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2 DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE

2.3 LES OUTILS DE COLLECTE DES DONNÉES

Les éléments constitutifs de l’environnement immédiat que nous souhaitons investiguer dans le cadre de notre recherche sont nombreux et de nature différente. Il s’agit certes d’attributs physiques des espaces de vie intérieurs et extérieurs aux structures d’hébergement, mais sous le prisme du regard des résidents. Des dimensions propres à la sphère personnelle de la vie des résidents, à leur quotidienneté, à leur façon de s’approprier l’espace doivent être prises en compte. Le lien entre l’appropriation de l’environnement et la santé mentale ne sera pas, cependant, explicité avec les participants. La maladie mentale étant une catégorie très vaste, son introduction directe risquerait de décontextualiser les réponses que nous voulons être strictement encrées sur l’expérience personnelle des résidents interviewés. Il s’agit ensuite de réfléchir sur le concept d’espace en tant que lieu collectif et donc de s’interroger sur des dimensions sociales susceptibles de jouer un rôle important dans la création d’un sentiment d’appartenance. En raison de cette multiplicité d’intentions et de paramètres, nous avons conçu un dispositif méthodologique multimodal et biphasique. Multimodal dans la mesure où les outils de collecte

de données choisis sont trois : l’entrevue structurée, les cartes mentales et le groupe de discussion ; biphasique puisque le déroulement de la phase de collecte a eu lieu en deux temps. Dans une première phase, nous avons procédé à la réalisation des entrevues dirigées à la fin desquelles nous avons demandé aux participants de dessiner leur carte mentale du quartier. Une deuxième phase a suivi dans chaque résidence sous forme de groupe de discussion auquel seulement les participants de la première phase ont eu accès.

2.3.1 L’ENTREVUE STRUCTURÉE

« Pour Van der Maren (1995), l’entrevue, qu’elle soit libre, semi-structurée ou structurée, vise à colliger des données ayant trait au cadre personnel de référence des individus (émotions, jugements, perceptions, entre autres) par rapport à des situations déterminées ; elle porte sur l’expérience humaine dont elle cherche à préserver la complexité. » (Royer et Baribeau, 2012).

Le choix de l’entretien comme méthode dans la première phase de cueillette de données répond à l’objectif de saisir toute la richesse du discours sur l’espace de vie des personnes interrogées. L’entrevue permet, en plus, l’interaction entre le chercheur et le participant, ce qui s’avère d’autant plus important puisque les personnes interviewées sont susceptibles de rencontrer des difficultés, telles que de la méfiance ou des états anxieux. Le chercheur peut, dans ce cas, mettre en confiance la personne, reformuler les questions posées et guider le participant dans le développement de son discours.

La forme structurée choisie pour mener l’entretien nous a permis de formuler, dans un temps limité, plusieurs questions capables d’approfondir le sujet du rapport à l’espace sous différents points de vue. En effet, la capacité de concentration des participants étant souvent faible, nous avons conçu une grille d’analyse composée de 26 questions à réponse ouverte courte, ce qui nous a permis de mener des entrevues qui ne dépassaient pas 30 minutes.

L’élaboration d’un canevas de questionnement rigoureux en français (Annexe 3), et en anglais (Annexe 4), nous a permis, en plus, d’assurer « une certaine constance […] d’un entretien à l’autre et ceci, même si l’ordre des questions, le niveau de détail et la dynamique particulière d’entretien ont varié selon les sujets (Savoie-Zajc, 2000) » (Martel, 2007).

Quatre thèmes principaux ont été abordés en cours d’entretien :

1. La perception générale du quartier

2. Le rapport avec l’espace vécu intérieur

3. L’espace vécu extérieur et la mobilité

4. Le rapport avec le quartier et son appropriation

2.3.2 LES CARTES MENTALES

« Chaque individu, à l'intérieur de son espace personnel, établit des relations de nature topographique ou sentimentale et, ainsi, élabore dans sa tête une carte des lieux. (Rowntree, 1997) » Cette représentation mentale de l’espace vécu ne retient qu’une partie des éléments propres à sa perception originelle, constituant ainsi une sélection personnelle composée de choix, conscients ou inconscients, de mémoires et de filtres culturels et sociaux (Gumuchian et Rattin, 1988). Cette opération de sélection d’informations de l’environnement réel résulte en une carte mentale personnelle de l’espace vécu qui recèle des éléments propres à l’univers symbolique et inconscient de l’individu (Rowntree, 1997). C’est la raison pour laquelle « l'étude des cartes mentales, par le biais des dessins réalisés par les enquêtes, nous apporte des renseignements essentiels, liés à la pratique de l'espace, que nous n'aurions pas par le discours » (Poublan-Attas, 1998).

À la lumière de ce qui précède, les cartes mentales s’avèrent un outil complémentaire très précieux dans l’étude du rapport personne-environnement immédiat ou, comme le dit Levy-Leboyer un « moyen d’appréhension des relations entre individu et environnement » (Marry, 2011). Elles aident, en effet, la communication d’aspects difficiles à verbaliser en étant le résultat d’une opérationnalisation inconsciente des dimensions spatiales perçues par l’individu.

L’adoption de cet outil, introduit par l’urbaniste américain David Lynch, qui a su légitimer l’analyse visuelle de l’espace urbain en recherche dans les années 1960, s’inscrit dans notre dispositif méthodologique en clôture de la première phase de collecte de données. Après avoir répondu aux questions de la grille d’entretien individuel, le participant est invité à dessiner son espace urbain immédiat et à décrire les éléments qu’il choisit d’insérer dans sa représentation.

2.3.3 LES GROUPES DE DISCUSSION

Dans la deuxième et dernière phase de collecte de données, nous nous sommes intéressés aux aspects relatifs à l’espace comme construction collective.

En effet, même si le rapport à l’environnement se construit individuellement, ce que nous avons souhaité investiguer au moyen de l’entretien structuré, et parfois de façon inconsciente, comme les cartes mentales nous aident à observer, l’environnement est aussi le lieu du « nous socio-spatial » (Abdelfattah, 2007). Ce concept de « nous socio-spatial » renvoie à l’espace en tant que construit social, un « objet » qui nécessite un outil de travail différent.

C’est la raison pour laquelle l’utilisation du groupe de discussion nous a paru tout à fait cohérente, compte tenu que, avec Fortin et al. (2006), « la méthodologie du groupe de discussion […] fournit une

compréhension collective des points de vue des participants (Ivanoff et Hultberg, 2006). » Il s’agit, plus concrètement, d’une technique d’entretien de groupe semi-structurée et modérée par un animateur neutre.

Nous avons choisi d’adopter cet outil après les entrevues structurées pour pouvoir réfléchir à l’élaboration des questions des groupes de discussion sur la base des réponses des entretiens (Annexes 5, 6, 7 et 8). Ce délai chronologique a aussi servi à familiariser les participants avec les sujets traités tout au long de la recherche, notamment l’environnement immédiat, la mobilité et l’appropriation de l’espace.

Les groupes de discussion, d’une durée moyenne de 30 minutes, ont eu lieu dans chaque résidence avec les résidents qui avaient pris part à la première phase, celle des entrevues. Certains des participants à la phase 1 ne se sont pas présentés au groupe de discussion, mais la présence des 3/4 des invités a tout de même permis le bon déroulement des séances de groupe. Ces entretiens ont permis d’engendrer ne fût- ce qu’une faible interaction de groupe, précieuse pour l’émergence des représentations, des attentes et des besoins par rapport au milieu de vie qu’ils partagent et qu’ils construisent ensemble.