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SERVICE NATIONAL DE SANTE OU ASSURANCE-MALADIE ? UNE DEUXIEME ALTERNATIVE

LE SYSTÈME DE SANTÉ

2. SERVICE NATIONAL DE SANTE OU ASSURANCE-MALADIE ? UNE DEUXIEME ALTERNATIVE

243. Pour garantir les soins de santé, les systèmes de sécurité sociale peuvent em-prunter deux voies :

l'institution d'un service national de santé, soit le mode d'octroi direct :

« ( ... ) les soins sont donnés directement par le personnel et dans les établisse-ments de la sécurité sociale. Ce personnel et ces établisseétablisse-ments font partie inté-grante du système et ils font l'objet d'un contrôle continu par voie hiérarchi-que ». 239 C'est l 'universalité240 qui est retenue et le financement est fiscal 241 ; la collaboration avec les professions médicales et paramédicales ainsi qu' avec les établissements hospitaliers, qui ne font donc pas partie du système de sécurité sociale, mais qui sont rémunérés par celui-ci sur la base de conventions ou de tarifs - pour les prestations fournies aux personnes protégées.

L'octroi est ainsi indirect : ledit système, soit paie directement les personnes et institutions fournissant des biens et des services dans le domaine sanitaire (mode dit du « tiers payant » ), soit il rembourse aux assurés sociaux les factures que ceux-ci ont préalablement réglées (mode dit du «tiers garant»). La voie de l'octroi indirect peut d'ailleurs être plus ou moins développée, selon que la protection réalisée a un champ d'application personnel limité ou que l'universalité a été choisie (assurance sociale nationale). L'assurance-maladie sociale se rattache à cette seconde voie.

244. Pour un Etat, le choix est important: si c'est le service national de santé qui est retenu, l'Etat - singulièrement le ministère responsable - est en première ligne : il ga-rantit l'octroi des soins, d'où la nécessité de disposer du personnel, des institutions, du

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240 241

Voir ci-dessus le N° 3.

Milton ROEMER: L'organisation des soins médicaux dans le cadre de la sécurité sociale, p. 33.

Soit la protection de l'ensemble de la population.

Une voie indiquée par le Plan Beveridge. Voir ci-dessus les N°s 24 sv.

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financement adéquats. En cas d'octroi indirect, l'Etat organise les relations entre les fournisseurs de soins et les caisses qui paieront ces soins (vu l'augmentation constante des coûts, il est vrai qu'il sera aussi régulièrement« en première ligne»).

245. Quel est le meilleur système ? Il est difficile de répondre abstraitement. Les deux voies peuvent être plus ou moins bonnes : tous les individus sont-ils suffisamment pro-tégés? qu'en est-il, dans un pays donné, de la qualité des soins? Les réponses «sur le terrain» vont dépendre de la législation, de la formation et de l'engagement des profes-sionnels, de la qualité des infrastructures et des équipements, des capacités financières.

246. Ces dernières décennies, notre continent a connu deux mouvements contraires:

les pays du sud de l'Europe ont passé de régimes d'assurance-maladie à un service national de santé, alors que l'Europe centrale et de l'est abandonnait ses régimes publics de santé au profit de l'assurance-maladie. Dans les deux cas, une amélioration était recherchée. Les motivations politiques étaient aussi importantes : la volonté de réaliser l'universalité et l'égalité de traitement dans le premier cas, le rejet d'un Etat omniprésent dans le second. 242

247. La Recommandation OIT N° 69 concernant les soins médicaux n'indique aucune voie qui serait préférable. Elle invite les Etats à réaliser l'universalité, soit par un service public de soins, soit par l'assurance sociale complétée si nécessaire par l'assistance sociale (§ 5). Les instruments qui ont été adoptés par la suite par l'Organisation internationale du Travail - Convention OIT N° 102, Convention OIT N°

130 et Recommandation OIT N° 134 - gardent cette position neutre. On trouve en revanche une préférence exprimée en faveur d'un service de santé gratuit pour toute la population dans la Déclaration sur le progrès et le développement dans le domaine social (Nations Unies, 1969)243.

248. La Suisse n'a pas de système national de santé. La sécurité sociale n'a ni ses propres médecins et professions paramédicales, ni ses hôpitaux244, mais elle applique le système d'octroi indirect.

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Marc DURIEZ/Diane LEQUET-SLAMA: Les systèmes de santé en Europe, p. 5.

Michael CICHON: Réformes du secteur de la santé en Europe centrale et orientale: le modèle inversé? Revue internationale du Travail, 1991, N° 3, pp. 343 sv. (p. 353).

Bettina KAHIL-WOLFF/Pierre-Yves GREBER: Sécurité sociale: aspects de droit national, international et européen, pp. 142-143, 146 sv. - Anne RILLIET HOWALD:

La réforme des régimes de soins de santé, pp. 134 sv.

A quelques exceptions près, pour l'assurance-accidents, l'assurance militaire.

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3. L'INTERVENTION EN SUISSE DE PLUSIEURS REGIMES

249. Le législateur suisse n'a pas institué un régime unique, qui interviendrait dans tous les cas d'atteintes à la santé, quelle qu'en soit la cause. Plusieurs régimes sont susceptibles d'intervenir, il s'agit de :

l'assurance-maladie, l'assurance-accidents, l'assurance-invalidité,

les prestations complémentaires à l 'A VS/ AI, l'assurance militaire,

l'assistance sociale. 245

250. L'assurance-maladie, fondée sur la loi fédérale sur l'assurance-maladie (LA-Mal), du 18 mars 1994 (RS 832.10), est le régime qui intervient principalement. Elle est obligatoire pour l'ensemble de la population (pour les soins); ses prestations sont développées. 246

251. L'assurance-accidents, fondée sur la loi fédérale sur l'assurance-accidents (LAA), du 20 mars 1981 (RS 832.20), est un régime« causal»: elle intervient, pour les personnes assurées qui sont essentiellement les salariés travaillant en Suisse, parce que le besoin de soins est dû à la survenance d'un accident du travail ou non professionnel, ou d'une maladie professionnelle. Ses prestations sont développées.247

252. L'assurance-invalidité, fondée sur la loi fédérale sur l'assurance-invalidité (LAI), du 19 juin 1959 (RS 831.20), prend en charge les soins dans deux cas bien dé-terminés : les mesures médicales directement nécessaires à la réadaptation professionnelle (art. 12 LAI) ; les mesures médicales nécessaires au traitement des infirmités congénitales, selon une liste établie par le Conseil fédéral (art. 13 LAI). Dans les deux hypothèses, l'assuré a droit aux mesures médicales jusqu'à l'âge de 20 ans. 248

253. Les prestations complémentaires à l' A VS/ AI, fondées sur la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (LPC), du 6 octobre 2006 (RS 831.30) peuvent prendre en charge le coût de certains soins, ceci sous conditions de ressources. 2491250

245 246 247 248 249 250

Voir ci-dessus les N°5 126-127.

Voir la quatrième partie.

Voir la cinquième partie.

Voir la septième partie.

Voir ci-dessus la note 59.

Voir la septième partie.

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254. L'assurance militaire, fondée sur la loi fédérale sur l'assurance militaire (LAM), du 19 juin 1992 (RS 833 .1 ), prend en charge les soins dus aux affections qui se manifestent et qui sont annoncées ou constatées pendant le service militaire (ou un ser-vice assimilé) (art. 5 LAM). Ici, c'est la situation d'une personne(« en serser-vice») qui est le critère déterminant. 251

255. L'assistance sociale peut, subsidiairement à tous les autres régimes, prendre en charge des soins. Elle est fondée sur les droits cantonaux. Sa protection est bien sûr sous condition de ressources. 252

4. DES BESOINS ANALOGUES, DES INTERVENTIONS DIVERSIFIEES

256. Plusieurs reg1mes de sécurité sociale sont donc susceptibles d'intervenir en Suisse au regard des soins de santé. Dans les faits, lorsqu'une personne est atteinte dans sa santé, physique, psychique ou mentale, pour une courte ou longue durée, avec ou sans séquelles pour la vie, ses besoins sont analogues quelle que soit la cause de cette atteinte ou sa situation à ce moment. Or, les régimes cités253 sont fondés sur des bases légales et réglementaires différentes, le contenu de leur intervention n'est pas identique.

257. En principe, l'assurance-accidents LAA et l'assurance militaire offrent la protection la plus élevée; cela s'explique par les raisons suivantes :

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L'assurance-accidents, en Suisse comme à l'étranger, est un mode de protection qui a succédé à celui de la responsabilité de l'employeur.254 Or, en matière de responsabilité civile, la réparation du dommage est en principe complète. Sans aller jusque-là, l'assurance-accidents LAA tend à couvrir une part importante du« dommage»;

L'assurance militaire remplace une responsabilité directe de la Confédéra-tion (même raisonnement);

En revanche, l'assurance-maladie et l'assurance-invalidité n'ont pas la même ongme.

Voir ci-dessus la note 145.

Voir ci-dessus les notes 59 et 149.

Voir ci-dessus les N°s 249-255.

Voir ci-dessus le N° 15.

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258. Dans un cas concret cependant, il convient de tenir compte non seulement des régimes légaux, mais également des protections complémentaires dont peut béné-ficier un assuré. Ces dernières sont fondées sur du droit privé.

5. QUELQUES QUESTIONS RELATIVES AUX SOINS DE SANTE

259. Quelques questions peuvent être mentionnées ici pour mémoire : la réception et la transformation des principes classiques de la médecine, quelques grands débats en cours.

5.1 Quid des principes classiques de la médecine ?

260. Le libre choix du médecin par le malade est mis en évidence par Paul DURAND: «L'acte médical, qui intéresse au plus haut point la personnalité de l'homme, exige une entière confiance dans la compétence et dans les qualités humaines du médecin. Le malade doit pouvoir choisir le médecin qu'il juge capable de calmer sa souffrance physique et son angoisse, de discerner les causes de son mal, d'utiliser toutes les chances de guérison, d'éviter toute erreur de diagnostic ou de traitement ( ... ) ».255 En Suisse, le libre choix du médecin est la règle dans la médecine de ville (traitements ambulatoires) ; il disparaît en cas d'hospitalisation en division commune d'un hôpital public (il peut subsister en division privée). Lors de l'adoption du régime LAMal256, le législateur a mis l'accent sur le libre choix (cf. art. 41 LAMal); la question fait à nouveau l'objet de grands débats (faut-il maintenir ou restreindre ce libre choix?).

261. La liberté thérapeutique est la faculté pour le médecin de choisir, en toute in-dépendance, les moyens de diagnostic et les traitements qu'il estime nécessaires pour son patient. Les législations de sécurité sociale, pour des raisons financières, encadrent cette liberté, définissent les mesures à la charge des régimes et celles qui ne le sont pas.

Ainsi, les prestations garanties ne correspondent pas à la totalité de l'offre possible de soins dans un pays donné. En Suisse, les régimes qui couvrent les soins de santé contiennent des catalogues de prestations, de caractère obligatoire.

262. L'entente directe est aussi un principe classique. Elle «consiste dans la libre fixation des honoraires entre le praticien et le client, et dans le paiement du médecin, sans intermédiaire, par le client ».257 Dans les régimes de sécurité sociale, l'entente

di-255 256 257

Paul DURAND : La politique contemporaine de sécurité sociale, p. 444.

Voir ci-dessus le N° 250 et la quatrième partie.

Paul DURAND : La politique contemporaine de sécurité sociale, p. 445.

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recte est remplacée par l'application de tarifs établis par conventions ou par les auto-rités ; tel est le cas en Suisse.

263. Le secret médical «constitue l'une des plus anciennes règles de la médecine.

( ... ) Le secret professionnel est la condition de la confiance que le malade doit témoi-gner au médecin. ( ... ) Un intérêt public s'y rattache: la confiance du public dans le corps médical serait compromise si l'aveu de faits secrets venait à être révélé. Le secret médical apparaît comme un élément constitutionnel de la médecine ; il est lié aux con-ditions d'exercice de cette profession ».258 Cependant ce secret tend à être partagé: un système de sécurité sociale ne peut guère se borner à payer sans exercer un minimum de contrôles. En Suisse, le régime LAMal essaie de concilier les deux grâce à l'intervention des médecins-conseils des assureurs maladie.

5.2 Quelques grands débats

264. Dans les grands débats en cours, le plus fondamental concerne l'inégalité - au plan mondial - dans l'accès aux soins. Comme déjà mentionné259, la moitié du globe est privée à ce jour de toute protection sociale. Les efforts actuels, menés notamment dans le cadre de l'ONU, de l'OIT et de l'AISS, pour étendre le champ d'application personnel de la sécurité sociale accordent une priorité aux soins de santé. Divers moyens sont envisagés: l'extension des régimes d'assurance sociale, l'encouragement de la microassurance (protection créée par des travailleurs de l'économie informelle dans les pays en développement et gérée au niveau local), l'introduction de prestations universelles financées par l'impôt, l'établissement ou l'extension de l'assistance sociale. 260

265. La Constitution de !'Organisation mondiale de la Santé (OMS)261, du 22 juillet 1946, indique les objectifs fondamentaux à réaliser :

«Les Etats parties à cette Constitution déclarent, en accord avec la Charte des Nations Unies, que les principes suivants sont à la base du bonheur des peuples, de leurs relations harmonieuses et de leur sécurité :

258

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261

Idem, p. 446. -Voir aussi Dominique MANAI: Les droits du patient face à la médecine contemporaine. Faculté de Droit de Genève, Helbing & Lichtenhahn. Basel/Genève/

München 1999, pp. 146 sv.

Voir ci-dessus le N° 31.

OIT. CONFERENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL (89e session - 2001) : Rapport VI: Sécurité sociale. Questions, défis et perspectives. BIT. Genève 2001, pp.

66-73.

RS 0.810.1. - Elle est entrée en vigueur pour la Suisse le 7 avril 1948.

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La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité.

La possession du meilleur état de santé qu'il est capable d'atteindre constitue l'un des Programme de promotion de la santé, des politiques régionales. 265

coordonne l'action des Etats en cas de pandémies.

267. Une autre grande question, discutée dans les pays économiquement développés, est celle de la répartition de la protection en matière de soins de santé entre les régimes légaux et les protections professionnelles ou individuelles. Les premiers sont obligatoires266 et appliquent les grands principes de la légalité et de l'égalité267Ils devraient permettre la garantie de tous les soins nécessaires. Les protections complémentaires (professionnelles ou individuelles) peuvent aller au-delà (p. ex. prise en charge d'un séjour en division semi-privée ou privée d'un établissement de soins) ; comme elles sont généralement facultatives, elles peuvent permettre la sélection des risques. 268

268. La question du financement des soins de santé est régulièrement à l'agenda.

Compte tenu de l'évolution de la médecine et de l'allongement de la vie, il est probablement illusoire d'attendre une stabilisation des dépenses. Quelles sont les mesures d'incitation qui sont indiquées pour orienter le comportement des acteurs (du côté de l'offre comme de la demande)? Comment concevoir un financement efficace et équitable ? Le droit international de la sécurité sociale contient un certain nombre de

Constitution de l'OMS, préambule, alinéas 1 à 3.

Anne RILLIET HOW ALD : La réforme des régimes de soins de santé, pp. 51-52.

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normes, p. ex. : la nécessité d'un financement collectif des soins (par cotisations, impôts ou leur combinaison); pour certains, un accès aux prestations sans contre-partie fi manc1ere m igents, en ants . ., ("d" f; )269

269. Il va sans dire que la Suisse est concernée par ces grands débats : elle est Membre de l'ONU, de l'OIT et de l'OMS. Les principes et questions évoqués sont débattus régulièrement dans ce pays. Cela influence la législation.

* * * * *

269 Anne RILLIET HOW ALD : La réforme des soins de santé, pp. 249 sv.

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