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Chapitre III : La perception sensorielle de la texture

3. Analyse de la réponse sensorielle

3.1. Les outils du profil

Afin de retranscrire l’information qualitative et quantitative des perceptions, les profils sensoriels utilisent deux outils principaux : les descripteurs et les échelles de réponse.

3.1.1.

Les descripteurs

Les perceptions sont décrites par des termes sensoriels, appelés descripteurs. Mais la restitution qualitative d’une perception étant soumise à une subjectivité importante, la communication à travers les mots reste difficile. C’est pourquoi, dans un souci de clarté et de consensualité pour communiquer sur les propriétés de texture des aliments, certains auteurs anglophones se sont concentrés sur l’établissement de listes de termes (Szczesniak, 1963; Sherman, 1969; Civille and Szczesniak, 1973; Jowitt, 1974) dont la norme AFNOR en donne la traduction française (AFNOR, 2002). A notre connaissance, seuls Mioche et Touraille ont fait un travail similaire en langue française (Mioche and Touraille, 1990).

Toutefois, chaque concept lié à chaque mot n’est pas universel. Chacun de ces termes ne peut par conséquent être compréhensible et utilisable par tous que lorsqu’il est associé à une définition et un mode opératoire précis. Or, la norme AFNOR se restreint aux définitions et modes opératoires des termes liés aux propriétés mécaniques des produits tandis que Mioche et Touraille n’abordent que les définitions.

Une autre limite à l’utilisation de telles listes préétablies est leur caractère trop global : l’ensemble des termes répertoriés ne s’applique pas systématiquement à tous les types de produits. C’est pourquoi, Loescher a élaboré, en collaboration avec un panel sensoriel, une liste de quatorze termes, associés à une définition et un mode opératoire, pour décrire spécifiquement la texture en bouche des purées de pommes et poires (Loescher, et al., 2001; Loescher, 2003) (Tableau 4).

Tableau 4 : Liste des 14 descripteurs relatifs à la texture en bouche des purées de pommes et poires (Loescher, et al., 2001; Loescher, 2003)

Descripteur Définition Mode opératoire

DENSE Evaluation du poids du produit sur la langue (pas dense / très dense) Poser 1 unité de produit à l’extrémité de la langue et évaluer son poids, sans contact avec le reste de la bouche.

LISSE Evaluation de la présence d’aspérités à la surface du produit (pas lisse / très lisse)

Prélever du produit à la cuillère, et introduire la cuillère en bouche, dos en haut. Balayer la surface du produit avec l’extrémité de la langue. (sans appliquer de pression). Evaluer la présence ou non d’aspérités.

Attention à l’échelle : aspérités nombreuses = peu lisse. Absence d’aspérité = très lisse

FLUIDE Evaluation de la facilité du produit à s’écouler au repos (sans action mécanique) (pas fluide / très fluide)

Poser 1 unité de produit au centre de la langue et évaluer sa capacité à s’étaler de lui-même. La langue reste à l’horizontale (n’exercer aucune pression sur le produit).

TAILLE DES PARTICULES (particules molles)

Evaluation de la taille des particules entre la langue et le palais (petites particules / grosses particules)

Placer 1 unité de produit au centre de la langue et laisser la matrice s’écouler par de légers mouvements de la langue d’avant en arrière (l’extrémité de la langue reste collée au palais). Evaluer la taille des particules entre langue et palais.

NOMBRE DE PARTICULES (particules molles)

Evaluation du nombre de particules entre la langue et le palais (peu de particules / beaucoup de particules)

Placer 1 unité de produit au centre de la langue et laisser la matrice s’écouler par de légers mouvements de la langue d’avant en arrière (l’extrémité de la langue reste collée au palais). Evaluer le nombre des particules présentes entre langue et palais.

S’ECOULE Evaluation du temps mis par le produit pour atteindre la glotte (s’écoule lentement / rapidement)

Placer 1 unité de produit sur la langue horizontale. Relever la langue (son extrémité doit toucher le palais et les incisives de la mâchoire supérieure) et incliner la tête en arrière de 45°. Mesurer le temps mis par le produit pour atteindre la glotte.

(temps long = s’écoule lentement) QUANTITE D’EAU

EXSUDEE

Evaluation de la quantité de liquide exsudée lorsque le produit est écrasé entre la langue et le palais (pas humide

/ très humide)

Poser 1 unité de produit au centre de la langue et écraser la en une seule pression entre langue et palais. Mesure la quantité de liquide rejetée. FERME Evaluation de la résistance du produit à la compression entre langue et palais (pas ferme / très ferme) Placer 1 unité de produit sur la langue et presser le à vitesse lente entre la langue et le palais. Mesurer la résistance du produit à l’écrasement.

ADHERENT Evaluation de l’adhésion du produit au palais (pas adhérent / très adhérent)

Placer 1 unité de produit à l’extrémité de la langue et coller immédiatement la langue au palais. Abaisser la langue et remonter la 3 fois de suite. Evaluer la quantité de produit adhérent au palais.

SE FLUIDIFIE Evaluation de la facilité du produit à s’écouler après une action mécanique (pas fluide / très fluide) Placer 1 unité de produit sur la langue et remuer la langue pendant 10 s d’avant en arrière (ou de gauche à droite). Mesurer alors la fluidité du produit (cf. FLUIDE)

QUANTITE DE GRAINS RESIDUELS (petits grains durs)

Evaluation du nombre de grains restant entre les molaires

après déglutition (pas de grains / beaucoup de grains) Mâcher 1 unité de produit, évaluer le nombre de grains restant entre les molaires après déglutition (en serrant les dents par petits à coups).

APRE Evaluation de la sensation de râpeux au palais (pas âpre / très âpre)

Passer la langue à la surface du palais immédiatement après la déglutition d’1 unité de produit et évaluer la sensation de rugosité au palais et sur la langue.

GRAS Evaluation de la pellicule grasse après déglutition (pas gras / très gras)

Après déglutition d’une unité de produit, évaluer la présence ou non d’une pellicule grasse au niveau du palais ou des dents en balayant leur surface avec la langue.

ASSECHANT Evaluation de la quantité de salive sécrétée après déglutition du produit (pas asséchant / très asséchant) Evaluer la quantité de salive sécrétée pendant les 10s qui suivent la déglutition du produit.

Certains descripteurs se rapportent aux propriétés mécaniques des produits : quantité d’eau

exsudée, fluide, se fluidifie, ferme, asséchant, adhérent, s’écoule et gras, et d’autres à leurs

propriétés géométriques : lisse, taille des particules, nombre de particules et quantité de

grains résiduels. La richesse de vocabulaire de 14 descripteurs peut néanmoins paraître inutile

pour décrire la texture des purées de fruits car chaque terme n’apporte pas forcément d’information nouvelle. En effet, l’application de cette liste de termes pour décrire l’espace considéré par Loescher lors d’un profil conventionnel (8 purées de pommes et poires) (p65) a montré que la plupart des descripteurs étaient corrélés, aboutissant alors à une carte sensorielle dont le premier plan expliquait plus de 90% de l’information (Figure 23).

Partie 1 : Bibliographie Chapitre III : La perception sensorielle

Théoriquement, seules deux dimensions sémantiques sont nécessaires pour aboutir à de tels résultats.

Figure 23 : Résultats de l’ACP concernant l’évaluation de 8 purées de pommes et poires par les 14 descripteurs de texture en bouche proposés par Loescher (Loescher, 2003)

Les études de la texture de divers autres espaces produits (fromages, fromages blancs, soupes, pains, pulpe de tomate) aboutissent à des résultats similaires, avec des cartes sensorielles dont plus de 80% de l’information peuvent être expliqués par le premier plan (Giboreau, 1993; Jack, et al., 1994; Henry, 1995; Wium and Qvist, 1998; Drake, et al., 1999; Lee, et al., 1999; Gambaro, et al., 2002; Loescher, 2003). Les listes de termes peuvent ainsi rendre complexe la communication sur une perception apparemment simple, comme la texture. Seuls, quelques descripteurs pertinents pourraient ainsi suffire à prédire l’ensemble des autres descripteurs grâce à des combinaisons linéaires (Kokini, et al., 1977; Kokini, et al., 1984).

3.1.2.

Les échelles de réponse

Pour rendre explicite l’intensité des perceptions, les sujets utilisent des échelles dites de réponse, qui permettent de passer de l’image sensorielle à un nombre concret et communicable. Il existe plusieurs types d’échelle, structurées ou non. Une échelle structurée peut être divisée en 3 à 9 catégories. Chaque catégorie est définie soit par un nombre, soit par un mot, l’ensemble formant une échelle ordonnée. Une échelle non structurée ou linéaire est un segment de droite mesurant entre 6 et 17 cm, dont les extrémités peuvent être définies par une expression verbale. L’intensité de la perception correspond dans ce cas à la longueur entre l’extrémité gauche de l’échelle et la marque du sujet. Les échelles linéaires sont de loin les

âpre dense lisse fluide taille s'écoule qté eau ferme adhérent se fluidifie qté grains gras asséchant -1 -0,8 -0,6 -0,4 -0,2 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 -1 -0,5 0 0,5 1 -- axe F1 (83 %) --> -- axe F 2 ( 11 % ) -- > nombre CpCh CppMe CppA CpD C3pMe CpAal CpoiA CpA -5 -4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 -10 -5 0 5 10 15 -- axe F1 (83 %) --> -- ax e F 2 (11 % ) -- >

plus utilisées en analyse sensorielle (Jocteur Monrozier, 2001). Elles laissent une plus grande liberté aux sujets et permettent d’éviter le biais dû à l’utilisation de chiffres ronds. La notation sur ce type d’échelle permet généralement de vérifier la relation logarithmique de Fechner entre l’intensité du stimulus et l’intensité perçue.

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