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4 PRÉSENTATION DES RÉSULTATS

4.1 LES DONNÉES RECUEILLIES LORS DES ENTREVUES

4.1.1 LES SERVICES ET LEUR UTILISATION

Pendant notre exploration du quartier, de son appréciation et de son appropriation de la part des résidents des maisons d’hébergement en santé mentale, l’importance de la présence de services de nature variée a tout de suite capté notre attention. En effet, dès le début de leur entrevue les répondants ont eu tendance à s’exprimer sur les qualités de leur propre quartier en précisant la proximité à certains des services qui leur tiennent le plus à cœur. Par exemple, un participant demeurant dans le secteur 1, qui fait de la lecture une de ces activités de prédilection, nous confie apprécier son quartier en particulier pour la présence de la bibliothèque et pour sa proximité de la maison d’hébergement où il habite depuis 3 ans. « La bibliothèque en face où je prends les livres pour lire, les magasins pour aller acheter. C’est

assez proche. Assez rapide. C’est 2 minutes de marche. » (B1) Malgré sa tendance à rester à la maison

pour se dédier à la lecture, il apprécie le fait de pouvoir sortir et d’utiliser les services alimentaires de proximité. « Je sors, des fois je prends un petit café ou un goûter, un lunch chez McDonald, au restaurant

McDonald, chez McDonald puis des fois je vais à mon rdv pour voir le psychiatre. […] Oui, ça fait changer les idées (B1). » Ses sorties quotidiennes dans le quartier suivent une routine précise qui, bien

évidemment, le familiarise avec son environnement immédiat. « Les seuls endroits où je vais c’est la

bibliothèque, chez Tradition, l’épicerie Tradition et Jean Coutu (B1). »

L’utilisation des commerces de proximité lui permet également d’avoir un rôle actif à l’intérieur de sa résidence en accomplissant des petites tâches qui contribuent à la gestion ménagère de la structure d’hébergement. « Je vais faire des commissions des fois. Des commissions des fois pour Monsieur L. (le

responsable de la structure d’hébergement). Pour les intervenants aussi. […] Je fais des commissions. Je suis quelqu’un de serviable (B1). » Un autre participant d’une résidence du secteur 1 n’hésite pas à

parler des services dont il bénéficie dans son environnement immédiat dès la première question posée concernant l’appréciation générale du quartier. « C’est un quartier qui est agréable. Il y a une pharmacie

à côté, Il y a une épicerie pas loin aussi à côté, puis il y a la bibliothèque. Il y a une coiffure pas loin aussi (B2). »

Comme ce dernier répondant, on retrouve dans la même résidence Monsieur P. qui d’un air très enthousiaste nous raconte son quartier : « C’est un milieu de vie mon quartier, surtout la rue a, où il y a

beaucoup de services. Il y a un Jean Coutu, il y a Magie d’1 dollar, il y a une boucherie, il y a le marché d’alimentation (B3). » Encore une fois, nous nous apercevons que l’attractivité du milieu de vie est très

facilement associée à sa desserte commerciale de proximité. Cet aspect est d’autant plus intelligible à la lumière des quelques constats que nous avons pu dresser sur la mobilité des résidents. Même si nous approfondirons davantage ce sujet au paragraphe 1.6 du présent chapitre, il nous suffit de rappeler ici que la totalité des résidents interviewés n’a pas un permis de conduire valide ni l’accès à une voiture. Dans la grande majorité des cas, leurs déplacements quotidiens se font à l’intérieur d’un périmètre limité, inférieur à celui du quartier en tant que tel et circonscrit au secteur autour de la maison d’hébergement.

« Je connais mon quartier, mais je vais jamais trop loin. Je suis allé chez Walmart plus loin là. C’est 25 minutes à pied. Il faut que je m’y habitue » (B2) « No. No, never. […] I don’t go to east or that far away. » (Réponse à la question: Do you go very far from the neighborhood ?) (D1)

L’importance des services que les résidents retrouvent dans leur secteur est à rechercher plus loin que la simple raison utilitaire. Il ne s’agit pas seulement d’avoir accès à des biens nécessaires, mais d’avoir l’opportunité de vivre l’espace, de sortir sans un objectif bien précis, de franchir le seuil du chez-soi pour entrer dans le monde. C’est ce qui nous confie un participant quand il nous dit : « J’aime sortir. […]

Vous voyez, ce qui manque ici c’est un café, genre Second Cup (B2). »

Une réflexion similaire est formulée dans une autre entrevue, dans la même maison d’hébergement, pendant laquelle un résident qui a passé toute sa vie dans le secteur 1 nous explique : « …quand ma

famille était là, ça m’intéressait de sortir, mais maintenant quand je sors je n’ai pas une place où aller. Marcher pour marcher… […] Il faudrait avoir une place que tu sais où aller (B4). »

Lors de notre enquête auprès des résidents d’une maison d’hébergement située dans le secteur 2, nous avons pu enfin constater le rôle qui jouent les services non seulement pour ce qui concerne l’organisation du quotidien des personnes souffrant de troubles mentaux, mais aussi par rapport à la gestion de leurs propres situations de crise. «…[S]ometimes when my problems worsen I don’t like to stay here. […] I

like to go outside for a pizza. » (D2)

La desserte commerciale est, dans ce cas spécifique, utilisée par notre participant comme un vrai outil de gestion en cas de détresse, ce qui souligne toute l’importance des caractéristiques de milieu entourant la ressource résidentielle en santé mentale. Il existe toutefois une catégorie de services spécialement conçue pour aider les personnes aux prises avec un problème de santé mentale à mieux faire face aux moments de crise. Il s’agit notamment d’organismes communautaires comme le centre X dans le secteur 2, qui se veut un lieu de partage et de discussion très apprécié par les participants. « C’est un centre de

crise pour t’aider…pour aider les personnes en santé mentale de …parler de mes problèmes (C3) … »

Des activités sont aussi proposées par le centre Y, un service de soutien au rétablissement et d’insertion sociale qui réunit les divisions de l’Institut Douglas10. « Je vais faire la peinture puis le dessin au centre

Y, je vais, à part ça, au centre X, je vais faire un tour au centre X. […] Au centre X je prends un café, je parle avec le monde (C1). »

La participation des résidents aux activités du centre Y souligne, encore une fois, le rôle que les services, de proximité, mais aussi de soin, exercent dans la vie des personnes souffrant d’un trouble mental, d’où la pertinence d’une réflexion extensive sur les spécificités propres aux secteurs potentiels d’implantation des structures résidentielles en santé mentale.