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Simulation moléculaire dans les systèmes sucre / électrolyte

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III. Simulation moléculaire

III.2 Simulation moléculaire dans les systèmes sucre / électrolyte

Bien que les recherches sur les sucres se soient focalisées sur le développement de méthodes expérimentales pour étudier les phénomènes d’hydratation des espèces en présence d’électrolyte, la compréhension des mécanismes d’interaction à l’échelle moléculaire reste encore à approfondir. Ainsi, il est nécessaire de développer de nouvelles approches, complémentaires, pour évaluer avec précision la contribution des interactions en solution. Dans ce contexte, la simulation moléculaire et plus particulièrement, la mécanique quantique, peut fournir des informations qui ne sont pas directement accessibles par des techniques expérimentales.

À l’échelle moléculaire, les interactions faibles non covalentes qui existent dans les systèmes sucre / électrolyte permettent d’expliquer les phénomènes observés. C’est pour cette raison que l'étude des interactions non covalentes à l’échelle moléculaire dans ces systèmes est primordiale.

III.2.1 Interactions soluté / eau

Comme discuté dans un précédent paragraphe de ce chapitre (§1.2), l’hydratation d’une molécule organique est due à la polarité de chaque groupement hydroxyle, qui donne et accepte une liaison hydrogène. La liaison hydrogène est une des plus importantes interactions non covalentes rencontrées dans les sciences naturelles. Ces liaisons, plutôt faibles énergétiquement de par leur nature, de 10 à 30 kJ.mol-1 [88], ont une influence

décisive sur les propriétés chimiques des substances. Depuis la publication de Pauling, portant sur la nature des liaisons chimiques [89], la liaison hydrogène est couramment évoquée pour expliquer certaines propriétés de l’eau, des sucres, ou encore des acides nucléiques. Ces liaisons jouent un rôle primordial dans la solvatation des molécules et plus généralement dans les interactions soluté / solvant.

Certaines études de dynamiques moléculaires se sont intéressées aux effets du solvant sur la structure des sucres. Par exemple, Winger et al. ont montré l’importance des liaisons hydrogènes pour la stabilité de l'amylose et de la cellulose [90]. L’étude du comportement de -D-glucopyranose, i.e. le glucose, en solution aqueuse, a montré que l’eau n’influe pas la configuration du cycle pyranose [91]. Une autre étude a mis en évidence la dépendance de la configuration du β-Cyclodextrine (oligosaccharide) vis-à- vis du type de solvant [92]. Enfin, Ramdugu et al. ont mis en évidence que la structure et la dynamique de l'eau à la surface des glucides sont déterminées par le type de liaison entre les monomères et la configuration anomérique des sucres [93].

Peu d’études de dynamiques moléculaires se sont intéressées aux propriétés d’hydratation des sucres. Une des rares études reportée concerne les interactions entre le glucose et l’eau, où Suzuki et al. ont utilisé la dynamique moléculaire et montré que chaque groupement hydroxyle du glucose forme deux liaisons hydrogènes avec l’eau [94].

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Les sucres peuvent affecter la structure de l'eau environnante et, inversement, l'eau peut affecter la structure des molécules de sucre dissous. Pour mieux comprendre la fonctionnalité des sucres, les interactions au niveau moléculaire restent encore largement à approfondir. D’ailleurs, une revue récente, portant sur les applications de la dynamique moléculaire dans le milieu alimentaire, indique la nécessité de concentrer les efforts de recherche sur les phénomènes d’hydratation et de solvatation des sucres [95]. La difficulté de l’utilisation de la dynamique moléculaire réside alors dans le choix d’un modèle permettant de décrire correctement la structure de l’eau autour des molécules ; l’effort de recherches est actuellement mis sur cet accent [96,97].

Les propriétés thermochimiques, structurelles et vibrationnelles d’un système contenant des liaisons hydrogènes peuvent être décrites par la mécanique quantique. En effet, la théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT), appliquée aux systèmes contenant des liaisons hydrogènes, se montre très performante et permet de déterminer les énergies d’interaction avec une grande précision [88]. Ainsi, des études théoriques, utilisant la mécanique quantique, ont été entreprises sur les propriétés d’hydratation de petites espèces, dans le but de décrire les liaisons hydrogènes [98,99]. Par exemple, la structure d'hydratation des groupements OH- (H

2O)n (n = 4, 8, 16 et 20) a été recherchée au moyen

de calculs quantiques [98]. Ces calculs de mécanique quantique ont ainsi montré que la structure de solvatation de l’ion hydroxyde dépend du nombre de molécules d’eau dans le système et que cette structure varie de trois à cinq molécules d’eau lorsque n augmente. Les propriétés de solvatation des ions Na+, K+ et Cl- ont également été étudiées par DFT

[100]. En particulier, des nombres de coordination de 5,0-5,5, 6,0-6,4 et 6,0- 6,5 ont été observés pour Na+, K+ et Cl-, respectivement. Récemment, des travaux utilisant

l’approche DFT, se sont intéressés aux propriétés d’hydratation de molécules comme celle du glucose dans l’eau [101]. Ainsi, onze molécules d’eau permettent de stabiliser le glucose, correspondant à une énergie d’hydratation du glucose de -400 kJ.mol-1.

La mécanique quantique est particulièrement adaptée à l’étude de l’hydratation des sucres mais peu d’études se sont intéressées à ce sujet. A notre connaissance, ces propriétés n’ont jamais été étudiées en présence d’électrolyte.

III.2.2 Interactions soluté / co-soluté

La dynamique moléculaire est largement utilisée pour comprendre les interactions entre les sucres et différentes espèces en solution aqueuse. Par exemple, son utilisation a permis de comprendre comment interagissent la caféine et les sucres en solution [102]. Cette étude a permis de confirmer les observations expérimentales, qui mettaient en évidence l’aptitude des phénols du café à former des complexes avec la cyclodextrine. D’autres études se sont plutôt intéressées à l’influence de certains sucres (saccharose, maltose et tréhalose) sur les propriétés dynamiques du lysozyme [103]. Elles ont montré que le maltose ralentit davantage le mouvement du lysozyme que les autres sucres et qu’il interagit davantage avec le lysozyme, comparé au tréhalose. De nombreux autres

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exemples sont rapportés dans la revue de Feng et al. [95], ce qui montre l’intérêt d’étudier les interactions entre les sucres et les autres espèces en solution.

Une étude réalisée par Mayes et al. [104] permet de comprendre comment l’ion Na+

interagit avec le glucose. Dans cette étude, à la fois la dynamique moléculaire et la mécanique quantique sont employées.

Tout d’abord, les expériences de dynamiques moléculaires, réalisées en présence d’eau, dans les systèmes glucose / Na+ et glucose / Cl- montrent que l’ion Cl- a de très faibles

interactions avec le glucose, comparées à Na+. Cette faible affinité de l’ion Cl- avec le

glucose, justifie que l’ion Cl- soit négligé dans la suite de l’étude, dans les calculs de

mécanique quantique. L’étude de mécanique quantique se limite alors aux systèmes glucose / cation, sans anion et sans eau.

Concernant les calculs de mécanique quantique, l’étude réalisée dans les systèmes glucose / Na+ montre que l’ion Na+ interagit de la même façon avec les six atomes

d’oxygène du glucose, sans préférence.

Ensuite, les calculs de mécanique quantique, réalisés avec le glucose (α et β), en présence de Na+ et sans eau, montrent que Na+ interagit de la même manière que ce soit

avec l’α-glucose ou le β-glucose. En effet, l’enthalpie d’interaction α-glucose / Na+

d'environ -22 kJ.mol-1 est très proche de l'enthalpie d’interaction β-glucose / Na+ d’une

valeur de -21 kJ.mol-1. Pour comparaison, une enthalpie de -52 kJ.mol-1 pour l'interaction

α-glucose / Ca2+ et de -47 kJ.mol-1 pour l'interaction β-glucose / Ca2+ sont obtenues. Ces

résultats montrent que non seulement l'ion divalent se lie plus fortement au glucose que l'ion monovalent, mais également qu’il se lie préférentiellement à l’α-glucose qu’au β- glucose.

Ainsi, la mécanique quantique est particulièrement adaptée à l’étude des interactions entre les sucres et les ions. Toutefois, à notre connaissance, d’une part, ces interactions n’ont jamais été étudiées en présence de molécules d’eau. D’autre part, aucune étude systématique, avec différents sucres, contenant des cations, des anions, monovalents et divalents, n’a été réalisée. Le manque de données rend difficile la compréhension de la relation entre les interactions dans ces systèmes et les caractéristiques des ions (cation / anion, charge, taille et hydratation).

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