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Signification des tiers

Dans le document La preuve en droit fiscal (Page 188-193)

PREMIERE PARTIE : RECHERCHE DU PARTICULARISME DE LA PREUVE EN DROIT FISCAL

Paragraphe 1 : Le rapport existant entre les tiers et l’administration de la preuve en droit fiscal

A- Signification des tiers

Il s’agit ici non pas de donner une définition détaillée à une notion très vaste et qui a certainement à elle seule fait l’objet de recherches approfondies, mais plutôt de limiter le champ d’action de ces tiers dans le contentieux fiscal et dans la preuve plus particulièrement.

Selon le dictionnaire juridique500, un tiers est constitué de toute personne étrangère à une situation juridique. En matière contractuelle, le tiers est toute personne n’ayant pas été ni partie ni représentée par un contrat (art 75-87-113 du CC)501. Mais dans le domaine strictement

498/ A. BENABENT, Droit civil -les obligations-, 12e . éd., Montchrestien, 2010, p. 190.

499/ M. COTTINI, La communauté d’intérêts en droit fiscal français, thèse Aix-Marseille, 1998, p. 23. 500 /G.CORNU, Vocabulaire juridique , op. cit, p.1024.

501/ Le domaine d’application des tiers s’étend même à la responsabilité délictuelle et contractuelle (art 127-134 du CC). L’article 911 du CC qui dit : « est réputé tiers détenteur toute personne qui, sans être tenue personnellement de

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juridictionnel cette notion est employée pour la tierce opposition, un procédé souvent utilisé devant les tribunaux civils et administratifs. Il indique la voie de recours exercée par un tiers qui a été lésé par un jugement auquel il est étranger, en d’autres termes ce recours est ouvert à toute personne qui ne fait pas partie de l’instance mais qui en subit les conséquences502.

Ce ministère volontaire ou non a une incidence certaine car la décision de justice a une portée très large au-delà même des parties de l’instance503.L’intervention d’un tiers est nécessaire pour le rétablissement des droits504. Elle tend également à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui introduit l’opposition505.

L’autonomie de la procédure juridictionnelle administrative ne saurait interdire l’influence de la procédure civile, dés lors le tiers apparait dans le contentieux fiscal comme un étranger au débat initial, il n’est ni l’Administration fiscale ni le contribuable. Quel est alors le réel but de son intervention ? Et comment peut-il agir sur l’administration de la preuve ?

La réponse à la question de son intrusion dans le procès fiscal parait encore très floue. Devant pareil scénario, on pourrait imaginer une femme divorcée animée par la vengeance d’intervenir lors du débat pour dénoncer les biens financiers de son ex-mari afin que ce denier soit imposé d’avantage : ici encore la question de la subjectivité de l’acte et la raison principale de ce dernier posent un vrai problème juridique.

L’action des tiers intervient aussi lors du calcul de l’imposition ; le contribuable soumis à l’impôt est en constante relation avec les « autres » et l’Administration fiscale a recours à ces tiers pour pouvoir correctement calculer et imposer l’assujetti.

On peut également justifier la présence du tiers au débat par des causes beaucoup plus objectives, en effet le juge administratif manque de connaissances fiscales alors qu’il est amené à statuer

la dette garantie, acquiert par un mode quelconque, la propriété de l’immeuble hypothéqué ou un autre droit réel susceptible d’hypothèque ».

502/J-L. AUBERT et E. SAVAUX, Introduction au droit, op. cit, p. 136.

503/ Ce concept est aussi connu en droit commercial (les effets du commerce). Exemple : les associés d’une société commerciale fondent des relations avec l’extérieur, la notion de tiers prend tout son essor, les articles 545, 555 et 563 bis 7 en témoignent.

Dans ce sens, le législateur tunisien considère le contrôle de la comptabilité est une mission d’intérêt général et qui dépasse le profil de la société et des associés.

،يلفرولا دمحأ ءزجلا،ةيابجلا نوناق يف تاسارد يناثلا سنوت، صتخملا باتكلا عيزوتل شرطلأا عمجم تاروشنم، 2007 ص، 156.

504/R. BERNARD-MENORET, Fiches de procédures civiles, 3e .éd., Ellipses, 2014, p. 245. 505/G. COUCHEZ et X LAGARDE, Procédure civile, 16emeédition, Sirey, 2011, p. 497.

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dans le contentieux qui oppose l’Administration fiscale au contribuable. Cette carence technique est vite rattrapée par la désignation d’un expert (art 86 d CPF)506.

En outre, l’un des moyens de preuve admis par le droit civil est la preuve testimoniale. Son adoption par le droit fiscal s’inscrit parfaitement dans la notion de tiers puisque le témoignage passe d’abord par l’attestation d’autrui d’un fait juridique ; à cet effet on pourrait prendre le cas du comptable ayant retardé le délai de dépôt de déclaration, une action qui peut engendrer la taxation d’office du contribuable.

Les tiers peuvent également intervenir dans la production de la preuve par les héritiers du contribuable : si ce denier venait à décéder son imposition devrait quand même être versée, cette hypothèse est admise par l’article 107 du CPF.

Enfin, la question des tiers intervient lorsque l’Administration fiscale, lors de l’exercice de son droit de visite, saisit des documents considérés initialement comme moyens de preuve de l’imposition du contribuable mais qui s’avèrent par la suite des pièces relatives à un autre contribuable. La question de leur usage pose, sur le plan juridique, la difficulté de l’initiative d’un contrôle sur la base d’un autre.

1- La justification juridico-fiscale de la notion de tiers

La présence massive de la conception de tiers dans la preuve fiscale se conforte par la présence de plusieurs articles venant appuyer et soutenir cette preuve qui s’étend au-delà des parties du contentieux, c’est pourquoi nous citons :

a- L’article 33 du CPF qui étend le droit d’enquête au tiers travaillant pour leur compte. Il élargit non seulement le champ d’application de ce droit au lieu de travail et de domicile du redevable de la TVA, mais il l’étend également au tiers travaillant dans les lieux où sont fabriquées, transformées et stockées les marchandises. Cet article a non seulement accordé des prérogatives « extrêmes » au fisc, il a aussi impliqué les tiers qui n’ont visiblement rien à voir avec

/506 يناسلأا هده نإ لب ،هيعدي ام تابثلإ يحاتتفلاا لاقملا ةبحص هديناسأب مزلملا ءلادإ مزلي لا " اهيلع يتلا ةمكحملا ىلإ لا ريبخلا ىلإ مدقت تدجو نإ د لايلبأ نامحرلا دبع، "ةربخلاريدقت لاجملا يف ةيلمعلاو ةينوناقلا تلااكشلإا :عوضوم لوح ةينطولا ةودنلا،"ةيئابجلا ةداملا يف ةربخلا تايصوصخ"، ،يبيرضلا ددع،ىلعلأا سلجملا رتافد 16 ، 2011 ، ص . 112

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l’imposition si ce n’est que de se retrouver dans le même lieu que la marchandise soumise à la TVA.

Ceci révèle un recours inconditionné à la preuve et entraîne l’hypothèse que ces tiers sont involontairement mêlés à l’administration de la preuve , et exclut donc toute condition subjective préalable dans le choix des tiers.

b- La taxation d’office, citée à l’article 44 du CPF, implique également les tiers dans l’administration de la preuve car cette délicate procédure s’applique si le contrôle ne peut s’exercer du fait des tiers. Ces derniers sont donc (de ce point de vue) responsables de l’incapacité du fisc à exercer son droit.

Le contribuable est donc sanctionné par la faute d’autrui : ceci nous rappelle incontestablement une notion purement civile qui n’est autre que la responsabilité sur le fait d’autrui (art 134 du CC).

c- L’article 53 quant à lui reconnait au tiers la possibilité de souscrire la déclaration du contribuable, ce qui revient à dire que non seulement le contribuable n’est pas obligé de la souscrire lui-même mais qu’il engage sa responsabilité lors de l’établissement de celle-ci. En réalité la question qui nous intéresse est de savoir si le législateur fiscal a limité la liste des personnes qui pouvaient intervenir dans la déclaration du contribuable.

La lecture des articles fiscaux n’indique aucune restriction concernant les tiers intervenant dans la déclaration mais de manière générale c’est le redevable qui est chargé de l’accomplissement de cette opération (art 18 -99-136 du CIDTA). Le législateur doit associer les deux qualités de contribuable et de déclarant. Seulement quelques exceptions gagnent à être soulevées :

Tout d’abord l’article 27 du CPF indique que si la déclaration d’enlèvement n’est pas faite par l’expéditeur, elle doit quand même être confirmée par lui. De même que l’article 75-5 du CIDTA permet aux héritiers dans le cas où l’employeur décède de compléter la déclaration des traitements et salaires507.

L’article 372 implique explicitement les personnes mandatées (art 38 quater C), ou les représentants du contribuable lors du recouvrement ; dans ce cas il serait alors possible d’admettre une procuration pour déclarer.

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D’un autre côté le droit fiscal reconnait au contribuable le droit de se faire assister par un conseiller de son choix (art 20 du CPF), à cet effet l’article 320 du CIDTA admet également la possibilité de recourir à un conseiller pour répondre à la proposition de rehaussement. On pourrait donc consentir à l’usage de la procuration dans le domaine fiscal (art 571 du CC).

d- Le cas fortuit, connu en droit civil, est une notion qui peut susciter l’intervention d’un tiers. Il est d’ailleurs reconnu à l’article 127 du CC que la responsabilité des tiers doit être prouvée pour éviter le dédommagement. Sur le plan pratique, l’application de cette notion en droit fiscal, est très probable car le contribuable peut, lors de l’administration de la preuve , mêler son comptable ou toute autre personne susceptible d’avoir participé au retard de déclaration, un retard qui risque de le pénaliser (art 163-1 du CIDTA).

2 - La consécration des tiers dans la preuve fiscale

Les quelques exemples que nous avons développés précédemment ne sont donnés qu’à titre indicatif et ne sauraient en rien être exhaustifs ; ils sont tout de même démonstratifs de la contribution des tiers au contentieux fiscal, et par conséquent à la preuve. Mais les articles 58 et 59 du CPF concrétisent cet apport sous le titre IV « le droit de communication » ; ce dernier approuve un passage obligatoire par les tiers pour la production de la preuve des droits d’enregistrement508.

L’article 59 autorise le fisc à étendre ses prérogatives à des personnes formant autour du contribuable un cercle de collaboration, tel que les banques ainsi que tout fonctionnaire public chargé de la rédaction des actes. Dans un même raisonnement, l’article 58 du CPF fait intervenir des intermédiaires agissant lors d’une opération d’achat ou de vente. Ceci implique que pour la perception des droits, le fisc étend une relation connue préalablement pour sa dualité (Administration-contribuable) à une personne étrangère (art 351 du CC).

508/ L’article 59 du CPF dit : « Les pouvoirs appartenant aux agents de l'enregistrement, par application de la législation en vigueur, à l'égard des sociétés par actions, peuvent être exercés à l'égard de toutes personnes physiques ou morales dont la profession consiste dans le commerce de banque ou se rattache à ce commerce, en vue du contrôle du paiement des impôts dû tant par ces derniers que par des tiers. Il en est de même à l'égard de toutes les sociétés algériennes ou étrangères, de quelque nature qu'elles soient, et de tous fonctionnaires publics chargés de la rédaction ou de la signification des actes».

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Et bien que ce dispositif reste pour l’instant limité au droit d’enregistrement, il n’en demeure pas moins que la reconnaissance législative des tiers est évidente. Ceci se justifie certainement par l’évolution et la multiplication des échanges économiques ; le contribuable ne peut s’isoler dans un milieu où la règle juridique prédomine, et où la transaction doit laisser une trace, essentielle à la preuve.

B- Le droit de communication, un droit qui collabore à la participation des tiers dans

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