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III. Organisation spatiale des faciès de resédimentation, semelle

de glissement et genèse des structures du collapse.

Ce chapitre s’intéresse aux faciès des matériaux redistribués (brèches, matériaux liquifiés, filons sédimentaires, déformations plastiques) dans la Formation Ayabacas et explique leur mise en place. Il est également souligné l’effet d’une semelle de glissement (sliding sole) qui a permis le déplacement des masses calcaires et de grands blocs des formations antérieures. Ce travail a fait l’objet d’une publication soumise à la revue Sedimentary Geology.

III.1. Causes and consequences of liquification and soft-sediment

deformation in a limestone megabreccia: A case study from the Ayabacas

giant collapse, southern Peru

Article soumis à Sedimentary Geology. Résumé étendu en français de l’article 3 :

Les dépôts de la Formation Ayabacas consistent en une mégabrèche, organisée du NE au SO en relation avec deux systèmes de failles majeurs (le SFUACC et le CECLLA). Des faciès de remobilisation des sédiments (tels que bréchification, liquification, filons sédimentaires, déformation plastique des sédiments) sont décrits et définissent quatre types de faciès de resédimentation. Les trois premiers, qui présentent une matrice siliciclastique et carbonatée, se rencontrent dans les parties amont du collapse (au NE du CECLLA), tandis que le quatrième type de faciès comporte seulement des matériaux carbonatés et affleure plus en aval, dans le corridor du CECLLA et à l’ouest de celui-ci.

Le faciès de Type-1 se rencontre principalement dans la zone de Cusco-Urubamba et se caractérise par des filons sédimentaires de plusieurs mètres de long et ~10-20 cm d’épaisseur expulsant vers le haut des matériaux rouges dérivant de la Formation Murco. Ces filons se rétrécissent vers le haut jusqu’à disparaître dans les radeaux calcaires plus lithifiés.

Le faciès de Type-2 affleure notamment à Yanaoco et au sud de la route reliant Cabanillas à Santa-Lucia. Dans ce faciès, de grandes quantités de matériaux issus des formations Murco et Arcurquina ont été remobilisés, déformés plastiquement et/ou liquifiés (présence de filons sédimentaires). Les radeaux calcaires flottent dans un mélange de matériaux, constitués de la matrice s.s. et de clastes anguleux de taille millimétrique à pluridécimétrique. Ces clastes sont généralement carbonatés (dérivant de la Formation Arcurquina) ou moins souvent

siliciclastiques (dérivant de la Formation Murco). La matrice s.s. est silico-marneuse, constituée de matériaux liquifiés dérivant des formations Murco et Ayabacas.

Le faciès de Type-3 est très semblable au faciès de Type-2, mais se distingue de ce dernier par la présence de clastes arrondis, de 1-20 cm de diamètre, issus de la Formation Mitu (Permo-Trias). Il affleure localement, principalement au sud de Santa Rosa.

Ces trois premiers faciès se caractérisent également par des déformations et des faciès bréchiques quelle que soit l’échelle d’observation : à l’échelle kilométrique en photographies aériennes, à l’échelle de la centaine de mètres jusqu’au centimètre à l’affleurement, ou encore à l’échelle du centimètre et du millimètre en lames minces. En conséquence la Formation Ayabacas se définit comme une brèche multi-échelle ou “fractale”, au contraire des brèches tectoniques localisées dans les zones de faille. Les matériaux resédimentés de ces parties amont étaient enclins à se déformer plastiquement et à se liquifier, leur permettant de fonctionner comme une semelle de glissement qui a facilité la migration de radeaux calcaires et de blocs lithifiés des formations antérieures.

Les affleurements du faciès Type-4 partagent les caractères suivants : (i) le matériel est presque exclusivement calcaire, les matériaux silicoclastiques dérivés de la Formation Murco ne s’observent pas dans les dépôts du collapse ; (ii) les clastes calcaires anguleux sont omniprésents ; (iii) les bancs bréchifiés alternent avec des bancs régulièrement stratifiés ; (iv) chaque niveau bréchifié est constitué de clastes de deux ou trois faciès calcaires différents dérivant des bancs sus- et/ou sous-jacents ; (v) les clastes sont presque toujours en contact dans les brèches ; (vi) l’espace entre les clastes est faible et généralement comblé par de la boue carbonatée, de la calcite ou un mélange des deux. Des slumps et des radeaux calcaires de 10 à 100 mètres de long sont parfois observés.

Les sédiments de la Formation Murco, enfouis plus profondément, étaient déjà lithifiés, plus difficilement déformables, et n’ont pas été entraînés dans le collapse. En conséquence la semelle de glissement très ductile, qui s’est comportée comme une couche lubrifiante plus en amont, n’existe plus ici, ce qui est également suggéré par la fragmentation et la désorganisation décroissante des dépôts du collapse à partir du CECLLA vers l’aval.

Les matériaux impliqués dans la Formation Ayabacas présentaient différents degrés de lithification avant le collapse. Du NE au SW une augmentation du degré de lithification résulte d’un âge de dépôt plus ancien ainsi que d’une subsidence et d’un enfouissement plus important à l’ouest du bassin d’arrière-arc, notamment en relation avec l’activité du CECLLA et les deux transgressions marines (Albien inférieur - Albien Supérieur et Cénomanien

supérieur - Turonien supérieur). Dans les zones amont du collapse (au NE du CECLLA), d’importantes variations du degré de lithification des matériaux semblent avoir existé verticalement dans la pile sédimentaire peu avant le collapse : à la base (i) se trouvaient des pélites et des grès fins argileux lithifés de la Formation Murco, devenant progressivement en remontant dans la série (ii) moins cimentés, riches en eau et donc potentiellement liquifiables et remobilisables. Ils sont recouverts entre le CECLLA et le SFUACC par (iii) des calcaires cimentés de quelques mètres d’épaisseur, au plus, déposés lors de la première transgression puis, (iv) par 20-30 m (épaisseur moyenne des radeaux calcaires) de carbonates cohésifs mais pas totalement lithifiés et enfin (v) par une boue carbonatée récemment déposée.

Les calcaires cimentés à la base de la Formation Arcurquina ont ainsi formé un couvercle imperméable, empêchant l’expulsion des fluides piégés dans la Formation Murco sous- jacente. Bien que le collapse soit déclenché par l’activation de failles normales et la création de pentes, l’étendue et l’intensité du collapse ont probablement été augmentées par la présence de ces matériaux non cimentés et saturés en eau, qui ont joué le rôle de semelle de glissement. La fracturation, la fragmentation et l’ablation des matériaux de la couche indurée de calcaire ont également généré les clastes calcaires de toutes tailles rencontrés dans le mélange.

Dans la partie sud du collapse (transect Huancané-Juliaca-Santa Lucia-Lagunillas-Yura), la surface de décollement se situe dans la Formation Murco entre la tête du collapse et le CECLLA, puis à l’interface entre les formations Murco et Arcurquina entre le CECLLA et le pied du collapse. Là, dans la région de Yura, de grands plis affectant toute la pile sédimentaire carbonatée (mais ni les formations antérieures ni les postérieures) amortissent le collapse, qui semble avoir été bloqué par un seuil topographique probablement dû à l’arc magmatique. Le glissement serait donc frontalement confiné (frontally confined slide ; Frey-Martínez et al., 2006).

Dans la partie nord du collapse (transect Cusco-Abancay Chalhuanca), la surface de décollement est, comme au sud, localisée dans la Formation Murco jusqu’au CECLLA, mais semble ensuite se situer dans la succession carbonatée plus en aval. La coalescence du SFUACC et du CECLLA suggère qu’ici l’enfouissement de la Formation Murco et de la base de la Formation Arcurquina a été significatif, préservant ces matériaux du collapse. Le pied du collapse n’a pas été précisément observé dans la partie nord, mais l’absence de structures de compression similaires à celles de la région de Yura suggère que la partie nord du collapse n’a pas été bloquée dans la région de Chalhuanca et a pu s’écouler plus librement.

Causes and consequences of liquification and soft-sediment deformation