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Nous arrivons dans cette section à la modélisation et la simulation proprement dites de l’émergence de structures toroidales de la base de la zone convective vers la surface. De nombreux calculs ont été

6.3 Calculs thin flux tubes et MHD 117

F. 6.9 – La rotation différentielle est un très puissant mécanisme de création d’hélicité magnétique (de Berger (1999)).

conduits depuis les années 80 avec plus ou moins de simplifications et nous nous sommes donc proposés dans ce travail de thèse de mener les premiers calculs en géométrie sphérique, en 3D et dans une convection complètement développée. Les calculs précédents et leurs conclusions nous ont bien sur fortement inspirés pour orienter nos propres calculs. Nous résumons donc ici les principales découvertes concernant le comportement de tubes de champ toroidaux évoluant dans des zones plus ou moins stables convectivement.

6.3.1 Les modèles thin flux tube

Les premiers modèles de tubes de flux flottants datent des années 80 pour lesquels l’approximation "tubes fins" ou "thin flux tubes" a été utilisée (Spruit 1981). Cette approximation consiste à traiter le tube comme une structure magnétique unidimensionnelle évoluant dans l’enveloppe convective solaire et soumis aux forces de flottaison, de Coriolis, de tension magnétique et à un terme de traction aerody- namique représentant l’effet de la convection. Le tube de flux dans ce cas a une section très faible par rapport à l’échelle de hauteur du milieu non-magnétisé environnant et par rapport à toutes les échelles de variation le long de l’axe du tube. Dans une telle approximation, toutes les quantités physiques telles que la position, la vitesse, l’intensité du champ magnétique, la pression, la densité, la température, etc... sont supposées moyennées sur la section du tube et ne peuvent varier que le long de l’axe du tube. De plus, puisque le temps de traversée de la section du tube est très faible comparé à tous les autres temps caractéristiques du système, on suppose un équilibre instantané de la pression au sein du tube avec la pression extérieure.

Ces calculs assez simplifiés ont toutefois conduit à des résultats très importants concernant le com- portement de tubes flottants dans un milieu non magnétisé. Ainsi, ils ont permis notamment de montrer que l’intensité initiale du champ magnétique se révélait être une variable importante pour la latitude d’émergence de la région active résultante. Choudhuri et Gilman (1987); Caligari et al. (1995) ont en effet montré que l’intensité initiale du champ devait atteindre 105 G à la base de la ZC pour éviter une trop grande déviation du tube fin vers les pôles par la force de Coriolis et donc une émergence à trop

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haute latitude. D’autres calculs (D’Silva et Choudhuri 1993) ont montré que l’effet de Coriolis expliquait très bien le tilt des régions actives (leur orientation Est-Ouest) lors de leur apparition à la surface solaire. La formulation originale de l’approximation "thin flux tube" ne prenait pas en compte le twist des lignes de champ magnétique autour de l’axe du tube. Longcope et Klapper (1997) ont été les premiers à incorporer une description de l’évolution du champ azimutal (et non plus seulement axial) dans une formulation de type "tube fin". Ils décrivent alors l’évolution de l’hélicité dans le tube en termes de twist et writhe et montrent que le writhe peut produire du twist qui tendrait à s’opposer au sens du twist original. L’approximation "thin flux tube" leur a donc permis d’étudier également la formation d’hélicité dans les structures magnétiques et son éventuel impact sur leur évolution. Du fait des limitations de l’approximation, ils n’ont pu décrire que le comportement d’un tube très faiblement torsadé, qui s’est révélé être très proche du comportement du tube non torsadé.

6.3.2 Les simulations MHD 2D et 3D

Des modèles plus sophistiqués de l’émergence de tubes de flux dans la zone convective solaire ont donc été développés, avec des codes numériques permettant de résoudre l’ensemble complet des équa- tions de la MHD (voir revue de Fan (2004)). Les premières simulations 2D ont été faites par Schuessler (1979) et ont été suivies relativement longtemps après par un grand nombre de simulations 2D MHD si- milaires (Moreno-Insertis et Emonet 1996; Longcope 1996; Fan et al. 1998; Emonet et Moreno-Insertis 1998). Un des résultats majeurs de ces simulations est qu’un twist minimal des lignes de champ est nécessaire au tube de flux pour être capable de monter de manière cohérente à travers toute la zone convective. En effet, le couple gravitationnel s’exerçant sur le tube (il est très flottant près de l’axe et peu en périphérie du fait de la plus grande concentration de champ magnétique près de l’axe) est une source de vorticité qui est contre-balancée par la tension magnétique dans le cas torsadé. Dans le cas non torsadé, de la vorticité est crée dans le tube et rien ne peut s’y opposer, par conséquent le tube se sépare en 2 vortex contrarotatifs et est incapable de maintenir sa cohérence. Il stoppe sa montée puisque le mouvement devient majoritairement horizontal et non plus vertical du fait de la présence des 2 vortex. En 2D, de nombreux auteurs ont montré que le seuil du twist pouvait être exprimé en termes d’angle ψ entre le champ transverse et le champ le long de l’axe du tube de la manière suivante :

sin ψ = q (B2 r + B2θ) B ≥ r a Hp × s ∆ρ ρ β 2

avec β le rapport de la pression du gaz sur la pression magnétique associée au tube, a le rayon du tube, Hpl’échelle de hauteur de pression et ρ la densité.

Des simulations 3D de boucles Ω de Abbett et al. (2000) ont par la suite montré que la courbure du tube (en quelque sorte le writhe du tube) permettait de diminuer le seuil du twist et donc de maintenir la cohérence du tube même avec un twist plus faible. Ces recherches avaient été motivées par les ob- servations qui, comme nous l’avons vu, révèlent des nombres de tours dans les structures émergentes de l’ordre de 1 seulement alors que le seuil de twist indiqué plus haut impose des twists plus forts.

Enfin, des simulations 3D en géométrie cartésienne ont été développées. Ces simulations ont incor- poré un élément loin d’être négligeable dans l’étude de l’évolution du tube : la convection. C’est Fan et al. (2003) qui ont mené les calculs les plus poussés et qui ont permis de mieux comprendre l’influence des écoulements ascendants et descendants sur le comportement du tube. Ainsi, ils ont montré que l’intensité magnétique initiale dans le tube était un paramètre crucial du modèle. Dans ces modèles, illustrés sur la figure 6.10, nous pouvons parler d’intensité du champ en termes de multiples du champ d’équipartition c’est à dire tel que B2

eq/8π = 1/2ρv2avec v la vitesse des plus forts flots descendants. Si le tube est trop faible (moins de 3 fois l’équipartition) , les mouvements convectifs contrôlent complètement sa montée

6.3 Calculs thin flux tubes et MHD 119

F. 6.10 – Evolution d’un tube de flux flottant d’intensité initiale B = Beq(1ère colonne) et B = 10Beq (2ème colonne). Beqest l’intensité du champ en équipartition avec les plus forts écoulements descendants à la base de la zone convective. Les couleurs correspondent à la valeur absolue de l’intensité du champ (de Fan et al. (2003)).

et la flottaison magnétique ne joue plus son rôle de poussée du tube vers la surface. Dans certains de ces cas où les flots descendants sont trop importants, le tube n’est pas en mesure de monter et n’atteint jamais la surface et donc ne crée pas de régions actives. Dans le cas où le champ magnétique initial est très fort au contraire (10 fois l’équipartition), la flottaison magnétique contrôle complètement l’évolution du tube et les mouvements convectifs n’ont que peu d’emprise sur la structure flottante. Ainsi, ils distinguent un régime dominé par l’advection (champ faible) d’un régime dominé par le magnétisme (champ fort) et montrent ainsi l’importance de l’intensité initiale du champ.

6.3.3 Vers des modèles plus réalistes

Les calculs dont nous venons de parler et qui ont été effectués depuis les années 80 nous ont amené de précieuses informations sur le comportement de nos structures toroidales que l’on pense être à l’origine de la création des taches actives à la surface du Soleil et probablement d’autres étoiles semblables. Pour l’instant comme nous l’avons vu, très peu de calculs ont été effectués en 3D en géométrie sphérique. En effet, seulement 2 simulations très récentes ont été effectuées en géométrie sphérique : notre article "3D non-linear evolution of a magnetic flux tube in a spherical shell : the isentropic case"inséré à la fin du chapitre suivant et publié fin 2007 et les travaux de Fan (2008). Dans ce dernier papier, Fan s’intéresse particulièrement au tilt des régions actives produit par la force de Coriolis et à son lien avec le twist initial de sa boucle Ω. Elle montre qu’un twist trop important serait susceptible de tilter les structures émergentes dans le sens inverse de ce que l’on observe et donc encore une fois le twist apparaît comme un paramètre important à mieux contraindre.

Mais ces calculs ont été effectués en zone convectivement stable et nous avons vu que d’après les simulations en géométrie cartésienne, l’influence de la convection pouvait être négligée seulement dans le cas de champs magnétiques fortement superequirépartis, or nous savons que dans le Soleil, une très grande gamme d’échelles d’intensité magnétique et donc des champs plus faibles susceptibles d’être influencés par la convection existent. Il est dès lors crucial de s’intéresser à des calculs plus réalistes

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3D sphérique de tubes de flux plongés dans une région convectivement instable en rotation. Dans les chapitres suivants, nous exposons les travaux effectués dans ce sens, avec un premier chapitre consacré au cas de référence en zone stable et un deuxième chapitre consacré aux cas complètement convectifs.

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Chapitre 7

Evolution de tubes de champ magnétique

en zone isentropique

Sommaire

7.1 Le cas de référence . . . 121