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Conception et dimensionnement du module de conversion

3.6 Simulations couplées électro-thermo-fluidique

3.6.1 Contexte

Le problème spécifique à nos essais est de faire fonctionner des composants semi-conducteurs à très haute température (150 à 200°C au niveau des puces semi-conductrices). Comme nous l’avons vu dans le chapitre II, la température au sein du boîtier ne doit pas dépasser la température de fusion de la brasure substrat/semelle (180 à 200°C). Cette température est assez difficile à déterminer, d’autant plus que nous n’avons pas beaucoup d’informations concernant les aspects thermiques pour ces composants (résistance thermique des matériaux utilisés dans l’assemblage, température de génération intrinsèque des porteurs dans les puces, gradient de température entre les différentes couches…). Un moyen souvent utilisé consiste à recourir à des moyens de “reverse ingenering” afin de définir les différents paramètres des matériaux utilisés, et à des logiciels de simulation utilisant des méthodes de résolutions numériques depuis longtemps éprouvées, telles que les éléments finis, les différences finies, les éléments de frontières…

Dans un souci de connaître le comportement thermique des composants de puissance à haute température (température de jonction maximale, résistance thermique, évolution de cette résistance thermique…), nous avons mis en place au laboratoire une plate-forme thermique très complète. Cette plate- forme est constituée de deux parties bien distinctes : une première consacrée à la simulation des phénomènes de conduction thermique, composée d’un logiciel de simulation de type éléments de frontière (REBECA- 3D™), associé à Matlab™ pour le calcul des pertes, et une deuxième partie consacrée aux mesures de température par différents moyens : sonde thermocouple, caméra infrarouge et système d’acquisition post traitement des images infrarouges.

La première étude menée sur cette plate-forme a porté sur le module de conversion équipé de modules Mitsubishi. Elle a été menée avec la société Epsilon, développeur du logiciel REBECA-3D, dans le cadre du DEA d’Hervé FERAL. Ces travaux ont donné lieu à deux publications [Feral1] et [Feral2]. Dans ce paragraphe, nous allons uniquement exposer le principe de cette plate-forme de simulation, avec les principaux résultats.

3.6.2 Présentation de la plate-forme de simulation

Cette plate-forme est constituée de différents logiciels articulés autour d’un logiciel de simulation des transferts conductifs : REBECA-3D™. Le principe de cette plate-forme est représenté sur la figure III.41.

Le logiciel REBECA-3D est un logiciel développé par la société Epsilon Ingénierie[Feral3]. Il est destiné à l’analyse des transferts conductifs de chaleur dans les structures tridimensionnelles. Il permet des études en régime transitoire et permanent. Il peut prendre en compte les variations des propriétés des matériaux en fonction de la température. Sa particularité réside dans le fait qu’il utilise la méthode des éléments de frontières. Cette méthode de résolution limite le nombre de mailles du système et donc permet de faire des simulations très rapidement avec un fort facteur d’échelle : jusqu'à 106, c’est à dire qu’il est possible de simuler de la puce silicium au système complet. REBECA-3D est compatible avec des logiciels de simulation électrique (Saber, SPICE…) et thermomécanique (ANSYS). Il peut aussi être interfacé avec d’autres logiciels tel que Matlab™ et FLOTHERM™

Modèle de ventilateur Modèle 3D conductif REBECA-3D™ Géométrie du module Propriétés des matériaux en fonction de la température Modèle fluidique FLOTHERM™ Géométrie du radiateur Caractéristiques du ventilateur Zone de dissipation Tension du ventilateur Modèle de pertes Matlab™ Pertes en fonction de la température et du temps Point de fonctionnement du convertisseur (V, I, f, Cosϕ) Coefficient d’échange thermique (h) Température, puissance

Figure III.41 : plate-forme de simulation électro-thermo-fluidique

FLOTHERM™ est un outil d’analyse thermique et fluidique dédié à l’électronique et distribué par la société FLOMERICS. Il fournit à la fois une étude complète de l’écoulement fluidique et une analyse thermique de ces phénomènes. Il utilise la méthode de résolution dite Approche Volumes Finis [Feral]. Ce logiciel permet d’obtenir les coefficients d’échange thermique (h) localisés à partir des caractéristiques du système de refroidissement (radiateur, ventilateur). Ces coefficients sont ensuite importés sous REBECA- 3D™, sous la forme de conditions aux limites

Le logiciel Matlab™ est utilisé pour effectuer le calcul des pertes dans les composants de puissance, à partir du point de fonctionnement électrique et de modèles électrothermiques. Ces modèles sont détaillés dans le rapport de stage d’Hervé Feral [Feral]. Les pertes ainsi calculées, sont ensuite utilisées par REBECA- 3D™.

L’utilisation de tous ces logiciels permet de faire des simulations très complètes au niveau du packaging du module IGBT, en incluant les aspects électrothermiques des puces silicium et le comportement du système de refroidissement.

3.6.3 Principe de la simulation couplée

Ce type de simulation se déroule en plusieurs phases. Dans un premier temps, il faut modéliser le module IGBT et une partie du radiateur sous REBECA-3D™. Cette modélisation consiste à entrer le design du module IGBT ainsi que les caractéristiques des différents matériaux le constituant. Lors de cette étape, plusieurs techniques de “reverse ingenering” sont utilisées pour connaître les dimensions des différentes parties du module IGBT, telle que l’imagerie sous rayon X, l’utilisation d’un microscope confocal [Feral3]… Ensuite, il faut déterminer par une simulation unique sous FLOTHERM™, les coefficients d’échanges thermiques entre l’air ambiant et le radiateur. Ces coefficients sont ensuite ramenés de manière locale, au niveau de la partie du radiateur simulé sous REBECA-3D™. Pour exécuter cette simulation, il faut fournir à FLOTHERM les caractéristiques du ventilateur et la géométrie du radiateur. A partir d’un modèle de ventilateur, il suffit d’entrer la tension d’alimentation du ventilateur pour obtenir son point de fonctionnement (débit, pertes de charge).

Une autre étape consiste à calculer sous Matlab™, les pertes du module IGBT. Ce calcul est effectué à partir de modèles électrothermiques des pertes des puces silicium (IGBT et diode), paramétrés à partir de relevés expérimentaux obtenus sur le module de conversion (mesure de perte en fonction de la température

grâce à la méthode d’opposition, cf. paragraphe 3.4.5) Il suffit d’entrer le point de fonctionnement électrique de l’onduleur (tension d’alimentation, courant de sortie, fréquence de découpage, fréquence de modulation, Cosϕ) pour obtenir les pertes en fonction du temps. Ces modèles électrothermiques sont détaillés dans le rapport de stage d’Hervé Feral [Feral]. Les pertes ainsi calculées, sont ensuite utilisées par REBECA-3D™.

Enfin, il faut lancer les simulations sous REBECA-3D™ pour fournir la température des puces à Matlab™ et ainsi obtenir le flux thermique injecté sur chaque puce et le champ de température dans le boîtier, par exemple.

3.6.4 Principaux résultats expérimentaux et discussion

Le premier objectif est de valider les différents modèles utilisés lors de ces simulations (modèle thermique, modèle convectif, modèle de perte…) Dans un premier temps, un essai a été mené sur le banc auxiliaire (exposé au paragraphe 3.3.2.1) avec comme conditions, une puissance injectée sur les puces IGBT de 50W et une température de semelle des modules de 65°C. Une mesure de température avec la caméra infrarouge nous permet d’obtenir une vision globale du champ de température à l’intérieur d’un module IGBT. Lors de cet essai, un des modules présent sur le banc est ouvert, le gel silicone a été enlevé et la surface du module IGBT a été recouverte d’une peinture à émissivité contrôlée. L’étalonnage de l’émissivité de cette peinture a été effectué avec la caméra et un thermomètre “étalon”. Le résultat de ces mesures de température est confronté aux résultats de simulation obtenus sous REBECA-3D, pour les mêmes conditions de fonctionnement (figure III.42).

(a) (b)

Figure III.42 : résultat de la thermographie infrarouge (a) et de la simulation REBECA-3D (b) pour les mêmes conditions ( 50W/puces IGBT et une température de semelle de65°C)

On constate une très grande concordance entre le résultat de la simulation et le relevé expérimental. Cette concordance est valable sur toutes les couches du module IGBT (silicium, métallisation, substrat), ce qui nous permet de valider complètement les différents modèles choisis (modèle REBECA-3D, Modèle FLOTHERM, modèle de pertes). Ce résultat est une bonne base pour construire un “laboratoire thermique virtuel”. Ce laboratoire peut nous permettre, en changeant les contraintes, de voir comment évoluent les températures (gradient de température sur une puce, résistance thermique, température de semelle…) au sein d’un module IGBT. Les deux résultats de simulation qui suivent en sont deux exemples.

L’objectif de la simulation qui suit, est d’obtenir la carte de température du module de conversion, en régime de modulation sinusoïdale. Les conditions de la simulation sont les suivantes :

- Tension d’alimentation = 450V,

- Courant maximal en sortie d’un bras = 50A, - Fréquence de découpage = 20KHz,

- Fréquence de modulation = 50Hz, - Cos ϕ = 0,

- Tension ventilateur = 7V.

Figure III.43 : champ de température pour un pont en fonctionnement modulé et température sous une puce IGBT et diode

Ces résultats de simulation dynamique devront être confrontés à des relevés expérimentaux effectués avec la caméra infrarouge. En statique, en appliquant le même flux de pertes sur les modules montés sur le banc thermique, on retrouve quasiment les mêmes résultats. En dynamique, cette validation devra être faite en effectuant un relevé de température avec la caméra infrarouge, sur un module IGBT ouvert fonctionnant en commutation. Cet essai sera réalisé avec un pont complet sur lequel une fenêtre sera découpée sur le Bus bar de puissance et qui fonctionnera avec les mêmes conditions que la simulation. Cet essai sera fait ultérieurement.

Enfin, le troisième objectif et de faire des simulations lors des phases dynamiques. A partir des conditions de fonctionnement ci-dessus, il est possible de faire varier la fréquence de modulation et donc de déterminer l’ondulation de température au niveau des puces du module. La figure III.44 nous donne l’ondulation de température des quatre puces d’un module pour une fréquence de 50Hz (cas précédant) et la valeur de ces ondulations en fonction de la fréquence de modulation de l’onduleur.

Figure II.44 : ondulation des températures de jonction des quatre puces d’un module (a), ondulation de température en fonction de la fréquence de modulation

On constate que pour une fréquence de modulation de 50 Hz, l’ondulation de température pour une puce IGBT est de 17°C. Cette ondulation n’est plus que de 10°C pour une fréquence de 100Hz. Cette simulation est très intéressante car elle nous montre que pour une gamme de fréquence de modulation très faible (0, 20Hz), l’ondulation de température des puces IGBT est très importante. Cette ondulation de température peut créer des efforts thermo-mécaniques importants au niveau des brasures puce/substrat et au niveau des bondings d’émetteur. Les mécanismes de vieillissement de ces connexions sont connus (cf. chapitre II), par contre il serait intéressant de déterminer le taux de défaillance de ce type de composant (module IGBT standard, moyenne puissance), vis-à-vis de ce stress. Ces travaux font partie de nos perspectives.