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Silicates et luminescence persistante

L’étude qui est présentée dans cette thèse a porté sur un type particulier de maté- riau, à savoir les silicates. Le composé MgSiO3 dopé Eu2+,Dy3+,Mn2+ décrit par Wang

et al. [79] a particulièrement retenu notre attention au début de ce travail. Il s’agissait en effet d’un exemple simple de silicate possédant une luminescence rouge persistante et efficace.

2.2.1 Exemple de silicate à luminescence persistante

Les silicates sont des minéraux dont le squelette est formé de tétraèdres de silicium et d’oxygène. Comme nous avons pu le voir, il existe de nombreux exemples de silicates

2.2 : Silicates et luminescence persistante 61

possédant la propriété de luminescence persistante plus ou moins longue. Ils ont été toutefois moins développés que les aluminates ou les sulfures.

Composition générale Composé Emission Ref.

MSiO3 MgSiO3 :Eu2+, Dy3+, Mn2+ 660 nm [79]

M1M2Si2O6 CaMgSi2O6 :Eu2+, Dy3+ ou Nd3+ 438 nm [82]

Sr2MgSi2O7 :Eu2+, Dy3+ 404nm 459nm [99]

466 nm [100]

M1M2M3Si2O7 Ca2MgSi2O7 :Eu2+, Dy3+ 447 nm 516 nm [99]

(Sr,Ca)MgSi2O7 :Eu2+, Dy3+ 490 nm [100]

Sr2ZnSi2O7 :Eu2+, Dy3+ 385 nm 457 nm [101]

Tab. 2.2: Exemple de silicates à luminescence persistante

Dans l’article de Wang et al., le matériau a été synthétisé par voie solide, c’est à dire par frittage de poudres d’oxydes. Ce type de synthèse n’était bien sûr pas envisageable pour l’application biologique recherchée. Nous avons donc durant ce travail tenté de synthétiser ce matériau sous forme nanoparticulaire.

In tensité (u .a.) Temps (min) Longueur d'onde (nm) In tensité (u .a.) (A) (B)

Fig. 2.9: Spectre d’émission (à gauche) et déclin de luminescence (à droite) de compo- sées décrits dans la littérature par Wang et al. (A) CaAl2O4 :Mn2+, Ce3+ (B)

Ca2Al2SiO7 :Mn2+, Ce3+ (C) MgSiO3 :Eu2+, Dy3+, Mn2+

Avant de présenter la stratégie de synthèse, il est important de décrire la structure cristalline de ce matériau. Comme nous le verrons, la structure cristalline a joué un rôle important dans le développement des matériaux.

2.2.2 Polymorphisme de l’enstatite (MgSiO

3

)

L’enstatite, de formule chimique MgSiO3a été décrite pour la première fois par G.A.

Kenngott en 1855. Ce matériau fait partie de la famille de pyroxènes. Les pyroxènes, composants majoritaires de l’écorce et du manteau de la croûte terrestre, sont des silicates contenant une chaîne de (SiO3)n formée de tétraèdres de SiO4 liés entre eux.

Une partie du silicium peut être remplacée par d’autres ions comme de l’aluminium. La formule chimique générale pour tous les pyroxènes est M2M1T2O6 où M2 est un

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une coordination octaédrique régulière tandis que T est un cation en environnement tétraédrique. Si4+ Al3+ Fe3+ Mn2+ Zn2+ Ti4+ Cr3+ Ti3+ Zr4+ Mg2+ Fe2+ Al3+ Fe3+ V3+ M1 Ca2+ Li+ Na+ Fe2+ Mg2+ Mn2+ M2 T

Fig. 2.10: Occupation préférentielle des différentes sites dans la famille des pyroxènes, les cations étant classés par ordre d’affinité au site (d’après [102]). Les ions en gras correspondent aux ions utilisés dans ce travail.

Il existe deux systèmes cristallographiques pour ces composés, orthorhombique et monoclinique. Le système orthorhombique se retrouve dans deux types de pyroxènes : une structure orthopyroxène Pbca et une autre phase orthopyroxène Pbcn (cette phase prenant dans le langage commun le suffixe proto, eg : protoenstatite). Le système mo- noclinique donne aux pyroxènes la dénomination de clinopyroxènes. Plusieurs groupes d’espace (C2/c, P21c et P2/n) coexistent selon l’arrangement et la composition des atomes. [102]

Quatre structures cristallines ont été clairement identifiées pour MgSiO3 : l’enstatite

(ou orthoenstatite Pcba notée En), la protoenstatite Pcbn (notée PE), la clinoenstatite basse température P21c (notée CE) et la clinoenstatite haute-température C2/c (notée

HT-CE). La forme orthoenstatite est de loin la plus fréquente dans la nature.

La littérature portant sur la stabilité de chaque phase selon la température est souvent contradictoire, la phase stable à basse température étant soit l’orthoenstatite [103] ou la phase clinoenstatite P21c [104, 105]. La phase protoenstatite est une phase haute température, métastable à température ambiante, une diminution de la taille de grain du matériau permet cependant son observation à température ambiante [106, 107]. En utilisant des simulations informatiques, Choudhury et Chaplot ont proposé un diagramme de phase en fonction de la température et la pression donnant la phase orthoenstatite comme phase stable à basse température [108].

Cette divergence sur la stabilité du polymorphisme de l’enstatite peut s’expliquer par le fait que l’obtention des différentes phases de l’enstatite dépend de nombreux paramètres parmi lesquels on trouve la température, la pression, l’insertion de dopants, les tensions internes, la taille des grains ou encore la structure cristalline initiale [109, 110].

Ainsi il a été montré que la transition de En → P E était dépendante de la tem- pérature alors que la transition OE → CE était aussi dépendante de la pression [108] (voir Figure 2.11). La transformation P E → CE peut apparaître lors du refroidisse- ment autour de 900℃. Toutefois, il a été montré que l’ajout de quelques pour cent de manganèse permettait de stabiliser la protoenstatite sous certaines conditions. Enfin, l’addition d’environ 30% de calcium permet d’obtenir un composé se situant entre la diopside (CaMgSi2O6) et l’enstatite cristallisant sous la forme monoclinique C2/c [111],

forme cristalline qui n’est pas observée pour l’enstatite à température ambiante. L’identification des formes cristallines de l’enstatite se fait par analyse des dia-

2.2 : Silicates et luminescence persistante 63 800 1600 0 0 4 8 12 T(K) P(GPa) Clino (P2/c) Clino (C2/c) Ortho (Pbca) Proto (Pbcn) (A) T(K) P(GPa) (B) (C)

Fig. 2.11: (A) Diagramme de phase expérimental de l’enstatite (B) Diagramme de phase cal- culé de l’enstatite. On remarquera l’absence de phase Clino P21c (C) Arrangement tridimensionnel des atomes selon la phase cristalline. Les octaèdres correspondent à l’environnement du magnésium tandis que les tétraèdres correspondent au silicium (d’après [108])

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grammes de diffraction X6. Dans un mélange de phase, cette identification n’est pas

évidente. En effet, orthoenstatite et clinoenstatite ont leur pic de diffraction le plus intense à 31° (2θ) avec un autre pic prédominant à 28,1° (2θ). Ce dernier pic coïncide avec le pic le plus intense de la protoenstatite.

L’enstatite dopée décrit par Wang et al. a été le matériau de référence durant ce travail. Toutefois, il n’est pas fait mention dans cet article de la structure cristalline du composé obtenu.

2.3 Colloïdes et procédé sol-gel