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Chapitre 2. Problématique et hypothèses

3. Vivre son adolescence avec un passé de cancer

6.3. Sentiment d’auto-efficacité

Issue des courants béhavioristes et cognitiviste, la théorie sociocognitive conçoit le fonctionnement et le développement psychologique comme dépendant de trois facteurs qui sont en interaction : le comportement, l’environnement et la personne. Les individus sont considérés comme auteurs de leur vie, en ayant le contrôle et la possibilité de réguler leurs actions (Rondier, 2003). Cette théorie indique que les processus cognitifs sont des médiateurs puissants vis-à-vis des influences environnementales (Carré, 2004).

Le modèle de l'auto-efficacité repose quant à lui sur la croyance qu’a une personne sur sa capacité à pouvoir provoquer des changements grâce à ses propres efforts. La notion a été développée en 1977 par Bandura, qui a défini le sentiment d'efficacité personnelle comme étant le fondement de la motivation de l'individu et la croyance en sa capacité à mobiliser les ressources nécessaires pour maîtriser un événement. Selon Bandura, il est nécessaire que les personnes soient convaincues que grâce à leurs actions, elles vont pouvoir obtenir les résultats attendus, sinon, elles n’auront pas de raisons de persévérer dans leurs motivations (Carré, 2004).

Ce concept repose sur deux croyances. La première s'appuie sur le fait que les résultats obtenus sont le fruit de nos efforts personnels, et la seconde sur le fait d’être persuadé d'avoir en soi les ressources nécessaires pour atteindre l’objectif choisi. La première serait la plus importante pour la personne car cette dernière pourra ainsi moduler son comportement face à un événement stressant. En effet, un individu qui croit en ses capacités sera plus à même de gérer la situation. La manière dont nous allons faire face devant un événement stressant dépend de plusieurs éléments. Ce sont notamment nos expériences passées qui accroissent ou non la croyance en nos propres capacités. Ces expériences peuvent avoir un impact positif sur notre manière de voir l'avenir, ou au contraire trop d'expériences négatives peuvent influencer notre façon d'envisager le futur sous un angle négatif, car la personne ne ressent plus sa capacité à agir positivement. Par la suite, le fait d'avoir dépassé une épreuve devient un facteur de renforcement du sentiment d’auto-efficacité, car la personne sait qu’elle est en mesure de surmonter une situation compliquée (Fischer et Tarquinio, 2006).

Selon Rondier (2003), il existe différentes sources au sentiment d’efficacité personnelle : 1/ l’expérience active de maîtrise où l’individu a le contrôle personnel des actions à effectuer : plus il va réussir lors d’expérimentations diverses, plus il aura un sentiment d’auto-efficacité élevé ; 2/ l’expérience vicariante, ou indirecte, qui consiste à observer les comportements d’autrui et par comparaison, à augmenter ou diminuer le sentiment d’efficacité personnelle ; 3/ la persuasion verbale, à travers des suggestions, des avertissements, des conseils et des interrogations ; 4/ les états physiologiques et émotionnels : en fonction de ces états, l’efficacité personnelle d’un individu peut également être modifiée. En fonction de l’individu et du contexte, ces quatre sources peuvent se conjuguer pour favoriser l’efficacité personnelle d’une personne.

Bandura, Caprara, Barbaranelli, Regalia et Scabini (2011) expliquent que si les individus ont peu d'efficacité personnelle perçue, ils auront peu d'intérêts à se battre contre les événements stressants. Ils se jugeront peu compétents à s'engager et à par exemple faire face à l'annonce d’un diagnostic dans le cas de l’épreuve du cancer, car pour ces personnes, le fait de se battre et d’avoir des buts aura moins d'importance vu qu'ils ne se sentent pas en possession des capacités nécessaires pour faire face à cet événement. De la sorte, grâce à la pensée réflexive, l’utilisation de ses connaissances antérieures et de ses compétences, une personne pourra consolider son sentiment d’auto efficacité, et ajuster son comportement pour réussir à s’adapter à une situation stressante (Resnick, 2014).

La maladie est une expérience qui peut entraver les capacités d’adaptation des individus et ainsi impacter la qualité de vie (Merluzzi, Nairn, Hedge, Martinez Sanchez et Dunn, 2001). Bandura (1997) a montré que les patients avec des capacités d’adaptation associées à un sentiment d’auto-efficacité élevé étaient plus enclins à développer des stratégies efficaces en s’ajustant aux contraintes liées à la maladie, comparativement aux personnes avec une auto-efficacité faible. Les patients sont ainsi plus en mesure de développer les ressources nécessaires pour répondre aux défis liés à la gestion des stresseurs, notamment en déployant de meilleures capacités d’ajustement.

Un sentiment d’auto-efficacité élevé peut être considéré comme une ressource d’adaptation pour les adolescents ayant connu l’expérience de la maladie (Park et Folkman, 1997), car le sentiment d’auto-efficacité a une influence sur l’accomplissement

des buts personnels, la motivation et la résilience (Foster et al., 2014). Par ailleurs, les patients qui ont un sentiment d’auto-efficacité élevé seront plus en mesure de faire face au stress lorsque des résultats positifs sont attendus (Bandura, 1997), ainsi que de trouver des avantages à leur situation (Luszczynska, Mohamed et Schwarzer, 2005). Dans leur étude, Luszczynska et al. (2005) ont montré que les patients atteints du cancer ayant un sentiment d’auto-efficacité élevé pouvaient se concentrer sur des opportunités annexes facilitant leur adaptation à la maladie. Ils seraient également plus en mesure de se concentrer sur les éléments positifs pour faire face à la maladie. Yeung et Lu (2014) ont notamment montré que les affects positifs ont une influence sur l’amélioration de la qualité de vie, alors que des affects négatifs entrainent une baisse du sentiment d’auto- efficacité, et donc de la qualité de vie. Selon Bandura (1997), le sentiment d’auto- efficacité serait également lié à l’ajustement des buts et à la résilience face aux situations de stress. De plus, des études ont effectivement démontré que le sentiment d’auto- efficacité est positivement associé à une bonne qualité de vie, aussi bien physique que psychologique (Hochhausen et al., 2007 ; Mosher, DuHamel, Egert et Smith, 2010). De manière générale, un sentiment d’auto-efficacité élevé serait liée à une meilleure acceptation des événements de la vie et à une évolution personnelle positive, mais ne permettrait cependant pas de meilleurs rapports au sein des dyades (Luszczynska et al., 2005). En effet, le sentiment d’auto-efficacité d’une personne dépend avant tout du système de croyances personnelles de l’individu (Tedeschi, Park etCalhoun, 1998). Dans de nombreuses études, le coping semble notamment corrélé au sentiment d’efficacité personnelle d’une personne. En effet, déjà en 2002, Rose, Fliege, Hildebrandt, Schirop, Klapp, 2002) posaient l’hypothèse que le sentiment d’auto efficacité était positivement associé à l’utilisation d’un coping actif et d’un bien-être psychologique alors qu’un manque de sentiment d’auto efficacité était lié à une baisse de l’utilisation d’un coping actif et d’une détresse psychologique (Muris, Schmidt, Lambrichs, Meesters, 2001).