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1. Le foie, un organe aux propriétés uniques

1.5. Signalisation cellulaire

Le modèle chirurgical d’hépatectomie des deux-tiers a beaucoup contribué à l’élucidation des voies de signalisation cellulaires régulant les différentes étapes de la régénération hépatique (Pour revue : (Taub, 2004; Michalopoulos, 2007; Böhm et al., 2010; Mao et al., 2014; Michalopoulos, 2017)). Il y a deux grands types de signaux principalement impliqués dans la régénération, les cytokines et les facteurs de croissance. Tout d’abord, les cytokines, telles que l’interleukine 6 et le TNFα, induisent les voies de signalisation qui sont plutôt impliquées dans la phase d’initiation de la régénération. Ensuite, les facteurs de croissance, tels que HGF (« Hepatocyte Growth Factor »), EGF et TGFα, stimulent des voies de signalisation qui sont impliquées dans la phase proliférative de la régénération, aussi induites par la signalisation cytokinique (Figure 34). En effet, il existe de nombreuses interactions entre ces deux voies. La phase de terminaison est quant à elle principalement contrôlée par le TGFβ et l’activine afin de bloquer la prolifération hépatocytaire.

79 Figure 34 : Voies de signalisation régulant la prolifération des hépatocytes durant la régénération hépatique. Après hépatectomie partielle ou des lésions hépatiques, des signaux tels que le LPS vont induire la production d’IL6 et de TNFα par les cellules de Kupffer permettant l’initiation de la régénération. Les cellules étoilées et différents organes sécrètent des facteurs de croissance tels que l’HGF et l’EGF, impliqués en coopération avec les cytokines, dans la sortie de quiescence et la progression des hépatocytes dans le cycle cellulaire. Cela permet la prolifération des hépatocytes afin de régénérer le foie. Ensuite, quand la régénération est terminée, la prolifération des hépatocytes est bloquée par le TGFβ et permet le retour en quiescence des hépatocytes (Taub, 2004)

Les cytokines et les facteurs de croissance vont induire de nombreuses cascades de signalisation intracellulaire permettant aux hépatocytes de proliférer après hépatectomie partielle. Parmi elles, les voies de signalisation PI3K/AKT/mTOR et Wnt/β-caténine seront détaillées dans les paragraphes suivants car elles sont reliées aux fonctions de la Reptine. D’autres voies sont également impliquées dans la prolifération des hépatocytes et seront décrites brièvement ici. La voie Hippo/YAP est un important régulateur de la taille normale du foie. En effet, YAP est un facteur de transcription activant de multiples voies reliées à la prolifération et la taille cellulaire (Yimlamai et al., 2014; Zhao et al., 2011). YAP est augmenté dans le noyau des hépatocytes après hépatectomie partielle et dans le CHC chez l’homme (Dong et al., 2011; Zhou et al., 2009). L’activation de cette voie n’est pas encore totalement définie mais elle serait induite par les facteurs croissance et des mécanosenseurs (Michalopoulos, 2007; Song et al., 2017). La voie NFκB est activée très rapidement par le TNFα dans les cellules de Kupffer, après hépatectomie partielle (Akerman et al., 1992; Trautwein et al., 1996). Cette voie permet d’amplifier la production d’IL6 par les cellules de Kupffer et sa signalisation sur les hépatocytes afin de stimuler leur prolifération (Cressman et al., 1994; Yang et al., 2005). Cependant, l’activation de NFκB par le TNFα est également

80 importante dans les hépatocytes pour stimuler la survie cellulaire suite à des lésions hépatiques (Plümpe et al., 2000; Geisler et al., 2007). Par ailleurs, les acides biliaires, augmentés après hépatectomie partielle, stimulent la prolifération des hépatocytes en activant leur récepteur nucléaire FXR (« farnesoid X receptor »), qui induit l’expression de FoxM1b (Huang et al., 2006). Ils régulent aussi la taille normale du foie en régulant l’expression de FGF15/19, qui active la voie Hippo/YAP et inhibent la synthèse d’acides biliaires (Naugler, 2014; Naugler et al., 2015; Gilgenkrantz and Tordjmann, 2015). Enfin, les microARNs, tel que miR21, sont également impliqués dans la régulation de la synthèse d’ADN des hépatocytes en augmentant l’expression de la cycline D1 et la progression dans le cycle cellulaire (Michalopoulos, 2017).

1.5.1. Voie de signalisation PI3K/AKT/mTOR et métabolisme

La voie PI3K/AKT/mTOR et le métabolisme sont largement impliqués dans la régénération hépatique.

L’insuline est requise aux effets mitogéniques de HGF et EGF sur les hépatocytes (Block et al., 1996). Par ailleurs, l’IL6 et l’HGF peuvent stimuler la survie cellulaire en activant la voie de signalisation PI3K/AKT/mTOR (Heinrich et al., 2003; Okano et al., 2003). L’implication du métabolisme et de la synthèse protéique dans la régénération hépatique a été mise en évidence après hépatectomie partielle via les effecteurs en aval de mTOR : S6K et 4EBP1, régulés durant la régénération. En effet, l’invalidation de S6K induit un retard de génération et un défaut d’entrée en phase S des hépatocytes après hépatectomie (Espeillac et al., 2011). Les auteurs ont montré que S6K contrôle le niveau d’ARNm de cycline D1, et que la surexpression de la cycline D1 est suffisante pour restaurer la prolifération des hépatocytes dans le foie après invalidation de S6K. L’invalidation de S6, cible de S6K, entraîne également un défaut d’entrée en phase S, dû à la diminution d’expression des cyclines A et E (Volarevic et al., 2000). De plus, il a été montré que la rapamycine, inhibiteur pharmacologique de mTOR, bloque la régénération hépatique en inhibant l’expression de HGF et l’activation de cycline D1, en altérant la réplication des hépatocytes et en augmentant l’autophagie (Nelsen et al., 2003; Goggin et al., 2004; Fouraschen et al., 2013). Récemment, il a été montré, dans le modèle d’hépatectomie à 90% avec échec de la régénération, que la signalisation mTOR est inhibée et associée à une inhibition de la prolifération et à une augmentation de la phosphorylation de l’AMPK, contrairement au modèle d’hépatectomie à 85% dans lequel mTOR, S6K et 4EBP1 sont activés et permettent une régénération hépatique normale. Cependant, l'’administration de glucose permet d’améliorer le taux de survie après

81 hépatectomie à 90% (Zhang et al., 2015), suggérant un rôle important du métabolisme et de la signalisation mTOR dans la croissance et la progression du cycle cours de la régénération hépatique. Enfin, il y a une accumulation de triglycérides dans les hépatocytes deux à trois jours après hépatectomie partielle, au moment du pic de prolifération (Michalopoulos, 2013). Il a été proposé que cette stéatose hépatique stimule la prolifération des hépatocytes, cependant le mécanisme reste à déterminer (Rudnick and Davidson, 2012).

1.5.2. Voie de signalisation Wnt/β-caténine

La voie de signalisation Wnt/β-caténine a également été impliquée dans l’induction de la prolifération des hépatocytes durant la régénération. La stabilisation et la translocation nucléaire de la β-caténine apparait dans les 15 à 30 minutes après hépatectomie partielle (Monga et al., 2001). Son activation apparait durant la progression de la phase G1/S du cycle cellulaire, permet l’extension zonale de son activité et la prolifération pan-lobulaire (Torre et al., 2011). La déplétion de la β-caténine par différentes approches d’ARN interférence diminue la réponse générative après hépatectomie partielle, en particulier la prolifération des hépatocytes et le ratio poids du foie sur poids total (Sodhi et al., 2005). De plus, une étude a confirmé le rôle important de la β-caténine dans la régénération hépatique dans des souris invalidées pour la β-caténine dans le foie. Ces souris présentent un défaut de prolifération des hépatocytes associé à une diminution de l’expression des cyclines A, D et E et d’un retard de régénération après hépatectomie partielle (Tan et al., 2006). Cependant, il n’y a pas de corrélation entre l’activation de la signalisation β-caténine et la prolifération hépatocytaire (Sekine et al., 2007), suggérant un mécanisme indirect de la régulation de la prolifération par la β-caténine. En effet, il a été montré que la β-caténine contrôle la prolifération hépatocytaire de manière cellule autonome en régulant la transcription de cycline D1, mais aussi de manière paracrine en régulant l’expression de TGFα (Torre et al., 2011).