• Aucun résultat trouvé

Nous avons vu qu’avec l’installation du pouvoir soviétique, et tout particulièrement, depuis la politique de regroupement des villages des années 1950-1960, les Évenks nomades ont été intégrés administrativement à des kolkhozes et par conséquent rattachés officiellement à des villages. En effet, leurs troupeaux sont devenus propriété d’État et eux-mêmes, les employés des kolkhozes. Parallèlement, une partie de la population nomade a été sédentarisée dans lesdits villages. Il y a donc aujourd’hui des relations de parenté entre gens de taïga et gens de village.

De plus, sous la période soviétique, la majorité des jeunes Évenks partis dans les grandes villes de Russie et de Sibérie pour leur cursus universitaire sont rentrés dans les villages pour y occuper des postes de cadres dans les différentes institutions. Mais certains d’entre eux se sont installés définitivement dans les grandes villes et ont créé, avec le temps, des communautés évenkes urbaines.

1.1 LES GROUPES NOMADES : APPARTENANCES ADMINISTRATIVES

Aujourd’hui chaque nomade est officiellement rattaché à un village et ce de plusieurs manières : d’un point de vue individuel, puisque toutes les naissances sont officiellement enregistrées par l’administration du village des parents, mais aussi par le type d’appartenance du troupeau de rennes. Si le troupeau appartient au sovkhoze (actuellement renommé GUP2), les Évenks qui s’en occupent sont enregistrés sous la profession « éleveurs de rennes » ; si le troupeau appartient à une coopérative familiale,3 les nomades sont enregistrés comme membres de la coopérative, qui elle-même est attachée à l’administration d’un village ; enfin, si le troupeau est « privé », il est donc officieux par excellence, n’est donc enregistré nulle part et les Évenks qui le gèrent peuvent très bien ne figurer sous aucune profession. Ainsi

1

Cette partie sera essentiellement basée sur mes matériaux de terrain chez les Évenks de la Iakoutie du Sud et de la région de l’Amour entre 1995 et 2003.

2

Depuis 1999, les sovkhozes sont renommés un à un GUP (« Gosudarstvenoe Upravlenie Proizvodstva »), « Unité de Production Gouvernementale ».

3

d’un point de vue professionnel, les nomades sont enregistrés sous plusieurs catégories. Dans les registres du sovkhoze, ils peuvent figurer comme « éleveurs de rennes » ou comme « chasseurs ». Notons qu’avec la crise économique et la liquidation consécutive des troupeaux du sovkhoze, la plupart des nomades aspirent à se faire enregistrer sous la profession officielle de « chasseurs » auprès du sovkhoze, ce qui leur donne au moins droit à un fusil.4 C’est selon les mêmes catégories professionnelles que sont enregistrés les nomades des coopératives familiales.5Quant aux renniculteurs privés, ils sont souvent enregistrés comme « chasseur » auprès du sovkhoze, mais bon nombre d’entre eux ne figurent sous aucune profession et n’ont aucun lieu de vie au village. Ils restent donc pratiquement inexistants pour l’administration du village ou pour celle du sovkhoze.

Les nomades sont donc rattachés à un village, d’un point de vue administratif, de par leurs parents sédentaires, mais aussi d’un point de vue commercial. En effet, ils se rendent dans leur village une à trois fois par an pour vendre le produit de leur chasse et s’approvisionner. C’est pourquoi on considère chaque unité élémentaire de nomadisation6comme appartenant à un village particulier. Ainsi, autour de chaque village, gravitent plusieurs groupes nomades. Je présenterai donc maintenant le cadre concret de mon étude, en associant les unités de nomadisation à leurs villages.

1.2 LES VILLAGES ÉVENKS DE NOTRE REGION : VARIATION DES ADAPTATIONS

Dans le sud de la Iakoutie et dans la région de l’Amour, on trouve plusieurs petits villages évenks que l’on pourrait dire originairement oroBon en tout cas par leur mode de vie qui combine petit élevage de rennes et chasse.

Dans le sud de la Iakoutie, sur le cours inférieur de l’Olëkma et sur ses affluents de gauche, il y a trois villages évenks, situés dans l’ulus7 d’Olëkminsk : Tokko, Küdü-küël et Tjanja correspondant à une population totale évenke de 942 individus. Ces villages sont très

4

Les autorités régionales refusent la plupart des demandes d’autorisation de port d’armes aux Évenks lorsque la demande est faite individuellement. Pour justifier ce refus, ces autorités prétextent que les sovkhozes sont chargés de la distribution des armes et des démarches administratives. Mais cette situation pose un problème important aux nomades de plus en plus nombreux qui n’appartiennent à aucune institution. On rencontre cette situation, qui a des conséquences terribles sur l’économie des Évenks dans la région de l’Amour et dans celle de Iita. J’ai observé que les chasseurs « privés » retrouvent les techniques anciennes de chasse sans armes à feu.

5

Ceux-ci sont enregistrés directement auprès de la section régionale du Ministère de l’Agriculture, sans passer par l’intermédiaire du sovkhoze.

6

Par « unité élémentaire de nomadisation », j’entends cette entité indivisible constituée d’un petit groupe de personnes (une famille nucléaire, une association de « frères » ou d’amis) qui nomadisent toujours ensemble. À chaque saison, ces unités élémentaires de nomadisation se rejoignent ou se séparent.

7

La Iakoutie est divisée administrativement en ulus (équivalent de « rajon » dans le reste de la Russie), divisés eux-même en plusieurs « nasleg », comportant chacun de un à plusieurs villages.

isolés des centres urbains et se trouvent respectivement à 90, 180 et 280 km du premier centre urbain8. De plus, aucune route ou moyen de transport régulier ne dessert ces villages à l’exception de quelques petits avions taxi en été et des voies de passage constituées par les rivières gelées en hiver. Les Évenks de ces villages sont dits iakoutisés, puisqu’ils ne parlent plus, à l’exception de quelques anciens, que le iakoute, et qu’ils mêlent élevage de rennes, élevage de chevaux et celui de bovins. En 1994 et 1995, séjournant dans les villages de Tjanja et Küdü-Küel, j’ai remarqué que la majorité de la population pratiquait la chasse avec de petits élevages de rennes ou de chevaux et que les campements des nomades se trouvaient très proches des villages. J’ai eu l’occasion de voir un homme sur un cheval guider une troupeau de rennes. D’après les Évenks de ces villages que j’ai rencontrés en 2003, la crise économique a conduit la population évenke à un isolement encore plus grand et la situation de disette les a poussés à se retourner exclusivement vers la nature pour se nourrir. La population de ces villages est presque entièrement évenke ou iakoute à ce point que de nombreux villageois ne comprennent que très mal le russe. J’ai observé dans ces trois villages une très bonne conservation de la culture matérielle liée aux activités de chasse et de renniculture. Les Évenks y ont conservé la tente conique recouverte d’écorce de bouleau ou de peaux de rennes, mais aussi les savoirs techniques pour fabriquer les différents types de skis toungouses et de vaisselle en écorce de bouleau. Ayant séjourné dans leur campement nomade, j’ai constaté que la terminologie liée à la chasse et à la renniculture était évenke, tandis que le reste de leur discours était en iakoute.9

Sur le cours moyen de l’Aldan, dans les ulus d’Aldan et d’Amga, on trouve une population évenke d’environ 2 000 individus. La plupart d’entre eux vivent dans de petits villages autour des villes Tommot, Aldan et Amga. La population de ces deux régions est multiethnique, principalement composée de Russes et de Iakoutes10. Les Évenks de cette région sont pour la plupart des villageois vivant en ville ou dans les villages d’élevage de gros bétail, mais il reste encore quelques groupe nomades éleveurs de rennes et chasseurs le long de l’Amga, dont le mode de vie ressemble en tout point à celui des Évenks de Iengra et de Ust’-Njukža. On y trouve d’ailleurs des Évenks portant les mêmes noms de clans. Cependant

8

La région fait 160 mille km2 pour une population totale de 30 000 habitants, donc une moyenne de 0,18 habitants au km2. Sur ces 30 000 habitants, 18 700 individus sont villageois ou nomades (Respublika

Saxa…1999 : 53-55).

9

J’ai l’intention d’étudier lors de mes recherches post-doctorales ces populations évenkes isolées, vivant d’une économie mixte (chasse, élevage de rennes et de chevaux). Nous avons d’ailleurs un projet de collaboration sur ce thème avec Émilie Maj, jeune doctorante se spécialisant dans l’étude du cheval chez les Iakoutes.

10

La superficie de ces deux régions réunies fait 186 000 km2pour une population totale de 72 000 individus, donc une moyenne de 0,38 habitants au km2. Sur la population totale, 22 000 individus sont villageois ou nomades (Respublika Saxa…1999 : 15, 17).

les Évenks de ces ulus et ceux des deux villages susmentionnés ne sont pas en contact. La littérature ethnographique contemporaine ne dit rien de ces Évenks et j’ai obtenu ces quelques données d’une jeune fille originaire de la région, qui m’a montré quelques photos de campements nomades où elle avait séjourné. On trouve également dans cette région le village évenk de Xatystyr, le long de l’Aldan, à 50 km du premier centre urbain. J’ai rencontré des Évenks de ce village lors de la fête des éleveurs de rennes à Iengra. Ces Évenks sont iakoutisés, ne parlent plus que le iakoute et ont pour la plupart adopté l’élevage de gros bétail. Cependant on y trouve encore des troupeaux de rennes relativement conséquents, gardés par les membres des coopératives familiales locales. Ces deux régions sont traversées par une seule et même grande route qui relie le nord de la Mandchourie à Iakoutsk, route parcourue par une circulation importante tout au long de l’année.

J’ai pu remarquer, en accompagnant les Évenks de Iengra dans les administrations de la ville de Iakoutsk, que les Évenks iakoutophones étaient favorisés dans leurs démarches (création de coopératives familiales, obtention de subventions, etc.) par rapport à ceux de Iengra qui sont connus pour leur résistance à la iakoutisation. Ce inégalité de traitement est née en 1992, lorsque la Iakoutie a obtenu sa souveraineté et a instauré le iakoute comme langue officielle. Aussi, dans ce cadre nationaliste, les non iakoutophones, de quelque nationalité qu’ils soient, n’ont pas droit au même accueil.

Dans la région de Nerungri, on trouve deux villages évenks, Xatymi (sur le Timpton) et Iengra.11 Cette région n’a pas le statut d’ulus, mais celui de territoire de la ville de Nerungri. Cette situation administrative semble avoir deux raisons. D’une part, la ville de Nerungri est apparue très tardivement par rapport aux autres villes de la Iakoutie, et d’autre part, le pouvoir y est exercé par les directeurs des entreprises minières et du BAM qui sont subordonnés à Moscou, bien plus qu’à Iakoutsk. Enfin la région compte une très forte population slave, ukrainienne ou russe et presque pas de Iakoutes. Ces trois points réunis créent une situation particulière qui a eu des conséquences pour les Évenks de Iengra en particulier. La ville de Nerungri, par sa modernité et son dynamisme économique, fut envisagée à maintes reprises pour devenir la capitale de la Iakoutie, ce qui ne plaisait pas aux dirigeants iakoutes de la République souveraine. Aujourd’hui, Nerungri est considérée, officieusement, comme la deuxième capitale de la République. L’atmosphère ethnique de la région de Nerungri est assez particulière. En effet, les élites régionales considèrent cette

11

La région a une superficie de 98 900 km2 pour une population totale de 107 900 habitants, soit une moyenne de 01,09 habitants au km2. La très grande majorité de la population est concentrée dans la ville de Nerungri et seuls 1 900 individus sont villageois ou nomades (Respublika Saxa…1999 : 79).

région comme indépendante et voudraient bien ne pas avoir de relation de subordination envers Iakoutsk. Une phrase que j’ai entendue mainte fois, dans la bouche des Slaves illustre bien la mentalité régionale où le territoire de Nerungri est décrit comme « L’Ukraine du Grand Nord, temporairement habitée par des Iakoutes ». En résumé cette région fait figure de renégate face au pouvoir nationaliste de la République souveraine, du fait de sa population slave, comme nous l’avons vu, mais aussi du fait des Évenks de Iengra, qui ont toujours opposé une résistance marquée à l’emprise des Iakoutes. C’est d’ailleurs aujourd’hui le seul village autochtone de Iakoutie qui ne parle pas le iakoute, où cette langue n’est pas enseignée à l’école, mais aussi où l’évenk est réellement conservé.

Le village de Xatymi est situé au nord de la région, au bord de la grande route qui traverse verticalement le sud de la Iakoutie jusqu’à la frontière mandchoue. Ce village fait partie de ceux qui ont le mieux conservé la renniculture et on y compte aujourd’hui plusieurs coopératives familiales. Les Évenks n’y parlent plus que le iakoute, mais ont conservé la culture matérielle liée à la renniculture et à la vie nomade. Les Évenks éleveurs de rennes de Xatymi visitent régulièrement ceux de Iengra et de Ust’-Njukža, lors de la fête des éleveurs de rennes, mais leurs relations s’arrêtent là. En revanche, l’une des coopératives familiales de Xatymi garde son troupeau de rennes non loin de la ville de Nerungri et loue ses services comme camp de vacances, mais aussi comme centre de formation agricole à l’école ethnique « Arktika » de Nerungri.

Dans la région de l’Amour, on trouve plusieurs villages évenks d’est en ouest autour du BAM : Ivanovskoe (Ulgèn) dans le « rajon » de Selemdža, Bomnak sur le lac Zej dans le « rajon » de Zej et dans le « rajon » de Tynda, les villages Pervomajskoe (Zaria), Ust’-Urkima et Ust’Njukža. Continuant plus loin vers l’ouest, on trouve le village Iara dans la région de Iita. Les Évenks de ces villages se rendent visite lors de la fête des éleveurs et certains d’entre eux ont des relations de voisinage en milieu nomade. Tous ces Évenks se sentent unis par le même dialecte et le même mode de vie oroBon, mais aussi par le fait d’avoir échappé à la iakoutisation. À part Iara, qui fait l’objet des recherches de O. Kuznecov, ces villages sont pratiquement ignorés des recherches ethnographiques ou démographiques. La situation socio-économique des Évenks de la région de l’Amour est bien pire que celle des Évenks de Iakoutie et nous verrons que les solutions trouvées par les villages et leurs campements nomades pour survivre varient.

– Ivanovskoe est le plus isolé de tous les villages est situé aux confins des monts Džagdy. Il fut fondé en 1949 sur une ancienne mine d’or et rassemble plusieurs groupes évenks employés dans les expéditions géologiques. En 1999, il comptait 348 Évenks qui auraient

conservé la langue. Son sovkhoze « Ulgèn » a aujourd’hui deux brigades rennicoles pour un cheptel total de 900 rennes. Le troupeau de rennes a connu, comme chez tous les Évenks une forte diminution depuis 1983 où l’on comptait 4 000 têtes. La majorité des hommes sont éleveurs de rennes ou chasseurs. C’est grâce au sovkhoze que le village survit et peut conserver une école et d’autres institutions, mais les moyens de transport et de communication sont déficients. De plus, le village souffre de problèmes de pollution graves dus principalement au fort taux de mercure dans les rivières et donc dans l’eau de consommation. La crise économique a engendré une situation de disette sévère et en 1999 une expertise estimait que 22 % des enfants scolarisés souffraient de différentes formes de tuberculose (Ulgèn. Rezul’taty…1999 : 6, 26, 31-32).

– D’après les Évenks de Bomnak (fondé en 1950)12 que j’ai rencontrés, ce village compte plusieurs campements nomades encore organisés autour du sovkhoze, mais aussi des renniculteurs privés, pour un cheptel de rennes relativement important. Ils diffèrent des autres Évenks de la région par certains de leurs attributs d’élevage. La langue y est aussi assez bien conservée et sur les 470 Évenks de Bomnak, une grande partie des hommes vivent de chasse ou de l’élevage de rennes.

– En 2001, j’ai eu l’occasion de me rendre dans le village de Pervomajskoe. Ce village se trouve à une vingtaine de minutes de route de la grande ville de Tynda. Il fut construit en 1931 pour le sovkhoze, aujourd’hui disparu du nom de Zarja.13 Le village a encore une existence officielle uniquement grâce à son école-internat, qui prend en charge non seulement ses propres enfants, mais aussi ceux du village de Ust’Urkima.14 La population est de 800 habitants, dont 220 Évenks, majoritairement sédentaires. La langue évenke y est encore un peu parlée par les sédentaires d’âge moyen et les cadres enseignants sont principalement des Évenks. Le directeur de l’école, un Russe, est très actif et obtient des crédits auprès des villes de Tynda ou de Moscou afin de former les enfants à l’informatique. La population sédentaire vit de petits travaux (confection de chapeaux en fourrure, de bottes en peaux de renne (« unty ») et de salaires pour les employés de l’école ou pour les hommes qui ont trouvé un travail en ville. Quelques hommes encore nourrissent leur famille des produits de leur chasse à pied.

– Ust’-Urkima est un village aujourd’hui inexistant officiellement, depuis la disparition de son sovkhoze. L’administration régionale a décidé de fermer toutes les autres institutions. Ce

12

VasileviB (1969b : 728).

13

« L’aube » en russe. Le nom du village se traduit par « Premier mai ».

14

L’internat de ce village compte 78 enfants de nomades, dont 11 enfants dont les parents nomades dépendent de Ust’-Urkima. L’école elle-même compte une centaine d’écoliers de tous âges.

village, qui compte 600 habitants, dont 300 Évenks, se retrouve donc livré à lui-même et sa population évenk survit grâce à la chasse et aux troupeaux de rennes. Les Évenks de ce village sont majoritairement des nomades dont le cheptel de renne est privé.

Autour de ces deux derniers villages gravitent plusieurs groupes de renniculteurs privés, principalement les Makarovy, les Davydovy et les Vasil’evy, qui vivent en autarcie dans la forêt. Leurs campements sont situés à 200-300 km des villages. En effet, l’expansion de la ville de Tynda, ainsi que l’exploitation de mines d’or par les Russes et du bois par les Coréens ont complètement détruit les pâturages aux alentours des villages. Ces nomades ont des troupeaux de 40 à 150 têtes par groupe de nomadisation et vivent avec femmes et enfants.15 Ils ne viennent pratiquement jamais au village, sauf une à deux fois par an, où ils envoient l’un des leurs pour deux ou trois jours afin de vendre les produits de la chasse et de s’approvisionner. Les marchands russes, au courant de ces allers-venues depuis la taïga, viennent d’eux-mêmes dans ces villages et pallient ainsi l’absence de magasins.16 Les Évenks de Ust’-Urkima pratiquent encore couramment l’évenk et d’une manière générale, les nomades de tous ces villages pratiquent exclusivement l’évenk en milieu nomade.

Mais revenons aux deux villages qui sont au centre de notre étude, Ust’-Njukža et Iengra. Si leurs situations économiques divergent quelque peu, ils entretiennent entre eux des relations suivies et soutenues, tant entre nomades qu’entre sédentaires et forment aujourd’hui un groupe socialement signifiant.

Le village de Ust’-Njukža fut construit sur le lieu de la « factorerie » Njukža. En 1929, y est établi un « artel » du nom de « Napaly ». Les premiers Évenks a faire partie de kolkhoze portent les noms de famille Vasil’ev, Kararbok, Nikolaev et Fedorov. Dans les années 1930, l’Évenk Vasilij N. Abramov est nommé directeur du kolkhoze. Le village reçoit son premier groupe électrogène en 1958. Le troupeau de rennes du sovkhoze compte alors 3 200 têtes. En 1977, le kolkhoze devient le sovkhoze « Lenin-okton », soit en évenk « la route de Lénine ». En 2001, le village compte une population de 610 individus, dont 350 Évenks. Les cadres des sovkhozes et des autres institutions sont très majoritairement des Russes. Parmi les Évenks on

Documents relatifs