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1.1 LES SOURCES

1.1.1.1 La période pré-soviétique

La littérature ethnographique sur les Évenks et les Toungouses en général, est considérable. Les différentes phases de collectes, analyses et compilations des données constituant cette littérature sont indissociables des mouvements de l’Histoire économique, diplomatique et politique de la Russie, de l’Union Soviétique et, aujourd’hui, de la Fédération de Russie. C’est ce qui ressortira ici à travers l’évocation succincte,1depuis le Moyen-Age jusqu’au début du XXesiècle,2des différents statuts ainsi que des orientations des récits, rapports et recherches des personnages successifs à qui nous devons aujourd’hui cette somme de connaissances sur les huit peuples toungouses.

Au Moyen-Age, en liaison avec le développement des relations économiques entre l’Europe et l’Orient, certains marchands, voyageurs et moines diplomates en route pour la Chine (et plus tard le Moyen-Orient) font état de leurs rencontres avec des populations de chasseurs nomades, certains transportés par des rennes, identifiés par la suite par quelques chercheurs russes, comme les premiers représentants de populations assimilables aux Toungouses. Ces notes, si éparses soient-elles, constituent à l’heure actuelle une importante référence pour les intellectuels évenks qui s’appuient dessus pour justifier un passé long et glorieux sur les territoires qu’ils occupent aujourd’hui.

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Pour une vision complète et détaillée de l’histoire des recherches concernant les peuples toungouses en général, se reporter à l’annexe, ainsi qu’à la bibliographie.

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L’exposé des recherches menées au cours des périodes soviétique et contemporaine, plus directement utile à mon étude, se trouve développé aux sous-chapitres suivants.

Il faudra attendre le milieu du XVIIesiècle avec une victoire de guerre de la Russie sur la Pologne et surtout le règne de Pierre le Grand avec son désir d’agrandissement de l’Empire russe vers l’est pour commencer à avoir véritablement un faisceau plus nourri de données sur quelques groupes de populations toungouses. Ces données, nous les devons à des prisonniers de guerre, des ambassadeurs, et à un médecin encyclopédiste envoyé en Sibérie par le tsar, d’une part, à la recherche de « raretés et principes pharmaceutiques » et, d’une part, avec la mission de décrire les peuples de Sibérie. On voit ici naître un intérêt spécifique pour les populations sibériennes et la volonté de recueillir des données plus systématiques que celles dont on dispose à l’époque. Concernant les peuples toungouses, cela se traduit par un début de classification linguistique, par l’établissement de liens de parenté entre les populations des régions visitées, et par une classification selon les animaux utilisés pour le transport (rennes, chiens et chevaux).

Le XVIIIesiècle voit s’intensifier cette démarche de systématisation des connaissances sur l’Empire en expansion et sur ses habitants. Ce sont maintenant des géographes, historiens, astronomes, naturalistes, étudiants et soldats qui prennent part à d’importantes missions d’exploration géographique. Étudier les us et coutumes des populations rencontrées, leur environnement, leurs techniques de chasse, de cueillette et d’élevage font partie des objectifs de ces missions, au même titre que la cartographie des lieux traversés. Ajoutées à ces missions, quelques expéditions réalisées sur des initiatives privées apportent-elles aussi des pierres non négligeables à l’édifice des connaissances sur les populations qui nous intéressent ici : subdivision des Toungouses en sous-groupes classés selon leur type d’économie, données sur la littérature orale de certains groupes, première description d’un rituel chamanique, interdits dans les relations d’alliance. Cette importante somme de connaissances se rapporte essentiellement aux groupes toungouses de Transbaïkalie. Elle se rapporte également, sous forme de renseignements, aux Évenks du Iénisseï et, par quelques données éparses, à ceux de Iakoutie et des bords de la mer d’Okhotsk.

Il existe une nette continuité, dans la volonté de découvrir et de préciser la cartographie d’un territoire toujours en expansion, entre le XIXe et le siècle précédent. Cependant, le XIXesiècle est marqué3 d’une part, par la découverte de nombreux gisements miniers sur les territoires sibériens (en particulier sur les terres habitées par les Toungouses) et par l’exploitation commerciale des minerais mis au jour, ainsi que par l’intérêt politique porté à la région de l’Amour et à la frontière russo-chinoise d’autre part. Par ailleurs, les recherches,

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Ces faits historiques, politiques et économiques ne sont retenus ici que par l’intérêt qu’ils présentent au regard de l’histoire des recherches sur les peuples qui nous intéressent directement.

essentiellement en linguistique, concernant les peuples toungouses, se développent également à l’extérieur des frontières de l’Empire russe. Les missions se multiplient, commanditées et financées par l’Etat suivant les intérêts susmentionnés, ou d’initiatives d’ordre privé. Elles sont menées par une compagnie de commerce russo-américaine, par des voyageurs ou de plus en plus par des spécialistes en linguistique ou en ce qui ne tardera plus à donner naissance à l’ethnographie. Certaines d’entre elles permettent de découvrir de nouveaux groupes évenks, d’autres, comme celle du linguiste finnois M.A. Castren, permettent d’établir un lien entre les langues turques, finno-ougriennes et celles des Samoyèdes.

Le développement des enquêtes de terrain, l’accumulation de matériaux ethnographiques, de livres et d’articles dans les journaux locaux ont contribué à l’organisation d’une équipe de recherche spécialisée : la Société de Géographie de Russie devient l’organisme centralisateur des données de terrain. En 1851, en liaison avec l’effervescence des recherches ethnographiques de l’époque, fut créée la Section Sibérienne de la Société de Géographie de Russie ainsi qu’une section Sibérie Orientale, qui doivent baser leurs recherches sur les enquêtes de terrain. Parmi les nombreuses expéditions menées à cette époque, les publications issues deux enquêtes ethnographiques font autorité jusqu'à aujourd’hui. Il s’agit, d’une part, d’une ethnographie des peuples toungouses de l’ouest de l’Amour, publiée en plusieurs volumes par L. Schrenk. R. Maak, instituteur dans la ville d’Irkoutsk publie, d’autre part, trois tomes consacrés aux Iakoutes et aux Évenks du bassin de la Viljuj. Il y démontre, entre autres, que la majorité de cette population4est issue d’un groupe évenk venu de la rivière Angara. Les matériaux collectés au XIXesiècle sont assez complets pour avoir une vision globale du mode de vie des Évenks et pour donner lieu à la publication à Saint-Pétersbourg d’une synthèse des travaux réalisés sur les Évenks. Cependant, plusieurs groupes, notamment les Oro on restent encore totalement ignorés. Certains aspects, pourtant essentiels, de la culture des groupes connus n’ont pas encore fait l’objet d’observations précises ni de recherches particulières. Il en est notamment ainsi de l’étude de leur organisation sociale, des représentations symboliques, des pratiques rituelles, et des relations avec les peuples voisins notamment. De plus, les chercheurs ont tendance à généraliser les spécificités d’un seul groupe évenk à tous les autres, ce qui engendrera par la suite, dans les études toungouses, un certain nombre de confusions et d’erreurs.

C’est à la fin du XIXe siècle - début du XXeque des expéditions motivées par la collecte d’objets sont organisées, ceci en relation avec l’ouverture de plusieurs musées

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ethnographiques en Russie et l’intérêt croissant porté à la Sibérie en dehors des frontières russes. Au tout début du XXe siècle, plusieurs institutions de recherches ethnologiques existent déjà, et des cours d’anthropologie sont dispensés dans les universités. Ce même début du XXe siècle voit la publication d’une source majeure de données pour les études toungouses : il s’agit de la mise en forme par S. Patkanov de certaines des informations contenues dans le recensement des populations sibériennes de 1897. Concernant les Toungouses, il fait le point sur leurs noms de clans, il indique leurs positions sur la carte et montre la parenté qui allie les différents sous-groupes d’un même clan, - sous-groupes qui nomadisaient très loin les uns des autres. Avant les années 1920, on dispose d’une certaine quantité de matériaux ethnographiques sur plusieurs groupes évenks. La plupart de ces matériaux décrivent des traits culturels généraux facilement observables. D’autres cependant, précisent les particularités linguistiques et ethnographiques de certains groupes. On distinguait donc déjà les groupes et sous-groupes suivants5:

Les Évenks du Iénisseï : - sous-groupe de la Toungouska Inférieure, et des territoires du nord ; - sous-groupe de la Sym ; - sous-groupe de Viljuj-Erboga ensk.

Les Évenks de l’Est : - sous-groupe de l’Aldan ; - sous-groupe de Nel’kan-Maj ; - sous-groupe du Sud-Baïkal (Évenks éleveurs de bétail) ; - sous-groupe du Nord-Baïkal (chasseurs à pied) ; - sous-groupe du cours inférieur de l’Olëkma et de Vitim-Bauntovkij (éleveurs de rennes et chasseurs).

Parallèlement, certaines problématiques nouvelles émergent articulées autour de questions posées sur le chamanisme, sur les textes de chants évenks, sur les significations des décorations traditionnelles, sur les systèmes d’orientation, sur les calendriers de 13 mois, sur la position des femmes, l’éducation des enfants et les techniques de subsistance.

Cependant à cette époque, les expéditions n’ont pas encore pénétré dans les profondeurs des territoires évenks. Il n’y a aucun renseignement sur les groupes des sources de la Toungouska Pierreuse ni sur ceux des sources de la Toungouska Inférieure. Extrêmement rares sont les données ethnographiques sur les Évenks du cours supérieur de la Léna et du Nord-Baïkal, sur ceux des contreforts des Monts Stanovoï et des affluents de l’Amour, du Zej. On ne sait presque rien sur les Évenks du nord Arctique, évoluant le long des fleuves Anabar et Uda, ni sur ceux de l’île Sakhaline.

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Pour plus de précisions quant aux localisations régionales exactes de ces sous-groupes, le lecteur est invité à se reporter à l’annexe.

Outre les noms des chercheurs cités ci-dessus, voici une liste non exhaustive, ordonnée par siècles, des auteurs dont les travaux constituent encore à l’heure actuelle une référence dans le domaine des recherches toungouses et évenkes :

- Fin XVIIeet XVIIIe: Ysbrand Idès ; Brand ; Witsen ; Messerschmidt ; Strahlenberg ; Lindenau ; Pallas ; Georgi ; Gmelin.

- XIXe: Spasskij ; Klaproth ; Middendorf ; Raade ; Lopatin ; Krapotkin ; Majnov ; et Martin pour ses collections muséales.

- XXe(pré-soviétique) : Czaplicka ; Shirokogoroff .

1.1.1.2 La période soviétique

Certains auteurs, qui avaient commencé leurs recherches sous l’Empire, ont pu continuer leurs investigations sous le régime soviétique. D’autres ont dû fuir à l’étranger comme Shirokogoroff. Mais, sous ce régime également, une nouvelle génération de chercheurs très actifs commence ses travaux. Pour des raisons d’idéologie politique, ils ont dû, pour la plupart, orienter leurs recherches d’une manière particulière.

Un courant de recherche qui a perduré jusque dans les années 80-90 du XXe siècle, consistait à vouloir trouver l’origine non seulement des peuples (l’ethnogenèse), des systèmes religieux, mais aussi des formes d’économie afin de trouver la place de la société étudiée dans l’échelle d’évolution marxiste. Si tous les ouvrages ethnographiques ne sont pas entièrement empreints de théorie marxiste-léniniste, ils contiennent tous une introduction et une conclusion permettant de justifier leurs travaux vis-à-vis des normes idéologiques marxistes. De même, dans certains domaines de recherches, comme l’étude de la parenté, par exemple, où les données purement ethnographiques présentées, sont déformées par la théorie évolutionniste. Dans ces conditions, il est parfois difficile, dans certains domaines de trouver une information objective. Cependant, il est toujours possible de faire le tri dans les informations offertes et ceci n’enlève rien au travail considérable des chercheurs soviétiques.

Contrairement à ce que certains ont écrit, comme Ronald Hutton (2001) de l’impossibilité d’exploitation des sources russes anciennes tant elles sont empreintes de christianisme et d’erreurs sur les peuples, entre autres, d’autres encore affirment l’impossibilité d’utiliser certaines sources soviétiques tant elles sont imprégnées de théorie marxiste. Mais ce sont des difficultés que l’on peut dépasser, en connaissant l’histoire idéologique des diverses époques. En ce qui me concerne, je suis convaincue que ma connaissance du monde russe et mon expérience de terrain m’ont permis de faire la part des choses dans les sources, entre interprétation ou déformation de certaines données, quelle que

soit l’époque, et l’information brute. Il me semble également qu’il serait faux de considérer que les travaux occidentaux sont totalement dépourvus d’une idéologie politique ou scientifique.

M.G. Turov (1990 : 17-22) présente les ethnologues spécialistes des Toungouses pendant la période soviétique, qu’il divise en deux grandes époques.

La première se déroule dans les années 1920 à 1960. À la naissance de l’école d’ethnologie soviétique, les axes d’investigation privilégiés étaient l’étude des formes traditionnelles d’économie, de la culture matérielle et de leur système d’orientation géographique. Ces axes de recherche se ressentent très bien dans le travail de BOGORAZ-TAN, dont la conception de l’anthropologie a su influencer ses successeurs. Il accentua sa recherche sur l’étude de l’occupation et de la gestion des zones de forêt par les populations locales, et c’est lui qui posa le premier la question de l’origine de l’élevage du renne (Bogoraz-Tan 1928 : 65-66). D’autres chercheurs ont continué leurs investigations sur cette question, mais en envisageant en même temps, les perspectives de développement de la renniculture par l’administration soviétique (A.N. MAKSIMOV, 1928 ; M.PLOTNIKOV, 1924).

Dans les années 1920-1930, époque où le pouvoir soviétique commence réellement à s’imposer dans ces régions éloignées de Sibérie, les études sur les peuples de Sibérie connaissent un fort développement. Pour ce faire, de nouvelles thématiques apparaissent, ainsi que de nouvelles méthodes d’investigation. Deux courants de recherches se dessinent alors. L’un, qui pourrait être apparenté à de l’anthropologie appliquée, consiste à étudier les conséquences de la soviétisation sur les peuples de Sibérie. Paraissent alors une série de travaux à caractère monographique, qui outre des données objectives et intéressantes sur l’organisation économique des populations, contiennent des analyses sur le développement économique potentiel de ces dernières (M.P. SOKOLOV 1925 ; I.P. KOPYLOV 1928 ;

V. XARUZINA 1928 ; N. M. KOVJAZIN 1936). Parmi les articles les plus marquants de cette

période, qui traitent des techniques de chasse, de pêche et de renniculture, il y a ceux de I. M. Suslov (1927, 1930), de B.E. PETRI (1930) et de P.G. POLTORADNEV (1932) qui décrivent en détail tous les aspects de la chasse, de la pêche, de la renniculture, de l’occupation et de la gestion des territoires de taïga. Ces auteurs ont travaillé selon les méthodes antérieures à la période soviétique et se sont tous basés sur de longues expériences d’observation de terrain. L’autre courant de recherche de cette période est influencé, d’une part, par les théories évolutionnistes marxistes, et d’autre part, par le développement des sciences exactes, comme la génétique par exemple. Ce courant conduit les chercheurs à vouloir comprendre les différentes étapes de formation des peuples de Sibérie. Ils étudient la littérature orale, les

langues, l’organisation sociale, les systèmes religieux et l’anthropologie physique pour comprendre l’origine des peuples et l’histoire de leur formation.

En ce qui concerne les études toungouses, les travaux les plus importants sont ceux de G.M. VASILEVIU, A.F. ANISIMOV, M.G. LEVIN (Vasilevi , Levin 1951 ) et N.N. STEPANOV. Ils publient des matériaux montrant ce qu’ils estimaient être les plus anciennes strates des structures économiques et sociales (A.F. Anisimov 1936 ; G.M. Vasilevi 1936). Seule une infime partie de ces travaux analyse les systèmes de production et d’exploitation de l’environnement (M.G. Levin 1936 ; N. N. Stepanov 1939).

La deuxième période, toujours selon Turov (1990), va des années 1940 à 1990 et correspond à un nouveau courant de recherche. Pendant cette période, il y aurait eu un intérêt en rapport avec l’histoire de l’URSS pour les problèmes de conscience nationale ou identitaire des peuples autochtones. Cette situation conduit les chercheurs à se pencher plus profondément sur l’origine des peuples de Sibérie, cherchant, cette fois, à trouver les éléments qui permettraient de rassembler ou de distinguer les peuples entre eux. Une partie de ces analyses fut publiée dans différents ouvrages d’ordre comparatif et compilatoire (Narody Sibiri, 1956 ; Dolgix, 1960 ; Istoriko-ètnografi eskij atlas Sibiri, 1961).

Si aujourd’hui cette thématique est relativement passée de mode dans l’ethnologie russe, il ne reste pas moins que selon la tradition académique, tout travail universitaire de troisième cycle et au-delà doit comporter obligatoirement un chapitre présentant les différentes théories sur l’origine du peuple concerné. Cette tradition scientifique soviétique et le terme qui le désigne « ethnogenèse », se sont transmis en héritage, si l’on peut dire, aux intellectuels autochtones de Sibérie (iakoutes, évenks, voire même mongols), qui semble-t-il, se sentent obligés pour exister aux yeux des occidentaux de justifier une origine qu’ils considèrent comme « glorieuse ». Par exemple, les Évenks et les Évènes aiment s’apparenter aux Sien Pei, les Iakoutes aux Saka ou aux Scythes, etc. Ainsi, naissent aujourd’hui, sous couvert de science, des théories des plus extravagantes sur l’origine des peuples. C’est ainsi qu’un courant de recherche ethnologique peut rentrer dans la tradition d’un peuple.

Le courant théorique ci-dessus évoqué conduit à l’organisation de plusieurs expéditions afin de récolter tout type de données qui pourraient éclairer les problématiques en vogue. G.M. Vasilevi effectue des missions en 1949, 1961, 1962, 1964, 1966, 1969, G. M. Vasilevi & M.G. Levin en 1951, A.P. OKLADNIKOV en 1950, 1968, N.N. Stepanov en 1961, V.A. TUGOLUKOV en 1962, 1969, 1970). À la fin des années 1960, on dispose donc d’un matériel relativement suffisant concernant les formes d’économie traditionnelle et les modes

d’exploitation de l’environnement par les différents groupes évenks, ne serait-ce que pour une compréhension globale de l’organisation économique évenke.

Dans les années 1970-1980, l’accumulation des données et leur analyse concernant les modes de production des Évenks, l’intérêt des archéologues et des historiens pour l’étude des sociétés dites « primitives », donnent lieu à bon nombre d’interprétations en termes évolutionnistes. En effet, les historiens évolutionnistes voyaient en ces peuples, de parfaits exemples de société matriarcale ou encore qui pouvaient illustrer d’autres stades d’évolution socio-économique. Certains de ces travaux ont présenté l’hypothèse selon laquelle les facteurs environnementaux conditionnent le passage de ces sociétés d’un stade à l’autre (G.M. Vasilevi 1972c, entre autres)

Les historiens se penchèrent davantage sur les sociétés « primitives » et leur forme d’économie, mettant ainsi l’accent sur l’importance de mener des études « d’ethnoécologie » de ces sociétés. Les plus pertinentes de ces études sont sans doute celles de Tugolukov (1962, 1969, 1970b, 1974), et de V.V. KARLOV (1982). Ce dernier est particulièrement intéressant, juge Turov (1990), dans son chapitre sur les formes d’économie, où il présente les caractéristiques des différentes chasses (à viande et à fourrure), de la pêche, de la chasse et du transport par renne. Mais malheureusement, sur certains aspects, il se borne à faire état des changements apparus depuis l’entrée des Évenks dans les relations commerciales avec les Russes de l’Empire tsariste. Turov considère donc, en 1990, que les travaux d’ethnoécologie sur les Évenks sont insuffisants en particulier en ce qui concerne les méthodes et la logique d’appropriation et d’exploitation des territoires de forêt. M.G. TUROV a donc consacré sa vie à étudier ces aspects, principalement chez les groupes évenks de la région d’Irkoutsk. Seul un article de 1978 est consacré aux représentations religieuses.

En ce qui concerne l’élevage du renne, l’étude de ses variantes chez les peuples de Sibérie et les hypothèses sur son origine, ce sont, outre les travaux de Bogoraz-Tan, ceux de S.I. VAJNSTEJN (1960, 1971), et de LEVIN (1936, 1958), qui marquent le plus la recherche de l’époque. Les hypothèses sur l’origine de l’élevage du renne s’affrontent. Certaines d’entre elles sont diffusionnistes et estiment que les ancêtres des Toungouses, furent les premiers à domestiquer le renne et que grâce à cette domestication, ils purent se disperser au cours des siècles dans toute la Sibérie, en Mandchourie et en Mongolie.

Quant à l’étude des représentations symboliques et des pratiques rituelles chez les Évenks, A.F. Anisimov (1958) précise que les auteurs qui l’ont précédé se bornaient trop à présenter les données ethnographiques et certaines descriptions de rituels chamaniques, sans vraiment tenter d’organiser les données ou de les analyser pour faire apparaître les éléments

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