion de supercycle commence ainsi à apparaître, cherchant à expliquer les incohérences entre les obser-vations de natures géologiques, inscrites sur le long terme, et géodésiques, sur une période beaucoup plus courte [Goldinger et al., 2013]. Le concept a été proposé à partir de l’étude des récifs coralliens à Sumatra [Sieh et al., 2008] : un événement sismique agit indirectement sur la croissance du corail, ce dernier étant sensible aux modiications brutales de la profondeur du fond de mer induite par un trem-blement de terre. Cette technique permet de déterminer la période de récurrence des séismes ainsi qu’une estimation de leur magnitude, et donc la longueur des cycles sismiques ainsi que la mise en évidence de supercycles. Ce concept semble pouvoir être appliquée également dans d’autres cas, tels que le Japon [Herrendorfer et al., 2015]. Un superséisme associé à un supercycle correspondrait à la rupture conjointe de segments ayant leur mécanisme propre.

Blocage Raccourcissement CONFIGURATION INITIALE PERIODE INTERSISMIQUE SEISME Subsidence

Fig. 1.6 – Représentation schématique des phases intersismiques et cosismiques (séisme) du cycle sismique, et des efets sur la plaque chevauchante

1.1.2.4 Observation et quantiication du couplage

Le couplage sismique est diférent pour chaque zone de subduction. Il peut varier de 0 où la convergence est intégralement accommodée asismiquement (Hi-kurangi, Nouvelle-Zélande par exemple) on parle alors de situation de creep, à 1 où la totalité du déicit de déplacement de la plaque est compensée lors de séismes (Chili ou Japon par exemple) [Scholz & Campos, 2012].

À vitesse de convergence égale, les conséquences de la subduction observables en surface sont diférentes suivant le taux de couplage, comme l’illustre la igure 1.7. Un couplage total se traduira par une déformation importante de la plaque chevauchante durant la phase intersismique. Ces déformations sont théoriquement

visibles par les techniques de géodésie. L’intégralité de l’énergie accumulée sera relâchée au cours d’un séisme.

En revanche, si le couplage est partiel, le raccourcissement et la surrection se-ront plus faibles. Les séismes libérant la contrainte accumulée sese-ront également de moindre importance.

De plus, dans les zones conditionnellement stables, cette énergie peut également être relâchée sous forme de séismes lents (en anglais slow slip events). Lors de ces événements mis en évidence récemment par GNSS, la contrainte est libérée sur des périodes de l’ordre de la semaine ou du mois, à la diférence d’un séisme « classique », de l’ordre de la seconde [Rogers, 2003; Schwartz & Rokosky, 2007].

a) Locked (Modif ed from Hyndman and Wang [1993])

b) Partially Creeping

Interseismic Coseismic Rupture

Shortening Uplift Subsidence Uplift Extension Subsidence Reduced Shortening Reduced Uplift Reduced Subsidence Reduced Uplift Reduced Extension Reduced Subsidence Slip between earthquakes Locked Large Coseismic Displacement Reduced Coseismic Displacement

Interseismic Coseismic Rupture

i

Fig. 1.7 – Déformations plus ou moins importantes observées en surface suivant la taille et la profondeur de la zone de blocage (d’après [Schmalzle et al., 2014])

Les observations géodésiques en surface (on entend par là toute technique per-mettant de mesurer une déformation) aident donc grandement à la caractérisation de la taille et des profondeurs limites de la zone sismogène. En observant le gradient de déformation le long d’un proil perpendiculaire à la subduction, ces mesures per-mettent de quantiier théoriquement le couplage sismique de la zone [Moore et al.,

2006]. De manière simpliiée, si les points du proil se déplacent tous à la même vitesse, c’est qu’il n’y a pas de couplage. En revanche, si le gradient de vitesse entre un point proche et un point éloigné de la fosse (dit dans le champ lointain) est de l’ordre de la vitesse de convergence de la plaque subduite, c’est que le couplage est très fort.

Quoi qu’il en soit, dans le contexte d’un arc volcanique, la proportion négli-geable de surface émergée ne permet pas l’utilisation intensive du GNSS le long de proils régulièrement espacés comme cela peut l’être dans d’autres régions du Globe, au niveau d’une subduction continentale par exemple [Vigny et al., 2011], et d’autres approches d’instrumentation doivent être trouvées.