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CHAPITRE 3 : COMPORTEMENT A L’ETAT FRAIS

III.3. P ROPRIETES RHEOLOGIQUES DES BETONS BAS P H

III.3.1. Evolution des propriétés rhéologiques dans le temps

III.3.1.2. Le seuil de cisaillement dynamique

Le seuil de cisaillement dynamique ou seuil d’écoulement, déterminé à partir des rhéogrammes, correspond à la valeur de la contrainte à gradient de vitesse nul. Il pourrait correspondre à un état de résiduel de la structure du matériau après écoulement. Concernant la mesure de l’écoulement, il s’agit de partir d’un état déstructuré par l’application d’un gradient de vitesse maximal puis la contrainte est mesurée pour des pas de vitesse plus faibles (Figure III – 4). La courbe d’évolution de la contrainte en fonction du gradient de vitesse est ensuite calée sur une équation de rhéologie et le seuil dynamique est déduit par une extrapolation de la courbe à l’origine. Généralement, les équations utilisées pour caler la courbe sont linéaires (modèle de Bingham) ou non-linéaires (modèle de Herschel-Bulkley). Il existe aussi d’autres équations dans la littérature (cf. Chapitre 1).

[Tattersall, 1991], un des pionniers de la rhéologie des bétons, propose de décrire le comportement du béton à l’état frais au moyen du modèle de Bingham sous une forme :

𝜏 = 𝜏𝑑 + µ𝑝 𝛾̇ (III – 6)

Où :

- 𝜏 est la contrainte de cisaillement appliquée au matériau en Pa - 𝜏𝑑 est le seuil de cisaillement dynamique en Pa

- µ𝑝 est la viscosité plastique en Pa.s

- 𝛾̇ est la vitesse de cisaillement, aussi appelé gradient de vitesse en s-1

Les paramètres µ et 𝜏𝑑 caractérisent les propriétés d’écoulement du béton et sont obtenus par calage des points expérimentaux sur l’équation avec la méthode des moindres carrés. L’approche linéaire est souvent appliquée pour simplifier l’exploitation des résultats. Cependant, dans la majorité des cas, les rhéogrammes montrent une faible non linéarité. [De Larrard et Ferraris, 1998] observent également que pour des bétons adjuvantés, le modèle de Bingham n’est pas adapté. Ils montrent que cette non-linéarité ne provient pas d’un artéfact de mesure, mais bien des caractéristiques intrinsèques du béton. Il est donc nécessaire d’exploiter les essais avec un modèle non linéaire, d’exposant n différent de 1 (III – 7). En se basant sur une approche utilisée pour décrire la rhéologie des laves torrentielles qui présentent des similitudes avec les bétons en tant que matériaux granulaires [Coussot et Piau, 1995], nous avons exploité les résultats à l’aide du modèle de Herschel-Bulkley.

160 𝜏 = 𝜏𝑑 + µ 𝛾̇𝑛 si { 𝑛 > 1 ∶ 𝑐𝑜𝑚𝑝𝑜𝑟𝑡𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑟ℎé𝑜é𝑝𝑎𝑖𝑠𝑠𝑖𝑠𝑠𝑎𝑛𝑡 𝑛 = 1 ∶ 𝑐𝑜𝑚𝑝𝑜𝑟𝑡𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑏𝑖𝑛𝑔ℎ𝑎𝑚𝑖𝑒𝑛 𝑛 < 1 ∶ 𝑐𝑜𝑚𝑝𝑜𝑟𝑡𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑟ℎé𝑜𝑓𝑙𝑢𝑖𝑑𝑖𝑓𝑖𝑎𝑛𝑡 (III – 7) Où :

- 𝜏 est la contrainte de cisaillement appliquée au matériau en Pa - 𝜏𝑑 est le seuil de cisaillement en Pa

- µ est la viscosité apparente en Pa.s - 𝛾̇ est le gradient de vitesse en s-1

- 𝑛 est l’indice qui caractérise le comportement rhéologique

Une illustration de l’évolution de la contrainte de cisaillement en fonction du gradient de vitesse obtenu à partir de l’essai réalisé sur la formule TL à 1 heure après le gâchage en condition dynamique est proposée en Figure III – 12, pour montrer les différences entre les deux approches.

Figure III – 12 : Evolution du seuil de la contrainte de cisaillement 𝛕𝐝 en fonction du gradient de vitesse pour le béton TL (83 minutes, mode de transport dynamique)

La valeur de l’indice n calée sur l’équation d’Herschel-Bulkley à partir des données expérimentales par la méthode des moindres carrés, permet de caractériser le comportement rhéologique des bétons. L’évolution de la valeur de ce paramètre est présentée en fonction du temps (Figure III – 13) pour les deux mélanges et pour les deux modes de transport.

0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600 0 10 20 30 40 50 Cont rainte (Pa) Gradient de vitesse (s-1) Données expérimentales Modèle linéaire

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Figure III – 13 : Evolution de n dans le temps

En sortie du malaxeur, les deux mélanges ternaires ont un comportement proche de celui de Bingham, avec une valeur de n proche de 1. Cependant, dans le temps, les deux mélanges tendent vers un comportement de type rhéofluidifiant. Le terme rhéofluidifiant est utilisé pour se référer à la diminution de la viscosité apparente lors de l’augmentation de la vitesse de cisaillement. Les pâtes incorporant de la fumée de silice ont systématiquement un comportement de type rhéofluidifiant [Cyr, 1999]. Ce comportement n’est pas uniquement lié à la forme sphérique des particules, car des données dans la littérature montrent de nombreux exemples de poudres de grains sphériques ayant un comportement rhéoépaississant. Il serait plausible que ce comportement rhéofluidifiant soit lié à l’état des particules en suspension. Des agglomérats de fumée de silice pourraient se structurer dès la fin du malaxage en piégeant une quantité d’eau ; cette eau pourrait ensuite être libérée à plus fort cisaillement par rupture de la structure d’agglomérats (sans pour autant rompre chaque agglomérat) et contribuer à une lubrification et à un plus grand espacement inter-solides, et ainsi réduire la viscosité. La prise en compte de la non-linéarité dans le lissage des courbes permet d’obtenir une évaluation plus rigoureuse du seuil d’écoulement et de la viscosité apparente du matériau.

Le seuil d’écoulement est déterminé pour une échéance donnée en prenant la valeur extrapolée de l’ordonnée à l’origine. Ce traitement est répété pour l’ensemble des échéances et les résultats sont consignés dans la Figure III – 14.

0,84 0,86 0,88 0,90 0,92 0,94 0,96 0,98 1,00 1,02 1,04 0 15 30 45 60 75 90 Ev olut ion de n Temps (minutes) Transport dynamique Transport statique TL TCV

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Figure III – 14 : Evolution du seuil dynamique d dans le temps

Les tendances d’évolution sont similaires à celles mesurées pour le seuil statique. Plus l’échéance de mesure est importante, plus le béton est structuré et plus sa structure résiduelle est importante. Le changement de cinétique sur TL se fait plus tardivement par rapport à ce qui a été observé sur le seuil statique. Ce constat est logique dans la mesure où le seuil dynamique est évalué sur des matériaux plus ou moins déstructurés, ce qui, en ce sens, est moins discriminant. Dans nos conditions expérimentales, pour un affaissement inférieur à 15 cm, une bonne vibration au moment de la mise en œuvre sera suffisante pour regagner de la fluidité. Dans le cas de TCV, le seuil dynamique évolue peu même jusqu’à 80 minutes. En revanche, pour le mélange TL, lorsque l’affaissement devient plastique (< 10 cm), il faut imposer une contrainte presque deux fois supérieure pour le faire s’écouler.

Comme pour le seuil statique, on constate une corrélation entre l’affaissement et le seuil dynamique (Figure III – 15). Lorsque l’affaissement diminue, le béton devient plus ferme et il faut une contrainte plus élevée pour le faire s’écouler.

0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 0 15 30 45 60 75 90 Seui l de cisail lem ent d (Pa) Temps (min) Transport dynamique Transport statique TL TCV

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Figure III – 15 : Relation entre contrainte de cisaillement d et l’affaissement

Sur la base des mesures expérimentales, nous remarquons que la contrainte de cisaillement dynamique d des deux bétons bas pH évolue de manière similaire pour des affaissements supérieurs à 15 cm. Nous pourrons retenir que l’application d’une contrainte de 3000 Pa dans nos conditions expérimentales est suffisante pour faire écouler les bétons dont l’affaissement est supérieur à 10 cm. En-deçà d’un affaissement de 10 cm, la contrainte de cisaillement à appliquer devient alors plus élevée.

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