• Aucun résultat trouvé

3. Survol des principales conclusions tirées des expérimentations à l’échelle laboratoire

3.2. Sensibilité accrue du catabolisme du xylose aux inhibiteurs de fermentation

fermentation

Comme il a été révisé dans la section 2.7, les inhibiteurs ubiquitaires aux hydrolysats lignocellulosiques posent un défi d’importance quant au rendement et à la productivité d’un procédé de fermentation. La section 10.3 rapporte les tests ayant été faits afin de tester la résilience de la souche LOMG1 face aux inhibiteurs les plus communs.

1 Ce commentaire s’adresse principalement aux milieux de fermentation testés ayant reçu un fort inoculum et

n’affichant pas nécessairement de croissance cellulaire, mais plutôt un maintien de la concentration cellulaire, ce qui est signe d’une bonne vitalité (autrement dit, une absence de mort cellulaire).

30

Bien qu’une baisse nominale de rendement a souvent été observée à des concentrations entre 1 et 10 g/L d’acide acétique, ces observations ne sont pas statistiquement significatives vu l’erreur sur les données. Il en découle que la présence d’acide acétique peut avoir un effet néfaste sur le rendement de la fermentation, mais cela est faible et négligeable en comparaison à son effet sur la croissance cellulaire. Effectivement, l’acide acétique agit principalement comme inhibiteur de la croissance cellulaire chez LOMG1, tel que le démontrent les données de croissance cellulaire de la série d’essais #19 (section 10.3.4). Cette inhibition de la croissance cellulaire se traduit en une sévère baisse de productivité. À cet effet, le Tableau 3.2 compile les baisses en productivité enregistrées dans les milieux contenant de l’acide acétique. Il apparait que la productivité éthylique xylolytique est la plus sévèrement affectée.

Tableau 3.2 : Diminution sur les performances de fermentation des milieux contenant de l’HAc*

*La diminution est donnée en % par rapport au milieu de référence ne contenant pas d’HAc. Acronymes : « QEth » -

Productivité éthylique moyenne sur une période donnée; « QEth_Xyl » - Productivité éthylique en phase xylolytique;

« QEth_Glu » - Productivité éthylique en phase glucolytique

Le furfural est aussi reconnu comme étant inhibiteur de la croissance, affectant également le rendement éthylique. En effet, la série d’essais #16 rapporte de sévères baisses en rendement dans des milieux de fermentation contenant de l’acide acétique et du furfural, soit : une baisse de 14% en rendement pour les milieux contenant 1 et 2 g/L de furfural. Sachant que l’acide acétique n’a qu’un faible impact sur le rendement, ces diminutions sont attribuables au furfural. Ceci est supporté par la littérature, tel que discuté dans la section 2.7.

L’effet du HMF seul et en combinaison avec l’acide acétique a été étudié dans la série d’essais #19. Les résultats montrent que, tout comme le furfural, le HMF affecte le rendement et la productivité de la fermentation. Le Tableau 3.3 montre les performances de fermentations contenant du HMF en comparaison avec un milieu « propre ». Il apparait encore que la productivité éthylique xylolytique soit la mesure la plus sévèrement touchée, bien que le rendement soit aussi affecté. Les résultats présentés dans la section 10.3.4 montrent aussi que le HMF est un inhibiteur plus puissant que l’acide acétique sur une base massique. 2.5 g/L d’HMF diminue le rendement de 14%, la productivité éthylique xylolytique de 83% et la croissance cellulaire de 57%, alors que 3 g/L d’acide acétique ne diminue pas le rendement de façon significative, la productivité xylolytique de 42% et la croissance cellulaire de 36%.

#ID HAc (g/L) QEth @24h QEth @48h QEth @72h QEth_Xyl QEth_Glu E19-5 1 -2% -5% -4% -13% -3% E05-2 2.5 10% -19% -21% -41% 25% E05-5 2.5 -4% -21% -21% -30% -6% E19-9 3 -26% -13% -12% -42% -8% E04-2 3.5 10% -9% -16% -36% ND E05-6 8 -72% -54% -59% -73% -58% E04-3 9.5 -50% -41% -50% -89% ND E05-3 9.5 -53% -37% -47% -74% -45% Diminution p/r au milieu sans HAc

31

Tableau 3.3 : Diminution sur les performances de fermentations des milieux contenant du HMF*

*Acronymes : « Ymax » - Rendement maximal obtenu durant la fermentation; « QEth » - Productivité éthylique moyenne sur

une période donnée; « QEth_Xyl » - Productivité éthylique en phase xylolytique; « QEth_Glu » - Productivité éthylique en phase

glucolytique; « Erreurs » sont les erreurs absolues sur les mesures

Plusieurs méthodes de détoxification ont été testées afin d’essayer de minimiser la présence ou l’impact des inhibiteurs sur les performances de fermentation. Une discussion complète des résultats est rapportée à la section 10.4. L’effet le plus problématique des inhibiteurs reste qu’ils diminuent sévèrement la productivité xylolytique, et ce même à faible dose. Il semble que le métabolisme du xylose chez LOMG1 soit plus sensible aux inhibiteurs que le métabolisme du glucose. Ce phénomène n’a pas été relevé dans la littérature et il reste difficile d’en concevoir la raison.

[Horvath et al., 2003] offre une explication potentielle. Ils ont analysé les flux des principaux chemins métaboliques chez S. cerevisiae lors de fermentations contenant du furfural et leurs résultats montrent une diminution de l’activité de la voie métabolique des pentoses phosphates (PPP) en présence de furfural. Or, le PPP est un des chemins métaboliques principaux dans la biosynthèse de biomasse et aussi la porte d’entrée du xylose dans le chemin de la glycolyse. Il est envisageable qu’en réponse à un stress (ex : furfural ou acide acétique) la levure hausse la régulation du chemin de la glycolyse afin d’augmenter le taux de production d’ATP et régule à la baisse les chemins métaboliques de réplication cellulaire jusqu’à ce que ce stress soit estompé. En anaérobie, la production d’éthanol à partir de glucose suivant la voie de la glycolyse est le chemin métabolique ayant le plus haut taux de production d’ATP. Il a d’ailleurs été démontré que la voie de la glycolyse était régulée en hausse lors de l’addition de furfural au milieu de fermentation [Horvath et al., 2003].

Dans une optique de biologie évolutive, ce phénomène serait sensé; l’organisme préconisant sa survie avant d’initier sa réplication qui est exigeante en énergie et en ressources. L’ATP excédentaire serait plutôt utilisée afin de maintenir l’homéostasie cellulaire (ex : pH du cytosol), et afin de convertir et sécréter les inhibiteurs. Il devient donc apparent qu’en régulant à la baisse le PPP, le catabolisme du xylose s’en trouve aussi diminué. De plus, une fois le glucose épuisé, la cellule ne régulera pas nécessairement le PPP à la hausse afin d’augmenter la génération d’ATP à partir du xylose, chose qui paraîtrait « logique ». Effectivement, de telles réponses métaboliques sont complexes et n’ont fort probablement pas été insérées par génie génétique chez LOMG1; les voies métaboliques indigènes étant généralement beaucoup plus finement régulées en accord aux stimuli environnementaux qu’une voie artificiellement insérée. Tous les détails du génie génétique appliqué sur LOMG1 n’étant pas connus, il est difficile de savoir exactement quels sont les véritables causes et effets des éléments ici discutés.

#ID Nom Ymax

QEth @24h (g/L-h) QEth @48h (g/L-h) QEth @72h (g/L-h) QEth_Xyl (g/L-h) QEth_Glu (g/L-h) E19-1 g/L 0 HAc - 0 HMF 84.8% 2.60 1.63 1.13 0.60 3.21 E19-2 g/L 0 HAc - 0.5 HMF 84.1% 2.54 1.57 1.10 0.56 2.90 E19-3 g/L 0 HAc - 2.5 HMF 76.4% 1.27 1.16 0.78 0.10 1.06 E19-4 g/L 0 HAc - 5 HMF 77.7% 0.73 0.89 0.67 0.00 0.92

32

Seul dans des milieux de fermentation complètement exempts d’inhibiteurs a-t-on observé des productivités éthyliques xylolytiques potentiellement acceptables pour un éventuel procédé industriel (ex : E18-1, E18-2 et E19-1). Cela n’est pas encourageant pour la fermentation du xylose, car il n’existe pas encore de méthode de détoxification à faibles coûts pouvant retirer la grande majorité des inhibiteurs ubiquitaires des hydrolysats lignocellulosiques. Néanmoins, cela n’écarte pas la possibilité de ne fermenter que les hydrolysats cellulosiques, en utilisant des levures conventionnelles reconnues comme étant plus robustes que leurs homologues génétiquement modifiés, mais ne pouvant pas fermenter le xylose.