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Ingénierie métabolique et évolutive appliquée aux microorganismes afin d’optimiser la

2. État de l’art

2.6. Ingénierie métabolique et évolutive appliquée aux microorganismes afin d’optimiser la

afin d’optimiser la fermentation des hydrolysats de MLC

Les déficiences métaboliques des espèces microbiennes sauvages possédant le plus de potentiel pour la fermentation des hydrolysats lignocellulosiques ont été exposées précédemment. À ce jour, aucun microorganisme ne possède naturellement toutes les caractéristiques souhaitées d’un candidat pour la production d’éthanol lignocellulosique par procédé DMC. Les attributs recherchés sont dispersés à travers une multitude d’espèces, ainsi, le génie génétique est devenu le cheval de bataille de la recherche pour l’ingénierie d’un organisme génétiquement modifié pouvant accomplir la conversion efficace de la lignocellulose en bioéthanol (soit un biocatalyseur). La recherche mondiale pour un tel microorganisme semble s’effectuer en deux temps : depuis les années 90 [Zhang et al., 1995], le focus est de créer en premier temps un organisme capable de fermentation éthylique efficace à partir des pentoses et des hexoses sous leur forme mono-saccharidique. Or, ce jalon de la recherche semble avoir été franchi par quelques équipes de recherches (voir Annexe A : Tableau synthèses des biocatalyseurs). En un deuxième temps, la science tentera d’exprimer les gènes de production et sécrétion des enzymes saccharolytiques de la lignocellulose, tel que les cellulases, les hémicellulases et les enzymes modifiant la lignine (LME; lignin-modifying enzymes) [Balat, 2011; Gnansounou et Dauriat, 2010]. Cette section se concentre sur l’état de la recherche dans le domaine de la création d’organismes modifiés génétiquement et optimisés pour la fermentation des pentoses, en l’occurrence le xylose et, et de façon moins importante, l’arabinose. Afin de construire un tel microorganisme, la recherche emploie principalement 3 voies du génie génétique :

1. L’insertion et l’expression de gènes hétérologues servant au métabolisme des pentoses chez une souche microbienne ne pouvant naturellement pas ou inadéquatement fermenter les pentoses; 2. L’ingénierie métabolique servant à augmenter ou réprimer l’expression de gènes sauvages

interférant avec le métabolisme de la fermentation;

3. L’ingénierie évolutive se servant de diverses pressions sélectives dans les milieux de culture afin d’obtenir des mutants aux propriétés améliorées.

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La diversité des méthodologies spécifiques utilisées par les différents groupes de recherche est grande et les détails dépassent la portée de cette revue, ainsi, seulement les méthodes générales et les microorganismes ayant donné les meilleurs résultats à ce jour sont présentés ici. L’Annexe A : Tableau synthèses des biocatalyseurs résume ces résultats. Noter que [Kuhad et Singh, 2007] offrent une revue exhaustive à ce sujet.

2.6.1. E. coli

Chez E. coli, comme toutes autres bactéries entériques, les hexoses et les pentoses sont majoritairement métabolisés en un intermédiaire commun, le pyruvate, qui est subséquemment converti en une variété de sous-produits de la fermentation (voir Figure 2.5). Chez E. coli, la voie de la glycolyse est celle d’Embden-Meyerhof-Parnas (EMP). Cette voie catalyse la conversion des hexoses en pyruvate générant 2 molécules d’ATP. Suite à la formation du pyruvate, E. coli possède les voies hétéro-fermentaires initiée par la pyruvate-formate-lysase (PFL) produisant une quantité équimolaire d’acétate, d’éthanol et de formate. Z. mobilis utilise la voie glycolytique d’Entner-Doudoroff (ED). Cette voie génère 1 molécule d’ATP par molécule d’hexose converti en pyruvate. De plus, Z. mobilis arbore la voie homo-fermentative de la PDC/ADH ce qui le rend hautement efficace pour la production d’éthanol [Ingram et al., 1999].

Figure 2.5 : Présentation schématique des voies hétéro-fermentaire présentes chez E. coli et Z. mobilis [Ingram et al., 1999].

Bien qu’il existe plusieurs voies métaboliques de production d’éthanol, seulement celle à 2 étapes de la pyruvate décarboxylase (PDC)/alcool déshydrogénase (ADH), originalement découverte chez les levures, est capable de produire de l’éthanol à très haute efficacité (>90% du maximum théorique) [Ingram et al., 1999]. Les autres voies alternatives de production d’éthanol, entre autres celles retrouvées naturellement chez E. coli, produisent une quasi-équimolarité d’éthanol, d’acide acétique et de formate afin de maintenir l’équilibre redox de la cellule.

La voie fermentative PDC/ADH est retrouvée communément chez les levures, ainsi que chez une seule espèce bactérienne : Z. mobilis [Buchholz et al., 1987]. Cette voie consiste en deux réactions

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enzymatiques: la décarboxylation du pyruvate en acétaldéhyde par la PDC, suivie de la réduction de l’acétaldéhyde en éthanol par l’ADH. Tout comme S. cerevisiae, Z. mobilis est limitée dans la variété des substrats qu’il peut assimiler, mais utilisant la voie PDC/ADH, son rendement de production d’éthanol est très élevé. Cela est dû à l’action de l’enzyme PDC, qui catalyse la conversion irréversible du pyruvate en acétaldéhyde [Ingram et al., 1999].

Les efforts ont donc été concentrés à insérer les gènes de Z. mobilis codant pour la PDC et pour la ADHII de façon fonctionnelle chez E. coli. Cela a été réussi et des souches éthanologéniques d’E. coli ont été créées [Alterthum et Ingram, 1989; Ingram et Conway, 1988; Ingram et al., 1989; Neale et al., 1988; Ohta et al., 1990]. Suite à cette réussite, d’autres techniques d’ingénierie métabolique ont été utilisées afin d’augmenter les performances de ces souches éthanologéniques, telles que le knockout du gène pfl d’E. coli [Ohta et al., 1991]. Les meilleures souches rencontrées dans la littérature à ce jour sont

présentées à l’Annexe A.

2.6.2. Z. mobilis

Tel que mentionné précédemment, Z. mobilis est un candidat de choix comme biocatalyseur pour la production d’éthanol-carburant à partir d’hydrolysats lignocellulosiques vu ses attributs [Zhang et al., 1995]:

 capacité naturelle de fermentation alcoolique (utilisant la voie PDC/ADH) de haute sélectivité et haute productivité

 haute tolérance à l’éthanol et aux inhibiteurs présents dans les hydrolysats  habilités à fermenter les sucres à faible pH

 organisme généralement considéré comme sécuritaire (GRAS)

Par contre, les souches natives de Z. mobilis ne peuvent pas métaboliser les pentoses dû à un manque au niveau des voies saccharolytiques nécessaires. Conséquemment, l’approche d’ingénierie génétique est de créer un recombinant ayant un bagage exogénote lui permettant d’assimiler et fermenter principalement le xylose et l’arabinose. Le chemin catabolique du xylose à insérer chez Z. mobilis est schématisé à la Figure 2.6.

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Figure 2.6 : Chemin du catabolisme du xylose proposé chez les recombinants de Z. mobilis pour la fermentation des pentoses.

Dans l’encadré de gauche, le chemin métabolique hétérogène à insérer chez Z. mobilis, soit les 4 enzymes encadrées : la XI, la XK, et les 2 enzymes de la partie non-oxydative de la PPP absentes chez Z. mobilis (la TKT et la TAL). Dans l’encadré de droite,

la voie glycolytique d’ED [Zhang et al., 1995].

La xylose isomérase (XI) (gène xylA) et la xylulokinase (XK; gène xylB), généralement provenant de

Xanthomonas campestris et Klebsiella pneumoniae, sont les premières enzymes nécessaires [Zhang et al.,

1995]. Cependant, les souches recombinantes ne contenant que ces gènes ne peuvent toujours pas croître que sur le xylose, faute d’une voie des pentoses phosphates (PPP) fonctionnelle [C. Q. Liu et al., 1988; Feldmann et al., 1992]. L’ajout des gènes hétérologues codant pour la transaldolase (TAL) et la transcétolase (TKT) de la PPP est nécessaire pour convertir le xylose en un intermédiaire de la voie glycolytique d’ED et ainsi compléter une voie xylolytique efficace. Les meilleures souches rencontrées dans la littérature à ce jour sont présentées à l’Annexe A.

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2.6.3. S. cerevisiae : la voie redox et la voie d’isomérisation

Deux stratégies d’ingénierie génétique ont permis d’obtenir des recombinants de S. cerevisiae capables de fermenter les pentoses, principalement le xylose et, à un moindre degré, l’arabinose. Ces deux stratégies diffèrent par la voie empruntée pour convertir le xylose en xylulose : soit le chemin de la xylose isomérase (XI) ou celui de la xylose réductase (XR)/ xylitol déshydrogénase (XDH). Ces deux voies, ainsi qu’une comparaison entre les chemins cataboliques des sucres chez S. cerevisiae, E. coli et Z. mobilis, sont schématisées à Figure 2.4. Ces deux approches sont les plus intéressantes, car S. cerevisiae est naturellement capable de fermenter le xylulose en éthanol puisqu’elle possède une XK, bien qu’elle ne soit que faiblement exprimée chez les souches sauvages [Deng et Ho, 1990].

L’expression chez S. cerevisiae des gènes hétérologues codant pour la XR et la XDH de P. stipitis a été intensivement étudiée [Koetter et Ciriacy, 1993; Eliasson et al., 2000; Tantirungkij et al., 1993; Walfridsson et al., 1997]. Le problème principal de cette stratégie d’ingénierie est le déséquilibre redox découlant de l’utilisation préférentielle des cofacteurs NADPH et NAD+ par la XR et la XDH, respectivement. Plusieurs solutions reposant sur l’ingénierie métabolique ont été apportées pour palier à ce problème, avec différents degrés de succès [Walfridsson et al., 1997; Eliasson et al., 2001; Jeppsson et al., 2003; Jeppsson et al., 2002; Verho et al., 2003; Jeppsson et al., 2006; Traff-Bjerre et al., 2004; Traff et al., 2001].

Suivant ces résultats mitigés, il est suggéré que certaines réactions métaboliques, non liées à l’utilisation de cofacteurs, mais plutôt influençant le flux métabolique des dérivés du xylose dans le métabolisme central, affectent aussi l’efficacité de l’utilisation du xylose chez les recombinants. Dans cette optique, une stratégie de surexpression de la XK sauvage [Eliasson et al., 2001], en plus de la surexpression des 4 enzymes de la PPP non-oxydative (TKT, TAL, ribulose-5-phosphate épimérase (RPE) et ribose-5-phosphate isomérase (RKI)), a été testée. Cependant, ces modifications génétiques n’ont apporté qu’une amélioration de la fermentation du xylulose, alors que la fermentation et la croissance sur le xylose ne se sont pas améliorées [Johansson et Hahn-Hagerdal, 2002]. Cela indique que les réactions en amont forment le goulot métabolique. Cela a été confirmé par Karhumaa et al. (2005), lorsqu’un plasmide multicopies contenant la XR et XDH, inséré dans un recombinant surexprimant la XK et les enzymes de la PPP, a permis d’améliorer grandement la croissance sur le xylose comme seule source de carbone. La seconde stratégie d’ingénierie génétique employée afin de créer une souche de S. cerevisiae pour la fermentation du xylose efficace en anaérobiose est de miser sur la XI catalysant la conversion directe xylose-xylulose. Plusieurs groupes on essayer d’insérer un gène codant pour la XI provenant de bactéries et d’archéobactéries dans S. cerevisiae, mais sans succès; aucun ne parvenant à le faire exprimer de façon appréciable [Gardonyi et Hahn-Hagerdal, 2003; Kuyper et al., 2004]. Ultérieurement,

l’identification d’une XI fongique (encodée par le gène xylA du mycète anaérobe Piromyces sp.) a permis l’expression fonctionnelle de la XI chez S. cerevisiae [Harhangi et al., 2003; Kuyper et al., 2003; Op den Camp et al., 2003]. Suite à cette réussite, d’autres stratégies ont permis d’augmenter l’efficacité de ce type de recombinant, entre autres la surexpression des enzymes de la PPP, l’application d’ingénierie évolutive, l’insertion de gènes réducteurs d’inhibiteurs de type aldéhydes (tel que le furfural et le 5- HMF), permettant la détoxification in situ, et l’expression de transporteurs hétérologues du xylose [Z. L. Liu et al., 2008; Lewis Liu et al., 2009; Ma et al., 2012]. Les meilleures souches rencontrées dans la littérature à ce jour sont présentées à l’Annexe A.

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