• Aucun résultat trouvé

La simulation numérique, outil puissant d’étude de la MHD stellaire

1.2 La convection, la rotation et l’activité magnétique

1.2.3 La simulation numérique, outil puissant d’étude de la MHD stellaire

Nous l’avons vu, les étoiles sont loin d’être des objets inertes. Elles sont souvent très turbulentes, parfois actives magnétiquement et mettent en jeu des gammes d’échelles spatiales et temporelles très importantes. De plus, elles font intervenir dans leur intérieur des processus dynamiques complexes qui évoluent au cours de leur vie et qui interagissent à chaque instant. Des techniques d’observation nous permettent aujourd’hui d’avoir accès à des informations cruciales sur ces processus physiques, principa- lement en surface mais aussi en profondeur grâce à des méthodes du type héliosismique. Des satellites tels que Hinode ou Stereo scrutant le Soleil aujourd’hui nous envoient des images de notre étoile d’une très grande qualité, qui nous font avancer dans la compréhension des phénomènes internes. PICARD et SDO vont permettre d’obtenir des contraintes sur les relations Soleil-Terre notamment par une me- sure précise de l’irradiance solaire. Pour les autres étoiles, des missions telles que CoRot (Baglin et al.

1.2 La convection, la rotation et l’activité magnétique 19

2001) ou Kepler possédant des outils d’astérosismologie vont vraisemblablement bientôt nous procurer des informations sur la dynamique des intérieurs stellaires. De plus, des outils d’observation comme ESPaDOnS ou NARVAL, qui procèdent à la tomographie des étoiles, nous apportent aujourd’hui des informations précises (configuration, intensité) sur leur champ magnétique.

D’un point de vue théorique, la simulation numérique permet depuis de nombreuses années d’avan- cer vers la compréhension des processus dynamiques dans les intérieurs stellaires. Nous l’avons vu, les modèles 1D d’évolution stellaire permettent une description d’une étoile de sa naissance à sa mort donc sur des temps séculaires. Ces modèles commencent depuis quelques années à intégrer des processus dynamiques susceptibles de modifier la structure stellaire et donc son évolution à long terme. La rota- tion par exemple (Zahn 1992; Maeder 1998; Mathis et Zahn 2004) et ses effets sur le mélange qu’elle implique sont pris en compte dans certains modèles, tout comme l’effet du champ magnétique (Mae- der et Meynet 2003) ou les ondes internes (Charbonnel et Talon 2005). Une autre approche pour mieux comprendre les mécanismes intervenant dans les étoiles est la simulation numérique multidimension- nelle (2D et 3D). Elle permet en effet de "décortiquer" ces étoiles pour mettre à jour les interactions complexes entre des processus dynamiques comme la convection, la rotation ou le champ magnétique. Ce thème de recherches est aujourd’hui très actif et l’avènement de machines de calcul de plus en plus puissantes donne l’espoir de réduire la très grande distance qui sépare encore aujourd’hui la gamme de paramètres atteinte par les simulations et les valeurs réelles dans les objets astrophysiques. Le tableau 1.2 récapitule les différents paramètres caractéristiques dont certains ont été évoqués dans ce chapitre et leurs valeurs dans le Soleil. Ces valeurs sont bien au-delà de ce qui peut aujourd’hui être atteint par des modèles numériques possédant une résolution déterminée mais des techniques existent pour améliorer ces modèles et se rapprocher de plus en plus de la réalité (voir annexe B).

T. 1.2 – Valeurs des nombres sans dimension dans le Soleil, à la base de la zone convective et dans la photosphère. Voir annexe A pour leur définition.

Paramètre Base de la zone convective Photosphère

<10−6 <0.5 Ra 1020 1016 Re 1013 1012 Rm 1010 106 Pr 10−7 10−7 Pm 10−3 10−6 Ro 10−1 10−3− 10−1 Ta 1027 1019 Ma 10−4 1 β 105− 107 1

Pour modéliser les étoiles en 3D, les modèles dits "star in a box" ont été d’une grande efficacité. En utilisant des codes compressibles en géométrie cartésienne, des étoiles de types très variés ont pu être étudiées telles que des étoiles AGB (Woodward et al. 2003; Freytag et Höfner 2008), des supergéantes rouges (Steffen et Freytag 2007) ou des étoiles de faible masse complètement convectives (Dobler et al. 2006). Cette approche permet d’introduire de grands contrastes de densité et de modéliser des écoule- ments trans-soniques ainsi que les oscillations stellaires et les écarts à la sphéricité. Toutefois, quelques difficultés existent dans ce type de modélisation telles que le traitement des conditions aux limites su- périeures, l’interpolation sur une grille sphérique, les effets de la rotation et les écoulements moyens associés. De plus, ils ne permettent pas un traitement fin des mécanismes des réactions nucléaires du

20 Convection, rotation, turbulence et magnétisme dans les étoiles

coeur. Une autre approche est celle de la simulation 3D sphérique dans l’approximation anélastique utili- sée notamment dans le code ASH. Des travaux récents avec ce code ont permis d’explorer le diagramme HR, en passant par les étoiles de faible masse complètement convectives (Browning 2008), les étoiles de type solaire à rotation rapide (Ballot et al. 2007; Brown et al. 2007, 2008), les étoiles massives de 2M(Browning et al. 2004; Featherstone et al. 2007) ou les étoiles RGB à enveloppe convective étendue (Palacios et Brun 2007).

Entrons un peu plus dans les détails de l’histoire des simulations numériques du Soleil. La modéli- sation multi-dimensionnelle globale de l’intérieur solaire a débuté dans les années 70 par la résolution numérique des équations 3D du mouvement dans une coquille sphérique en rotation chauffée par le bas et refroidie par le haut (en Boussinesq, Gilman (1977) puis en anélastique, Glatzmaier (1984)). La structure de la convection est apparue dominée par des colonnes convectives alignées suivant la direction Nord- Sud avec une structure longitudinale périodique, proche de ce qui avait été prédit par la théorie linéaire (Busse 1970). Ces objets ont été nommés cellules bananes du fait de leur structure allongée, cisaillée par la rotation différentielle qu’elles impliquaient. Ces études ont permis une meilleure compréhension des interactions non-linéaires entre la convection, la rotation et les champs magnétiques mais la faible résolution spatiale limitait l’étude à des écoulements relativement laminaires. Dans les deux décennies qui ont suivi, de nombreuses simulations numériques de sphères convectives en rotation ont vu le jour, la plupart étant plus concentrées sur les conditions caractéristiques de la Terre ou des intérieurs planétaires (Christensen et al. 1999; Zhang et Schubert 2000; Busse 2002). Parallèlement à ces travaux, des simu- lations locales haute résolution ont permis d’apporter des précisions sur les couches de surface comme la granulation et son interaction avec le champ magnétique (Stein et Nordlund 1998, 2000; Vögler et al. 2005) ou ont permis de s’intéresser à la dynamique des fluides plus fondamentales via des codes com- plètement compressibles (Cattaneo et al. 1991; Brummell et al. 1998; Brandenburg et al. 1996; Tobias et al. 2001) ou utilisant l’approximation Boussinesq (Weiss et al. 2002; Cattaneo et al. 2003). Ces mo- dèles ont permis entre autres de mettre en évidence la structure particulière de la convection turbulente compressible organisée en larges écoulement ascendants entourés de fortes colonnes de flots descen- dants. Cette asymétrie entre flots montants et descendants est supposée être responsable du pompage de champ magnétique de la zone convective vers l’intérieur radiatif stable, phénomène qui a été également largement étudié en simulations locales. En plus de ces simulations locales, d’autres modèles permet- tant de contourner la difficulté d’utiliser des simulations globales 3D lourdes existent : par exemple les simulations 2D de dynamo champ moyen (Krause et Raedler 1980). Ils ne résolvent que l’équation d’in- duction et sont donc concentrés sur l’étude de l’évolution du champ magnétique dans une région où le champ de vitesse est imposé. Ils ont permis de progresser sur la compréhension de l’établissement des cycles solaires Dikpati et Charbonneau (1999) et sont aujourd’hui utilisés pour la prédiction de l’activité magnétique future de notre étoile (Dikpati et al. 2004) (voir chapitres 3, 5). D’autres modèles 2D plus sophistiqués ont également été développés notamment des modèles dynamiques, nous reviendrons sur les modèles de dynamo solaire 2D dans le chapitre 3. Aujourd’hui, grâce à l’avènement des ordinateurs massivement parallèles, des résolutions de plus en plus grandes sont en mesure d’être atteintes et les simulations globales de l’intérieur solaire commencent à atteindre des niveaux de turbulence permettant de mettre en évidence des échelles de plus en plus proches de la super granulation (Miesch et al. 2008). Ainsi, de grands progrès ont été accomplis depuis les premiers modèles globaux de la fin des années 70 et les calculateurs de plus en plus performants promettent un bel avenir à la simulation MHD stellaire multi-D dont cette thèse s’inspire.

21

Chapitre 2

Magnétohydrodynamique et processus

dynamo

Sommaire

2.1 Equations de la dynamique des fluides et des plasmas . . . 21