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Chapitre III : La perception sensorielle de la texture

1. De la sensation à la perception

Des signaux électriques, prenant naissance au niveau des récepteurs stimulés, sont à l’origine de sensations. Ils sont acheminés par les voix nerveuses jusqu’au système nerveux central qui les intègre, les interprète sous forme de perceptions et les stocke en mémoire sous forme de souvenirs sensoriels.

produit stimulus

système sensoriel /sensations

comportement

physico-chimie / structure

génétique

sémantique / phénomène de société

1.1. Naissance des sensations et différents

sens impliqués

Les sensations visuelles, tactiles et kinesthésiques semblent complémentaires et indissociables lors de la perception de la texture des suspensions telles les purées de fruits. La texture peut être évaluée soit par simple observation, soit par manipulation. La manipulation peut s’effectuer avec ou sans dégustation, directement, entre les doigts, ou bien indirectement à l’aide d’instruments, comme les couverts, ce qui est le plus probable avec les purées de fruits. Le dégustateur s’assimile alors à un capteur de forces en faisant appel aussi bien aux sensations somesthésiques et kinesthésiques.

1.1.1.

La vue

La vue est le sens le plus immédiat. Lors de l’observation d’un produit, les caractéristiques physiques visibles peuvent donner des indications quant à la couleur, la forme, la viscosité, la rugosité, la taille et la concentration en particules de l’aliment. Ce sens permet ainsi d’anticiper la texture des produits avant leur mise en bouche, en faisant appel à la mémoire sensorielle. Par exemple, la couleur d’un fruit traduit son état de maturité et par conséquent donne des indications relatives à sa fermeté, avant sa dégustation (Lawless and Heymann, 1998)

1.1.2.

Le toucher

Le sens du toucher possède le rôle le plus important dans la perception de la texture. Les récepteurs tactiles, ou mécanorécepteurs, sont localisés dans l’épiderme, le derme et l’hypoderme de la peau et des muqueuses (cavité buccale, langue, lèvres, membrane parodontale) (Figure 21). Ces récepteurs correspondent à une large diversité de terminaisons nerveuses libres ou organisées. Les structures les plus organisées se trouvent les plus en profondeur.

Partie 1 : Bibliographie Chapitre III : La perception sensorielle

Figure 21 : Les mécanorécepteurs de la peau glabre (Kandel and Schwartz, 1991)

Les corpuscules de Meissner, en plus des terminaisons nerveuses libres, participent à la sensibilité superficielle dite toucher. Ils détectent le glissement léger d’un objet (Richard and Orsal, 1994) en transmettant des informations directionnelles (Mac Leod and Sauvageot, 1986). Ce type de récepteurs est cependant peu sensible aux détails fins des objets (Johnson, 2001).

Les disques de Merkel (ou disques tactiles) et les corpuscules de Ruffini interviennent dans la sensibilité à la pression. De structure en grappe très simple, les disques de Merkel sont localisés dans les couches les plus profondes de l’épiderme, notamment des lèvres et du bout des doigts (Calas, et al., 1997). Ils sont sensibles à un enfoncement d’au moins 1500 µm et leur sensibilité est spécifique aux angles, aux coins et aux courbes. Ils sont ainsi responsables de la perception de la forme des objets. Les corpuscules de Ruffini, situés dans le derme et proches du tissu conjonctif, sont plus larges mais moins sensibles à la pression que les disques de Merkel (Johnson, 2001). Ils peuvent répondre à des stimuli de pression exercée perpendiculairement mais surtout à des étirements de la peau. Cette sensibilité est directionnelle et ces récepteurs informent le système nerveux central sur les forces et les directions de cisaillement qui affectent la peau.

Enfin, les corpuscules de Pacini, profondément enfouis dans le tissu sous-cutané, répondent à des variations rapides d’intensité de la stimulation (fréquences situées entre 30 et 1500 Hz). Les couches concentriques de leur capsule, constituée d’éléments conjonctifs, leur confèrent une fonction amplificatrice importante, mais accompagnée d’une perte de l’information

corpuscules de Ruffini

corpuscules de Pacini disques de Merkel corpuscules de Meissner

directionnelle (Mac Leod and Sauvageot, 1986). Ces corpuscules sont totalement absents de la cavité buccale, mais sont remplacés par des corpuscules en lamelles plus petits (Barlow, 1987).

Chaque mécanorécepteur est ainsi spécialisé dans un type d’information. Certains sont sensibles à des stimuli statiques et d’autres à des stimuli dynamiques. La perception globale de la texture étant la somme de toutes ces informations, l’objet ou l’aliment doit être manipulé pour stimuler le maximum de mécanorécepteurs différents et aboutir à une image sensorielle complète et précise.

1.1.3.

La kinesthésie

Les sensations kinesthésiques sont engendrées par la contraction et la relaxation des muscles. Elles fournissent une connaissance de l’état mécanique du système musculo-squelettique et des interactions entre ce système et l’environnement. Les trois principaux récepteurs impliqués dans cette sensibilité sont les fuseaux neuro-musclaires, les organes tendineux de Golgi et les mécanorécepteurs situés au niveau de articulations.

Les fuseaux neuro-musculaires sont formés par un groupe de fibres musculaires spécialisées (intrafusales) de courte longueur. Disposés parallèlement aux fibres musculaires striées (extrafusales), ils détectent l’étirement des muscles.

Les organes tendineux de Golgi se situent dans le prolongement des fibres musculaires extrafusales. Ils fournissent une information complémentaire à celles des fuseaux neuro- musculaires (Kandel and Schwartz, 1991), en renseignant sur les forces statiques et dynamiques mises en jeu lors de la constraction des muscles. Ces informations contribuent au sens de la position et du mouvement.

Enfin, les récepteurs articulaires se situent dans les structures intra-articulaires telles que les ligaments. Leur participation à l’élaboration du sens de la position et du mouvement est encore largement débattue (Burgess, et al., 1982; Burke, et al., 1988). Cependant, leur rôle dans la détection des positions extrêmes demeure admis (Ferrell, 1980; Clark, et al., 1989).

L’ensemble de ces récepteurs renseignent sur l’intensité des forces générées par la résistance de l’aliment face à la déformation qu’il subit au cours de la manipulation (avec ou sans couverts) et de la mastication.

Partie 1 : Bibliographie Chapitre III : La perception sensorielle

1.2. Perception orale des suspensions

La perception en bouche de la texture des purées de pommes et poires s’effectue au cours d’une procédure orale. C’est un phénomène dynamique au cours duquel la langue compresserait le produit contre le palais dur lors de différents mouvements (Loescher, 2003). La perception des cellules pierreuses dures, contenues dans les purées de poires, s’effectuerait, quant à elle, entre les dents.

1.2.1.

Entre la langue et le palais

Les aliments semi-liquides ou peu rigides, comme les purées de pommes et poires, sont systématiquement pressés entre la langue et le palais (Lee III and Camps, 1991). La présence de particules provoque alors l’indentation de la muqueuse buccale et par conséquent la stimulation de ses différents mécanorécepteurs. Comme le bout des doigts, le bout de la langue et le palais dur sont des zones très riches en mécanorécepteurs. Leur sensibilité accrue permet de détecter de faibles différences de forces ou de taille de particules, et par conséquent d’apprécier très finement les propriétés géométriques des aliments (Yamamoto, et al., 1981; Richard and Orsal, 1994).

La perception des particules d’une suspension dépend d’abord du contraste de fermeté entre les particules et la phase continue. Si le contraste est important (particules dures et phase continue peu visqueuse), l’indentation de la muqueuse sera spécifique des particules et, par conséquent, la sensation perçue sera claire et précise. Ainsi, les mêmes particules seront moins bien détectées en suspension dans un gel que dans de l’eau (Imai, et al., 1995; Imai, et

al., 1999). Elle semble également dépendre des propriétés physiques des particules (taille,

fermeté et géométrie). Des particules rondes et molles ou bien plates et dures seront ainsi moins bien détectées que des particules anguleuses et dures (Tyle, et al., 1990). La taille minimale des particules perçues varie par conséquent en fonction des produits alimentaires : 12 à 15 µm pour des cristaux de sucre dans un lait concentré sucré, 13 à 20 µm pour du chocolat, 22 µm pour des cristaux lipidiques dans une margarine et 55 µm pour une crème glacée (Bourne, 2002). Les particules des purées de pommes et poires, en suspension dans un sérum faiblement consistant (indice de consistance inférieur à 0,14 Pa.sn selon Rao, et al., 1986), ont une taille supérieure à 100 µm et sont bien perçues par les sujets (Mohr, 1973).

1.2.2.

Entre les dents

Les dents peuvent être utilisées pour apprécier la taille, le nombre et la fermeté (Manly, et al., 1952; Ravasini, et al., 1984) des particules pierreuses plus dures. Celles-ci sont compressées entre les dents qui sont alors soumises à de petits déplacements verticaux. La membrane parodontale, située entre la racine des dents et l’os de la mâchoire, et riche en mécanorécepteurs, est alors stimulée. La perception de la taille et de la fermeté serait alors fonction de la pression appliquée.

La perception de particules pleines et dures fait donc appel à des mécanismes de perception différents de ceux adoptés pour les particules molles. La présence de cellules pierreuses serait donc susceptible de générer une dimension sensorielle supplémentaire lors de la perception de la texture d’un espace produits mixte, constitué de purées de pommes et poires.

1.3. Transformation des sensations en

perception

Lorsque le stimulus interagit avec le récepteur sensoriel, il s’opère un transfert d’énergie, qui provoque une excitation. Si l’excitation est suffisante, elle provoque un influx nerveux, ou potentiel d’action, qui se propage le long des fibres nerveuses jusqu’au système nerveux central. On parle alors de sensation, qui est une dimension inconsciente. La projection sur le champ de la conscience d’une partie des sensations provoque l’apparition d’une image dite sensorielle, qui constitue la perception. La perception compose ainsi l’étape finale de reconnaissance et d’identification initiée par le stimulus (Changeux, 1983).

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