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SERMON XIX. 100 que Dieu nous le commande, il ne faut que tourner

Dans le document Joannis Calvini opera quae supersunt omnia (Page 62-68)

LE PREMIER SERMON SUR LE CHAP. IV

99 SERMON XIX. 100 que Dieu nous le commande, il ne faut que tourner

la main, que nous serons desbauchez, il n'y aura nulle constance en nous quant au bien. D'autre-part nous avons nos folles resveries qui nous transportent, que nous voulons tousiours disputer contre Dieu, et estre plus sages que luy. Ainsi en toutes sortes il faut que nous soyons mattez et humiliez: autrement Dieu ne pourroit chevir de nous. Pour ceste cause il est dit, que le peuple n'avoit point seulement ouy pour un iour la Loy qui luy fut publiée, mais souvent la memoire luy en avoit este refreschie. Et d'autant qu'il faisoit du revesche, que Dieu l'avoit dompté par plusieurs chastimens: qu'il l'avoit pourmené par l'espace de quarante ans au desert, afin qu'il l'accoustumast à obéir: qu'il avoit expérimenté beaucoup de choses, afin d'apprendre qu'il n'estoit plus question de re-sister à un tel maistre. Quand Moyse a traitté toutes ces choses, il dit: Maintenant Israel, oy ce que ie propose au nom de Dieu. Comme s'il disoit:

Il est temps ou iamais, que vous commenciez de cheminer en obéissance, que vous ne soyez plus comme gens sauvages, ainsi que vous avez este, que vous ne laschiez point la bride à vos cupiditez mauvaises, que vous ne soyez point si farouches pour reietter le ioug, que vous n'ayez point vos folles inventions qui vous facent esgarer ça et là:

et puis, qu'il vous souvienne de ce que vous avez enduré. Car si vous ne pouvez maintenant fléchir le col, pour vous assuiettir à vostre Dieu : il faudra en la fin qu'il vous rompe, quand vous ne pourrez plier. Maintenant (dit-il) oyez sa voix. Or il, nous faut appliquer ceci à nostre usage. C'est que puis que de long temps nous avons commencé d'ouyr la parolle de Dieu : que nous ne soyons point novices, que nous ne soyons point comme oes ieunes tau-reaux qui ne savent encores que c'est de porter le ioug : mais que nous soyons tout accoustumez d'obéir.

Si ceux qui iamais n'ont esté enseignez en la vérité sont encores voilages, et que du premier coup ils ne se puissent ranger, et qu'il y ait beaucoup de vanitez de ce monde qui les facent voltiger ça et là, il ne s'en faut point esbahir. Il est vray que cela ne leur servira point d'excuse, voire: car puis que Dieu nous a créez à ceste fin, qu'il soit servi et honoré de nous, du ventre de la mere desia il nous faut estre du tout à luy. Mais enoores quand nous n'aurons eu nulle instruction, si nous sommes aucunement estranges, cela sera supporté quant aux hommes. Mais si au bout de vingt ans que nous aurons eu les aureilles battues de l'Evangile, que Dieu aura tant souvent parlé à nous, et soir et matin, qu'il nous aura resveillé, si tousiours nous demeurons comme à l'ABC, et que nous ne sachions que c'est de reigle ne de doctrine: ne faut-il pas dire que nous soyons d'une nature trop perverse?

Et c'est ce que dit l'Apostre: Vous devriez desia estre grans docteurs, selon le temps que vous avez este enseignez, et vous voici encores tant rudes et idiots, qu'il semble que iamais Dieu n'ait parlé à vous. Apprenons donc selon le temps que nostre Seigneur nous aura fait la grace d'estre enseignez par sa parolle, de nous rendre tant plus dociles à luy, et de monstrer qu'il n'a point perdu sa peine, et que nous avons bien profité en son escole. Et ceci notamment s'addresse à nous. Combien y ha-il que l'Evangile se presche, que tous les iours on n'oit autre chose, sinon quelle est la volonté de Dieu? Or donc c'est bien raison que de nostre co8té nous ne soyons point tant estranges: et que nous sachions que ce qui nous a este monstre desia tant de fois n'est point nouveau envers nous. Et puis outre la doctrine, il nous faut aussi faire pro-fiter les chastimens. Si Dieu nous a humiliez en quelque sorte, voyant que nous ne pourrions estre autrement assuiettis à luy, qu'il ait dompté l'un par maladie, l'autre par povreté, ou en quelque façon que ce soit, que Dieu nous ait fait sentir sa main: que nous advisions d'en faire nostre profit, et que ce mot dont use ici Moyse Maintenant, nous soit imprimé au coeur et en la memoire. Que si nous avons este mal advisez, si du premier coup nous n'avons pas este tant enclins de cheminer comme il appartenoit, que nous n'ayons pas eu une telle promptitude d'accourir à Dieu, quand il nous, a appeliez: pour le moins que nous ne demeurions pas iusques au bout ainsi endurcis et obstinez. Or maintenant regardons en somme ce que Moyse re-quiert ici. Israel, escoute les ordonnances et statuts que ie t'enseigne pour les faire, afin que tu vives, et que tu entres en la terre laquelle le Seigneur ton Dieu ie donne, et que tu la possèdes. Ici Moyse declare que iusques à tant que nous avons donné ceste authorite à Dieu par dessus nous, qu'il nous con-duise, que nous ayons fait nostre conte d'acquiescer simplement à sa parolle: que nostre vie sera tous-iours mal reiglee et confuse. En somme, nous sommes, ioi instruits de nous despouiller de toutes présomptions: quand il est question de bien vivre, que nous n'y allions point selon nostre teste et fantasie, pour dire: Cela me semble bon. Par où donc faut-il commencer? Par la doctrine, comme Moyse en parle. Et pourtant celuy qui prestera l'aureille à Dieu, pour recevoir ce qui luy sera annoncé de par luy, aura une bonne instruction.

Mais au contraire iusques à tant que nous ayons escoute nostre Dieu parler, et qu'il ait fait office de docteur envers nous, il est certain que nostre vie sera esgaree. Nous pourrons bien nous flatter comme les povres ignorans se font assez accroire, que tout va pour eux le mieux du monde: mais, cependant ils sont comme forcenez, qu'il n'y ha ne

101 SUR L E DEUTER. CHAP. IV. 102 prudence ni discretion en eux. Voyla donc ce que

nous avons à retenir de ce passage: c'est assavoir, que si nous ne voulons point mener une vie con-fuse, et que Dieu reprouve du tout, qu'il nous le faut escouter. Et en cela voit-on que valent les bonnes intentions, qu'on appelle, comme il en sera traitté plus au long tantost. Car s'il faut devant que lever le pied pour marcher un pas, que nous ayons escouté Dieu parler, que sera-ce quand chacun sera addonDé à son cerveau, et que nous aurons nostre cupidité tant sauvage? Ne voit-on pas qu'ici en un mot Dieu reprouve tout cela? E t au reste, Moysé monstre que Dieu de son costé nous enseig-nera fidèlement, et en toute intégrité et perfection, moyennant que nous ne refusions point de nous reigler du tout à son obéissance. Or il n'use point d'un seul mot. Il pouvoit dire: Escoute la Loy, escouté les commandemens: il dit: Escoute les sta-tuts et ordonnances. Et en d'autres passages il met Statuts, Ordonnances, Commandemens, Reigles.

Cela n'est point un langage superflu: mais c'est pour nous mieux exprimer, qu'il ne tient qu'à nous, quand nous ne serons bien enseignez, et fidèlement.

Mais quoy? les hommes sont si bouillans, qu'ils ne se peuvent modérer à la simplicité de la parolle de Dieu, pour dire, qu'il leur suffira que Dieu les gou-verne, et qu'ils reçoyvent ce qui leur est proposé en son nom. Les hommes ne peuvent avoir une telle modestie : mais frétillent tousiours après leurs inventions: et cependant enrores s'arment-ils de subterfuges. Comme nous voyons que beaucoup allèguent auiourd'huy, que l'Escriture saincte est bonne: mais qu'il est bon de suppleer aussi à ce qui y défaut: qui est un blaspheme execrable, d'autant qu'on accuse Dieu de ce qu'il n'a point este advise de comprendre tout ce qui estoit requis pour nostre salut: ou bien qu'il nous a porté envie.

Mais tant y a que oeste sentence ici tiendra maugré tout le monde: c'est assavoir, que la Loy de Dieu est une doctrine entière, où il y ha toute perfection:

et quand nostre vie y sera reiglee, il est certain qu'il n'y aura que redire: et que nous ne puissions cheminer en sorte, que si le monde nous condamne, Dieu ne laissera point de nous approuver. E t il nous doit bien suffire de cela. Or cependant Moyse monstre aussi la fin, pourquoy il a enseigné le peuple: non pas afin que un chacun seust ce qui estoit bon, et puis qu'on n'en tinst conte: mais que la vie respondist quant et quant. Dieu donc nous propose une doctrine de pratique, comme on dit.

E t ainsi, ce n'est point assez de cognoistre simple-ment la parolle de Dieu: mais il faut qu'en con-templant son image, nous soyons transfigurez en icelle, comme sainct Paul en parle. Pourquoy donc est-ce que Dieu parle à nous? Ce n'est point afin que nous baissions le menton ou l'aureille,

pour ratifier de bouche, ou par signes ce qu'il aura dit: mais c'est afin que nous donnions approbation en toute nostre vie qu'il est nostre père et nostre maistre, ayant toute preeminence par dessus nons:

et qu'estans ses creatures, nous luy soyons aussi enfans. Notons bien donc quand nous venons ici pour ouyr la parolle de Dieu, que ce n'est point pour retourner comme nous sommes arrivez: mais quand nostre vie aura changé, que nous aurons apprins de nous conformer à ce que Dieu nous monstre: voila quel en est le vray usage. Autre-ment nous prophanons la parolle de Dieu, et serons coulpables de sacrilege, ayans anéanti la vertu d'icelle. Mais quoy? tant s'en faut que ceci soit observé de ceux qui se nomment auiourd'huy Chrestiens: qu'au lieu d'accomplir ce qui leur est commandé, ils ne daignent pas mesmes approcher pour estre enseignez d'un seul mot: qui pis est, ils fuyront toute doctrine. On en verra qui se vante-ront assez d'estre fidèles: et toutesfois il ne fant point d'autre examen pour cognoistre quels ils sont, qu'on les voit contempteurs de la parolle de Dieu plus que ne seront les Turcs ou les Iuifs. Car ceux-là encores auront quelque reverence à leur religion: et ces diables, qui sont au milieu de nous, viendront au sermon comme des chiens, et des.

taureaux, sans honnesteté ni modestie aucune. Les autres y viendront pour dormir : qu'il semble qu'ils vueillent despiter Dieu manifestement, et luy cra-cher au visage: il semblé qu'ils vueillent monstrer un signe de villenie et de brutalité, comme ils sont exécrables. Bref, quand ils ne parleront point, si est-ce qu'ils portent leur marque au front, qu'on peut voir à l'oeil qu'ils ne demandent sinon à obs-curcir la gloire de Dieu entant qu'en eux est. Les autres font semblant d'escouter, et feront le niquet, comme on dit: mais en leur vie que trouvera-on?

une rebellion désespérée. Or tant y a que la parolle de Dieu n'a point changé de nature. Que si nous n'advisons de nous conformer à icelle, il faudra que nous venions à conte, d'autant que nous aurons pollué une chose si saincte, et que Dieu avoit dé-diée à un usage si digne, et si noble. Or cepen-dant Moyse adiouste, que Dieu ne demande rien pour soy, ni pour profit qu'il en reçoyve, mais que c'est pour nostre salut. Afin (dit-il) que tu entres en la terre qui t'est donnée en heritage, et que tu la possèdes. E n ceci Moyse proteste que Dieu n'attend de nous ne chaud ne froid: comme aussi il n'ha nécessité de rien: mais c'est à nostre profit, qu'il nous veut avoir à son service. Il se pourra passer de nous: mais tant y a qu'il nous veut avoir, et veut qu'un chacun de nous souffre d'estre gouverné de luy. Quand donc nous voyons que Dieu en tout et par tout declare une telle amour, et une telle solicitude de nostre salut, ne sommes-nous

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103 SERMON XIX. 104 point plus que sauvages, si encores nous sommeB

difficiles à nous ranger, et que nous ne puissions venir a luy qu'avec regret? Si Dieu vouloit seu-lement commander d'une façon precise: nous som-mes tenus de faire ce qu'il nous dira: voire, et quand il useroit de plus grande rigueur beaucoup, si est-ce qu'encores ne pouvons-nous pas nous ac-quitter du devoir que nous avons envers luy. Or il se démet de oeste authorite-la, comme s'il quittoit une partie de son droit : et use d'un autre langage : Vous me devez tout, car vous estes miens: mais si est-ce qu'encores en recognoissant le service que vous me ferez, ie vous monstreray que ie vous tien pour mes enfans, et vous sentirez mes graces et benefices en toutes sortes: bref vous ne perdrez point vostre peine. Quand donc Dieu condescent ainsi à nostre rudesse: ne devons nous point estre estonnez d'une telle bonté? Et quand il y auroit tous les empeschemens du monde en nous, cela ne devroit-il pas estre du tout anéanti? Autrement, quelle ingratitude sera-ce? Ainsi apprenons, toutes fois et quantes que Dieu avec ses commandemens adiouste les promesses, que c'est pour nous gagner par douceur: voyant que nous sommes tant tardifs, que c'est pitié: qu'il nous allèche, comme si un père flattoit ses enfans, par manière de dire: voila ce que nous avons à recueillir. Or quand nous aurons bien retenu ceste doctrine: nous ne dirons pas comme les papistes : Que puis que Dieu promet recompense à ceux qui l'ont servi, que de là on voit que nous méritons, et qu'il y ha comme une obligation mutuelle entre luy et nous. Or tout à l'opposite, quand Dieu nous promet de nous bien faire, ce n'est pas que nos services soyent méritoires envers luy, ne qu'il soit ou puisse estre tenu envers nous en rien : mais il fait cela de sa bonté gratuite, comme nous avons desia declairé, quand il se monstre si liberal, de nous quitter son droit. Plus-tost les papistes monstrent bien qu'ils sont enflez d'un orgueil diabolique, quand ils présument ainsi, abusans de la douceur paternelle de Dieu. Il ne sauroit plus faire, s'il ne nous amielloit, comme i'ay desia dit: et cependant les hommes mortels qui ne sont que charongne et pourriture, viendront s'eslever, et diront que c'est bien signe que Dieu est tenu à eux. Or donc retenons que toutes les promesses que Dieu nous met en avant pour nous inciter à son service, et nous donner courage, ne sont point pour nous monstrer qu'il nous doive rien, ou que nous puissions rien mériter envers luy : mais que là nous avons un tesmoignage de sa bonté gra-tuite: car il s'oblige à nous1 de son bon gré, combien qu'il ne nous puisse rien devoir. Outreplus il nous faut noter, quand Moyse parle, qu'il propose en premier lieu la Loy, afin de conduire le peuple pluB loin. Car en la Loy nous savons quel est

nostre office, et quelle doit estre nostre vie: c'est assavoir, d'aimer Dieu de tout nostre coeur, de tout nostre sens, de toutes nos affections et vertus: et d'aimer nos prochains comme nous-mesmes. Or ayans cogneu cela, il nous faut regarder si nous le pouvons faire ou non. Or tant s'en faut que nul homme vivant s'en puisse acquitter, que nous ne pourrions remuer un doigt pour commencer. Nous sommes donc tous coulpables devant Dieu. Et que nous reste-il? C'est que nous ayons nostre refuge à sa grace. Et puis que nous adioustions en second lieu de demander à Dieu, qu'il nous soit propice en nous pardonnant nos péchez. Et puis, d'autant qu'il nous voit non seulement debiles au bien, mais du tout impuissans, qu'il n'y ha en nous que corruption : qu'il luy plaise nous reformer. Et quand il nous aura fait prescher sa Loy, qu'il l'engrave aussi en nos coeurs, et qu'il nous donne affection telle, que nous ne cerchions qu'à luy servir. Yoila donc la procedure que nous avons à tenir quand il est dit que la Loy nous est annoncée, afin que nous servions à nostre Dieu: comme aussi il tend à ceste fin-la, de monstrer aux hommes ce qu'ils luy doivent. Or cependant examinons toutes nos facultez: et nous trouverons que nous voila comme accablez, et que nous sommes tous maudits et dam-nables, si Dieu n'adiouste une médecine qui soit pour nous retirer de la malediction, laquelle la Loy nous apporte. Et voila pourquoy S. Paul monstre, que si les hommes se vouloyent tenir à la Loy, que tous seroyent damnez, qu'il n'y auroit plus d'espérance de salut. Et pourquoy? Il est escrit:

Qui fera ces choses, il vivra en icelles. Or main-tenant, dit sainct Paul, qu'on regarde, qu'un chacun espluche toute sa vie: y ha-il si habile homme, qui se puisse vanter d'avoir satisfait à Dieu?

nous sommes tous rebelles. Puis qu'ainsi est, il n'y ha plus de vie en la Loy : mais il faut plustost recourir à la remission gratuite de nos péchez:

et sur tout demander à Dieu, qu'il nous donne la vertu de faire ce que nous ne pouvons point. Ainsi au lieu que les Papistes s'enyvrent de leurs ima-ginations diaboliques, de leurs oeuvres méritoires, et de choses semblables: cognoissons que nostre Seigneur, après nous avoir convié avec douceur, nous adiouste une grace seconde: c'est que combien que nous ne sachions pas faire en tout et par tout ce qu'il nous commande, qu'il nous supporte comme un père ses enfans, et qu'il ne nous impute point nos péchez, qu'il reçoit nos services que nous luy ferons à demi comme s'ils estoyent bons et parfaits:

non pas pour quelque dignité qu'il y trouve, mais pource qu'il veut faire office de père envers nous.

Voila pour un item. Et puis il y ha encores la troisième grace, dont il use. C'est qu'il engrave sa Loy en nos coeurs: que voyant que nous avons

105 SUR LE DEUTER. CHAP. IV. 106 des coeurs durs comme pierres, ou enclumes, qu'il

les amolit, comme s'ils estoyent de chair: qu'il les adoucit sous son obéissance. Et non seulement il nous prepare ainsi pour le servir: mais il nous

les amolit, comme s'ils estoyent de chair: qu'il les adoucit sous son obéissance. Et non seulement il nous prepare ainsi pour le servir: mais il nous

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