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Non seulement le chimisme quantitatif des saccharoses est modifié, les tubercules restant de plus petite taille le plus souvent

Dans le document LA GREFFE (Page 84-91)

chez les greffés, mais aussi l'époque de la mise en réserve peut être avancée ou retardée, ce qui montre bien que, dans ces cas, le greffage modifie l'état biologique des associés et influe sur leurs rythmes spécifiques de végétation.

Inuline. Ce

glucide est des plus remarquables quant à sa

manière de se comporter au niveau du bourrelet. En effet, il peut

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ne pas passer du tout sous sa forme chimique, ou bien passer en partie sous une autre forme, à la suite de processus non encore nettement déterminés.

C'est en 1891 ( t ) que j'ai, le premier, indiqué que l'inuline ne passe pas d'une plante qui en fabrique dans une autre plante qui n'en fabrique pas quand on les greffe l'une sur l'a.utre .

A ce moment, j'avais greffé la Laitue jeune sur des racines de Salsifis à leur deuxième année de développement. Je constatai qu'après une période de reprise, les épibiotes Laitue mouraient sans fleurir, qu'ils ne contenaient aucune trace d'inuline et que celle-ci restait intacte dans la racine de l'hypobiote .

Au contraire, dans les greffes entre plantes fabriquant toutes deux de l'inuline comme les Salsifis et les Scorzonères ou les Pissenlits, cette substance passe normalement de l'un à l'autre des conjoints. J'ai même trouvé, dans des coupes transversales effec-tuées dans les bourrelets de ces Composées-Chicoracées, des cris-taux d'inuline traversant les membranes soudées des deux espèces et même le .faible magma cicatriciel qui sépare provisoirement certaines cellules.

C'était la première fois qu'était observé l'arrêt d'une substance spécifique au niveau du bourrelet, car l'on avait admis jusqu'alors avec Davy (2), en principe, que toute substance soluble passe sans altération d'une plante greffée à l'autre.

Ayant greffé la Laitue jeune sur le Salsifis jeune (racine sur racine), je constatai que la greffe réussissait puisque- la Laitue fleurit et fructifia, bien que péniblement. L'examen microscopique montra que la racine du Salsifis hypobiote ne s'était pas tuber-culisée et ne contenait pas d'inuline . Ainsi sa fonction principale se trouvait supprimée, ce qui était un fait particulièrement inté-ressant.

En 1894 ( 3 ), c'est-à-dire trois ans environ après que j'avais signalé le fait, Vöchting l'observa chez des greffes entre le Soleil (1) Lucien DANIEL, Sur la greffe des parties souterraines des plantes ( C. R.

de l'Acad. des Sciences, 21 septembre 1891) ; Recherches morphologiques et physiologiques sur la greffe ( Revue générale de Botanique, p. 62, 1894), etc.

(2) .pAVY , Eléments de Lhimie appliquée a l'Agriculture, p. 276 et suiv., Paris, 1820.

(3) \'ÖCHTING , Leber die durch Pfropfen herbeigeführte Symbiose des

Helianthus tuberosus und H. annuus (Sitz, Berl. Akad., 21 juli 1894).

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annuel et le Topinambour. Le Soleil annuel ne contient pas d'inu-line , tandis que le Topinambour en possède au contraire. En aucun cas, Vöchting ne constata le passage de l'inuline du Topinambour dans son conjoint, le Soleil. Il traita même de « légendes v la formation de petits tubercules souterrains que Maule, puis Carrière, avaient observés sur l'hypobiote Soleil, chez des greffes entre ces deux espèces.

J'ai, depuis 1894, fait chaque année des greffes et plus tard des

surgreffes de Soleil annuel sur Topinambour et de Topinambour

sur Soleil annuel. Les résultats ont été des plus instructifs.

Considérons d'abord les greffes du Topinambour sur le Soleil annuel, effectuées au moment où les pousses jeunes ont environ l'épaisseur d'un crayon ordinaire. Leur reprise se fait en général facilement, mais les deux associés, chacun de leur côté, présentent au cours de leur développement des variations extraordinaires.

L'épibiote Topinambour prospère bien et ne présente que des

changements morphologiques, très exceptionnels le plus souvent, soit dans le volume de l'appareil végétatif, la disposition, la forme et la couleur des feuilles, ainsi qu'une légère accentuation de la floraison avec une augmentation parfois très nette des dimensions des capitules et des fleurs.

C'est au moment de la floraison que se fait la mise en réserve de l'inuline . Celle-ci, comme je l'ai indiqué le premier (I), se forme exclusivement chez la plante normale dans les parties inco-lores et n'est jamais en contact direct avec la chlorophylle dans les parties vertes ; elle existe pendant quelque temps dans le réceptacle, mais elle émigre vite vers les rhizomes souterrains en descendant le long des tissus incolores, c'est-à-dire par les tissus conducteurs

libéroligneux et la moelle.

Or, du fait du greffage, la partie souterraine du Topinambour, magasin normal de l'inuline , n'existe plus. Ce glucide est incapable

(1) Lucien DANIEL, Recherches anatomiques et physiologiques sur les bractées de l'involucre des Composées ( Ann. des Sciences nat., Botanique, 1890) et Sur la présence de l'inuline dans les capitules d'un certain nombre de Composées ( C. R. de la Société de Biologie, Paris, 1889).

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de passer sous sa forme chimique habituelle dans le Soleil et on ne peut le déceler microchimiquement chez celui-ci à aucun moment.

C'est alors que le Topinambour met en jeu les corrélations qui lui permettent de lutter pour la vie de l'individu et la conservation de l'espèce, toutes deux en danger.

Il forme des tubercules aériens en quantité très variable. Leur forme est également variable : tantôt ils sont dépourvus de feuilles (fig. 3, pl. XV ) ; tantôt ils sont feuillés (fig. i et 2, pl. XV ). Ils apparaissent parfois à la base seulement, près du bourrelet; dans certains cas, on les trouve tout le long de la tige et même au sommet où ils prennent la place des fleurs. Leur couleur est toujours d'un violet brun plus ou moins foncé quand, dans la variété que je cultive et greffe exclusivement depuis 1894, ils sont de couleur blanche.

Des changements de géotropisme peuvent accompagner les tubercules aériens (fig. i , pl. XV ). Certains rameaux perdent leur géotropisme négatif pour devenir positivement géotropiques et atteindre ainsi le sol, si celui-ci est suffisamment rapproché de leur sommet.

Dans certaines greffes, les feuilles et la partie basilaire des rameaux latéraux de l'épibiote Topinambour se renflent plus ou moins fortement et prennent un aspect spécial (fig. 565).

Quelquefois la base de l'épibiote s'entoure d'une sorte de man-chon tuberculeux plus ou moins épais, dans lequel s'accumulent des réserves d'inuline et des sucres. Ces produits peuvent déter-miner une pression exagérée et provoquer des brisures qui se cica-trisent par des lièges à la façon de celles des renflements de la gaine des feuilles chez les épibiotes de Pomme de terre placés sur la Tomate.

Dans des cas fort rares, des racines réparatrices se forment au voisinage même du bourrelet, pénètrent entre les tissus du Soleil

hypobiote en se soudant avec eux, puis sortent dans le sol par les

points de moindre résistance et deviennent tuberculeuses comme celles du Dahlia (fig. i, pl. XVII ). Ainsi Maule et Carrière avaient raison, quoi qu'en ait dit Vöchting .

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La répartition de l'inuline dans les tubercules est particulière ment intéressante à étudier au point de vue spécial du chimisme spécifique du Topinambour témoin et du Topinambour greffé.

Jamais le témoin ne possède d'inuline en contact avec la chloro-phylle dans ses tiges aériennes et il n'y a pas de chlorochloro-phylle dans ses tubercules souterrains.

Or, et j'ai fait maintes fois vérifier les faits à des botanistes qui ont bien voulu les contrôler, l'inuline et la chlorophylle se ren-contrent dans les cellules corticales des tubercules aériens derrière l'écran brun violacé qui s'est formé à la surface de ceux-ci.

Y a-t-il des radiations de la lumière blanche qui empêchent la formation de l'inuline dans les parties vertes et qui, une fois sup-primées par l'écran coloré, lui permettent de se former alors dans cette région? Je l'ignore, comme j'ignore par quel processus s'effectue la synthèse de l'inuline à partir de la photosynthèse.

Mais le changement ainsi provoqué dans le chimisme de l'épibiote est remarquable et aussi démonstratif qu'on peut le désirer.

Pendant que l'épibiote se modifie à sa façon au cours de la symbiose, l'hypobiote Soleil, dépourvu en grande partie de son appareil assimilateur, lutte aussi spécifiquement pour la vie. Ne pouvant plus, une fois greffé, fournir de graines, qui sont son unique moyen de propagation, il cherche à prolonger son existence en devenant ligneux et en développant d'une façon considérable

FIG. 563. Coupe transversale de la tige d'un Soleil autonome.

FIG. 564. Coupe transversale d'un Soleil hypobiote d'un Helianihus lalsfloru3 .

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son racinage souterrain (fig. 3, pl. XVI ). L'on peut se rendre compte des différences de structure qui résultent de cette lutte pour la vie en comparant la tige d'un Soleil témoin (fig. 563) et celle de l'hypobiote venus dans les mêmes conditions de milieu en dehors du greffage (fig. 564).

La coupe de la tige du Soleil autonome (fig. 563) présente une moelle très épaisse entourée par un mince anneau de bois tendre et par une écorce (liber et écorce proprement dite) assez mince.

L'épaisseur totale de la tige était en moyenne de 2

cm.

à 2 cm. 5 et la moelle avait un diamètre de i cm. 5 à 2 cm.

La coupe du Soleil hypobiote du Topinambour (fig. 564) avait un diamètre de 7 cm. à 9 cm. Le bois occupait la plus grande partie de la coupe; la moelle avait à peine un centimètre d'épaisseur et l'écorce était plus étendue. Le bois avait en outre acquis une dureté extraordinaire et, coupé en long, offrait des mailles comme chez les arbres. La transformation ligneuse était frappante; elle existait

565 566

FIG. 565. Epaississement basilaire des rameaux latéraux chez un épidiote Topinambour. — FIG. 566. Tuberculisation d'un Topinambour autonome.

Poids des tubercules : 4 à 6 kilogrammes.

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d'ailleurs, bien qu'à des degrés divers, dans tous les exemplaires greffés.

Une seule explication de ce fait est possible. Le Soleil, nourri par le Topinambour à l'aide des sucres photosynthétiques que celui-ci fabrique, en a utilisé une partie qu'il a polymérisée en cellulose ligneuse et autres éléments du tissu ligneux. Le processus de cette transformation reste à établir.

Considérons maintenant les greffes inverses de Soleil annuel sur le Topinambour. Dans ces symbioses, chaque associé peut accu-muler ses réserves propres dans ses magasins normaux, c'est-à-dire dans les graines pour le Soleil, dans les tubercules souterrains pour le Topinambour. Une question se pose : le Topinambour en grande partie alimenté par le Soleil annuel dans les olodibioses

qu'on a soigneusement empêchées de se• transformer en

hémidi-bioses par suite du drageonnement réparateur intense de

l'hypo-biote , va-t-il fournir la même quantité de réserves (4 à 6

kilo-grammes) que les témoins (fig. 566) à l'automne, époque du dépôt normal de l'inuline ?

L'expérience renouvelée chaque année dans les jardins de mon Laboratoire de 1894 à 1929 me permet d'être très affirmatif sur ce point : le nombre, le poids, la forme des tubercules souterrains, leur distance au collet de la tige, etc., sont considérablement modifiés (fig. 1, pl. XX ), suivant l'époque du greffage, le milieu extérieur, les exemplaires d'une même série et la nature des bourre-lets. Ces facteurs, concordants ou discordants suivant les sym-bioses et les milieux qui, comme il a été démontré précédemment (p. 68o, t. II) par des mesures précises, ont sur les dimensions res-pectives des épibiotes et des hypobiotes un retentissement consi-dérable, retentissent aussi sur la valeur de la tuberculisation des

hypobiotes Topinambour. Celle-ci peut être supprimée

complète-ment : c'est le cas le plus rare. En général elle est très réduite et peut aller de quelques grammes à 500 grammes suivant les exemplaires.

On s'en fera une idée en considérant les poids des tubercules fournis par les 30 greffes du tableau de la page 68o du tome II de cet ouvrage. Ces poids étaient de 51, 35, 40, 6o, 95, 57, 275, 99,

- 8oq

-80,

95, 105,

9

2

, 75,

1

45, 8o, 85, 107 , 100, 35, 25, 7

0

, 70, 68, 118, 40, 55, 63, 95, 120 et 138 grammes. Or, l'exemplaire n° 6 avait pour

épibiote

un Soleil pesant, sec à l'automne, 4.45 gr. quand celui du

n° 11, pesant 35o gr., correspondait à 105 gr. de tubercules, presque le double.

Dans d'autres expériences faites comparativement une année

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