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CHAPITRE II : ESTIMATION DE LA SENSIBILITÉ 53

2. Travaux antérieurs 55

2.4. Sensibilité au stress thermique et stabilité thermique 86

De nos jours, les méthodes de calculs sur la cinétique de décomposition et la stabilité thermique des EMs sont peu étendues. Seuls les explosifs en poudres polymérisés (PBXs) à base de HMX, de RDX ou encore de TATB ont fait l’objet d’études. D’autres PBXs plus innovants en terme de performance à base de CL-20, de TNAZ, de NTO et de BCHMX sont en phase d’élaboration. Les PBXs sont des matériaux explosifs dans lesquels la poudre est mise en forme par un liant polymère. La nouvelle génération de PBXs vise à être plus performante en termes d’insensibilité, de haute densité, d’énergie et d’intégrité mécanique. La matrice polymère absorbe les chocs, rendant le tout insensible à un accident en apportant une certaine « immunité » au feu et à l’impact d’une balle.

Les aspects à étudier pour la nouvelle génération de molécules incluent à la fois la formulation et le procédé de fabrication, l’initiation et la sensibilité, la décomposition thermique et la stabilité, les propriétés mécaniques ainsi que les paramètres de détonation. Les paramètres de stabilités thermiques tels que le délai d’explosion, la température critique, la limite de thermo stabilité, la température d’autoallumage après 500 jours et l’approximation du temps d’explosion peuvent être calculés à partir des données cinétiques (Chovancova and Zeman 2007). Les dispositifs expérimentaux DSC, ATD et ATG présentés précédemment dans ce manuscrit sont utilisés pour mesurer la cinétique de décomposition ainsi que les propriétés thermodynamiques. La stabilité thermique évalue la violence d’un évènement d’auto-allumage dont la sévérité peut varier de la simple rupture bénigne du confinement à une violente détonation. L’évaluation de la stabilité thermique se fait généralement par la mesure de la température de décomposition (TD), de la chaleur de décomposition (-ΔH) et de

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2.4.1. Méthodes basées sur l’énergie de dissociation de la plus faible liaison

Le caractère homolytique de la plus faible liaison par décomposition thermique est étudié par Zeman et ses collaborateurs.

La relation de Evans-Polanyi-Semenov (EPS) permet d’étudier le micro mécanisme chimique d’inflammation d’un EM (Zeman, Kohlicek et al. 2003). La relation EPS originale décrit la relation entre l’énergie d’activation Ea (en kJ.mol-1) et la chaleur de réaction (en

kJ.mol-1) des réactions correspondantes :

- : constante pour une série de molécules données (kJ.mol-1)

- : « non-dimensional gradient » pour une série de molécules étudiées (adimensionné)

Au moyen d’approximations liant la chaleur de réaction et la vitesse de détonation , ils définissent le facteur de réactivité thermique noté (avec R constante des gaz parfaits) évaluant la stabilité thermique :

Les constantes et sont obtenues par régressions linéaires multiples. Ainsi, en utilisant des résultats expérimentaux d’ATD pour 11 nitramines, ils ont établi un lien entre la réactivité thermique et la charge (en eV) de l’atome N du groupement NO2 de la plus

faible liaison (Zeman and Friedl 2004; Zeman, Friedl et al. 2006) :

Les résultats sont bons pour des nitramines de structures proches, sachant que seulement 11 nitramines ont été étudiées. Cette approche a été très peu suivie pour la sensibilité au stress thermique.

2.4.2. Méthodes basées sur la composition élémentaire et les paramètres de la structure moléculaire

Keshavarz et ses collaborateurs ont peu étudié la sensibilité thermique. Une étude se penche sur l’estimation de la température de décomposition d’arènes nitrés et une seconde sur

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l’enthalpie de décomposition de nitroaromatiques. Seule la composition élementaire et les paramètres de la structure moléculaire sont utilisés dans les relations.

La relation pour estimer la température de décomposition TD est obtenue à l’aide de 12

arènes nitrés (Keshavarz, Pouretedal et al. 2009). Les paramètres de structures sont très spécifiques (exemple : nombre de groupements 1,3,5-trinitrobenzène dans la molécule) puisque les composés étudiés sont similaires et la relation n’est pas intéressante.

En revanche, ils ont récemment étudié une large gamme de 77 composés afin d’établir une corrélation pour estimer l’enthalpie de décomposition de nitroaromatiques (Keshavarz, Ghani et al. 2015). Une relation simple de Saraf et al. pour des nitroaromatiques propose de multiplier le nombre de groupements NO2 pour avoir un ordre d’idée de l’enthalpie

de décomposition (Saraf, Rogers et al. 2003):

En ce sens, pour une meilleure précision, Keshavarz et al. ont établi leur relation en ajoutant les contributions négatives ( ) et positives ( ) de l’enthalpie de décomposition. La présence de liaisons et groupements spécifiques alimentent les valeurs de ces paramètres (non présentés en détail ici).

Un coefficient de régression linéaire de 0,94 est obtenu pour les 59 molécules de la base de données pour l’établissement et seulement 0,78 pour les 19 composés de la base de données de validation.

Un problème majeur se pose lorsque l’on veut estimer la sensibilité d’un composé polyfonctionnel. La précision des résultats se base sur des paramètres structuraux de composés de sensibilités connues. Ce qui va à l’encontre de la recherche de nouveaux EMs.

2.4.3. Méthodes QSAR/QSPR et algorithmes mathématiques

Plusieurs modèles ont été développés pour estimer la sensibilité thermique sans être convainquants. Du fait du manque de données expérimentales, tous sont exclusivement basés sur l’étude de nitroaromatiques.

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dipolaire électrique, la délocalisation des électrons et la charge atomique. Néanmoins le coefficient de régression obtenu de 0,6 est très faible.

Des descripteurs dérivés du potentiel électrostatique sont utilisés par Sang et al. pour 22 composés (Sang, Zou et al. 2011). Une relation fiable est trouvée (R²=0,928) avec trois descripteurs : la somme des potentiels positifs, la moyenne des potentiels négatifs et le potentiel électrostatique positif maximal sur la surface moléculaire. Néanmoins les molécules sont similaires et le modèle non validé.

Ensuite, Fayet et son équipe ont mené plusieurs études sur le sujet (Fayet, Joubert et al. 2009; Fayet, Rotureau et al. 2009; Fayet, Rotureau et al. 2010; Fayet, Rotureau et al. 2010). Les premières étaient basées sur 22 composés et deux relations ont été proposées. La première implique 6 descripteurs (le moment dipolaire, la polarisabilité, l’énergie d’atomisation, le potentiel d’ionisation, la rugosité chimique et l’indice d’électrophilicité) donnant un coefficient de régression linéaire de 0,91 et la seconde 3 descripteurs (nombre d’atomes d’azote, ordre de liaison moyen de l’atome d’azote, indice maximal du caractère électrophile de l’atome d’oxygène) pour un coefficient de 0,98.

Plus récemment, ils ont utilisé un set plus conséquent de 77 nitroaromatiques et développé une nouvelle relation avec 4 descripteurs (Fayet, Rotureau et al. 2011) :

Avec

- : nombre de groupements NO2

- : indice de réactivité moyen pour 1 électron

- : polarisabilité (en unité atomique a.u.)

- : indice d’information de contenu moyen (ordre 0)

Les descripteurs impliqués dans la relation sont difficilement calculables pour un grand nombre de molécules. La relation est satisfaisante avec un coefficient de régression linéaire de 0,84 mais échoue lors de la validation. Dans les équations de Fayet et al., peu de descripteurs sont repris d’une étude à l’autre et aucune relation n’a pu être validée.

Un algorithme génétique (QSARINS) a permis à Li et al. de travailler sur la même base de 77 molécules (Li, Liu et al. 2013). Ils présentent un algorithme plus fiable qu’une

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approche QSPR pour établir une équation. Cependant, comme précédemment pour l’étude de la décharge électrostatique, les descripteurs utilisés sont difficilement calculables (indices d’autocorrélations 2D, etc) et ne présentent pas d’intérêt pour l’étude.

De manière générale, les études sur la sensibilité thermique ne sont pas convainquantes et aucun modèle n’a fourni de bons résultats pour une gamme de composés variés. Premièrement, parce qu’un tel set de données expérimentales n’est pas disponible dans la littérature. Et deuxièmement, parce que peu de propriétés similaires sont retrouvées dans les différents travaux, ce qui montre la complexité du sujet.