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Evaluation de la thixotropie des bétons bas pH

CHAPITRE 3 : COMPORTEMENT A L’ETAT FRAIS

III.3. P ROPRIETES RHEOLOGIQUES DES BETONS BAS P H

III.3.2. Evaluation de la thixotropie des bétons bas pH

On parle de phénomène de thixotropie dans le cas où, lorsqu’une contrainte de cisaillement est appliquée puis maintenue constante après un long temps de repos, la viscosité apparente du matériau diminue avec la durée de l’écoulement, ou bien si le matériau retrouve sa structure initiale après un long temps de repos [GFR, 1990]. La thixotropie peut avoir une influence non négligeable sur la mise en œuvre du béton et la pérennité de l’ouvrage

Tous les essais présentés jusqu’à présent montraient l’évolution des propriétés rhéologiques en fonction de l’âge du béton et non du temps de repos. En effet, avant chaque

0 50 100 150 200 250 300 0 1000 2000 3000 4000 V iscosité apparent e µ (Pa.s)

Seuil statique (Pa)

Transport dynamique Transport statique TL TCV Gradient de vitesse faible (1 s-1) Gradient de vitesse important (20 s-1)

165 échéance de mesure, le béton était transvasé de la brouette ou de la bétonnière vers le bol pour effectuer l’essai, et sa structure était donc partiellement détruite durant ce processus. Pour pallier ce problème, le béton a été immédiatement introduit dans le bol à la sortie du malaxeur puis l’essai a été effectué après différents temps de repos. Ce protocole expérimental supplémentaire permet ainsi d’évaluer le caractère thixotrope du matériau. Le temps de repos au sens strict du terme étant décompté à partir du moment où le béton est mis en place, une gâchée de 10 L a donc dû être coulée pour chaque échéance testée. La plage de temps étudiée est inférieure à 30 minutes pour s’assurer d’être sur la période dormante du ciment et donc de ne pas coupler les phénomènes de structuration réversible liés à la thixotropie au phénomène irréversible d’hydratation [Legrand, 1971 ; Roussel, 2006]. Sachant que le temps entre la phase d’introduction de l’eau pendant le malaxage et celle d’introduction du béton dans le bol était d’environ 10 minutes, auquel il faut ajouter au temps de repos maximal étudié (16 min) nous pouvons considérer que nous nous affranchissons bien des phénomènes liés à l’hydratation. Le Tableau III – 2 présente les résultats des essais de thixotropie sur les bétons bas pH.

Tableau III – 2 : Résultat des essais de thixotropie sur les bétons bas pH

Sur la plage de temps étudiée, nous considérons que le comportement est de type Bingham. En effet, nous avons aussi vu que sur la Figure III – 13 qu’initialement (sur les trente premières minutes) le comportement rhéologique est proche de ce modèle (n=1) pour les deux bétons bas pH. Cette simplification nous permettra d’utiliser les modèles de [Roussel, 2006b] pour l’estimation des durées critiques de coulage.

La Figure III – 17 montre l’évolution du seuil statique en fonction du temps de repos.

Seuil td (Pa) µp (Pa.s)

0 789 104 31 300 1330 119 36 630 1341 151 33 910 1483 171 37 0 851 92 32 330 900 128 30 460 1341 155 30 950 1611 168 27 TL TCV Modèle de Bingham Mélanges Temps de repos (s) Seuil de cisaillement

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Figure III – 17 : Evolution du seuil de cisaillement en fonction du temps de repos

Tant que la période dormante du ciment prédomine, il semble que la capacité de structuration de TL soit plus faible que celle de TCV. L’indicateur de la thixotropie du matériau est calculé à partir du coefficient directeur de la droite qui pourrait être associé à un coefficient de structuration noté Athix. Sur la base des mesures obtenues, nous avons fait une première approximation en considérant une évolution linéaire de la contrainte de cisaillement en fonction du temps de repos. Il faudrait néanmoins augmenter le nombre de points de mesure pour affiner la détermination du coefficient Athix.

Tableau III – 3 : Classification des BAP en fonction de la vitesse de restructuration

Athix (Pa.s-1) Type de BAP

< 0,1 Non thixotrope

Entre 0,1 et 0,5 Thixotrope

> 0,5 Fortement thixotrope

La valeur du coefficient de structuration obtenue pour les bétons bas pH est environ de 0,8 Pa.s-1. A défaut de pouvoir comparer avec des bétons vibrés, si nous regardons la classification établie pour les BAP (Tableau III – 3) par [Roussel, 2006b], les bétons bas pH sont fortement thixotropes. Les paramètres influençant la thixotropie sont ceux liés à la composition du béton (nature et dosage des constituants), mais aussi les interactions particulaires qui sont elles-mêmes modifiées par la présence de superplastifiant. La taille des particules joue le plus grand rôle dans la thixotropie [Yammine, 2007] : la substitution du ciment par de la fumée de silice, addition de très faible dimension, conduit à une augmentation du coefficient Athix tandis que les cendres volantes, de dimensions plus importantes, le réduit. Cependant, il est complexe de contrôler la thixotropie en fonction de l’utilisation d’un constituant en particulier en raison des interactions présentes.

0 500 1000 1500 2000 2500 0 200 400 600 800 1000 C ont ra int e de cisa ill lments (Pa) Temps de repos (s) TL TCV y = 0,8x + 860

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Impact de la thixotropie sur la mise en œuvre

De manière pratique, il est possible de prédire les pressions qui s’exerceraient sur les banches par l’intermédiaire du coefficient Athix [Ovarlez et al, 2006] ou, dans le cas où le massif de support serait coulé en plusieurs couches, de définir le temps critique au-delà duquel les deux couches de béton ne se mélangeront pas [Roussel, 2006b]. Pour mieux illustrer ce que traduit le coefficient Athix, prenons l’exemple d’un coulage en plusieurs couches d’un béton auto-plaçant faiblement thixotrope [Roussel, 2006b] et d’un béton bas pH :

∆𝑡𝑐 = 𝐴µ𝑝𝑉

𝑡ℎ𝑖𝑥ℎ x 10000 (III – 9)

Où :

- ∆𝑡𝑐 est le temps critique en deux coulages en s - µp est la viscosité plastique du béton Pa.s

- V est la vitesse d’écoulement du béton dans le mur en m/s - -h est la hauteur du mur m

Pour le béton bas pH (TCV/TL), considérons la valeur moyenne de 35 Pa.s pour la viscosité plastique et la valeur Athix de 0,8 Pa.s-1.déterminée à partir de la Figure III – 17. Pour le béton auto-plaçant (BAP) de l’étude de [Roussel, 2006], la viscosité plastique est de 50 Pa.s et le coefficient Athix de 0,1. Pour une même vitesse de coulage et une même hauteur de mur pour les deux bétons, l’application de l’équation (III – 9) montre que le temps critique (sans application d’une vibration) des bétons bas pH est plus faible d’un facteur de 6,7 par rapport au BAP faiblement thixotrope. Comme les bétons bas pH seraient à priori mis en œuvre par vibration, nous nous affranchissons du risque d’une mauvaise reprise de bétonnage.

Conclusions

Le comportement de l’état frais a été investigué dans ce chapitre. Dans l’optique d’une mise en œuvre du béton avec un temps d’acheminement important, il est primordial d’identifier et d’estimer tous les paramètres qui peuvent jouer un rôle prépondérant sur le comportement à l’état frais, afin de proposer des préconisations.

Les résultats des essais sur les propriétés à l’état frais en sortie de malaxeur permettent de mettre en avant la robustesse des deux formules de bétons établies, avec de faibles

168 dispersions de leur valeur de masse volumique, d’air occlus et d’affaissements. En ce qui concerne la durée pratique d’utilisation, le maintien d’un affaissement supérieur à 10 cm au bout de 2 heures est obtenu pour TCV. Pour la formule TL (10 cm à 1 heure), il serait nécessaire d’augmenter le rapport E/L pour garantir une bonne maniabilité. En raison des résistances importantes obtenues à long terme, les autres points du cahier des charges ne seraient pas affectés par cette modification, voire pourraient être améliorés.

L’échauffement des mélanges TCV et TL au cours de l’hydratation reste inférieur à 20°C en condition semi-adiabatique sur mortiers normalisés limitant ainsi les gradients thermiques et les risques de microfissuration. L’analyse de cet essai montre aussi que le cobroyage du liant améliore sa réactivité sans avoir de conséquences importantes sur l’amplitude de son exothermie au cours de l’hydratation.

Les mesures de retrait au jeune âge par pesée hydrostatique confirment les résultats obtenus par [Codina, 2007] sur un dispositif différent. L’association de ces données avec les déformations du matériau à l’état durci permettra de connaître l’ensemble des déformations du matériau et aidera à sa modélisation.

Le volet exploratoire sur la rhéologie des bétons bas pH permet d’établir une première base de données pour les bétons de référence Andra. Un lien a été fait entre les grandeurs rhéologiques et l’affaissement pour faciliter l’interprétation des résultats. A travers l’étude de l’évolution des propriétés rhéologiques dans le temps, nous avons pu mettre en évidence le caractère fortement thixotrope des bétons bas pH. Cette étude a aussi confirmé la faible influence du mode de transport sur le comportement à l’état frais.

Les recommandations pour le coulage sont les suivantes :

 Il est important de contrôler le conditionnement du liant et s’assurer de l’absence d’amas de fumée de silice qui pourrait absorber l’eau et nuire à la durée d’utilisation pratique ou aux résistances sur matériaux durcis. Pour cela il est préconisé d’homogénéiser le liant par cobroyage.

 Une sursaturation en eau des granulats peut conduire à un manque d’eau nécessaire pour la fluidification des mélanges fortement dosés en fines. Une teneur proche du coefficient d’absorption est idéale. Il est également possible de travailler à granulats secs, à condition que le coefficient d’absorption de ces granulats reste relativement faible (< 2%).

169  La température de coulage est un des facteurs les plus importants intervenant dans le maintien de la durée pratique d’utilisation. Bien que nous n’ayons pas mené d’étude sur cet effet, une température supérieure à 25°C pourrait conduire à une activation de l’hydratation et donc à une perte significative de la maniabilité du matériau. La température recommandée est de 20°C.

 La durée de malaxage après introduction de l’eau et le superplastifiant doit être d’au moins 5 minutes pour assurer une bonne fluidification du mélange. A la fin de la séquence de malaxage, un aspect luisant, l’absence de laitance et de ségrégation permettent de confirmer visuellement la bonne homogénéité des mélanges.

 Le mode de transport a un faible impact sur l’évolution des propriétés à état frais. L’acheminement du béton par trémie via les puits d’accès ou via les descenderies ne serait pas plus préjudiciable qu’un acheminement particulier où le béton serait cisaillé en permanence.

 Les bétons bas pH étant très visqueux, une attention particulière doit être apportée à la vibration du matériau lors de sa mise en place. Cette vibration est d’autant plus importante pour des coulages en plusieurs couches en raison de la forte thixotropie des bas pH.

 Pour un bétonnage par coulage en plusieurs couches, la forte thixotropie des bétons bas pH impose d’appliquer une vibration pour limiter le risque d’une mauvaise reprise de bétonnage entre deux couches.

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