• Aucun résultat trouvé

I.3. Les glissements sédimentaires sous-marins : état des connaissances

I.3.4. Les apports de l’étude des glissements sédimentaires fossiles

L’étude des dépôts des glissements sous-marins fossiles apporte des informations complémentaires qui aident à mieux comprendre l’organisation et les processus d’instabilités sédimentaires. Ainsi les structures à l’échelle du millimètre au mètre peuvent facilement être observées dans les dépôts fossiles, alors que ces informations ne sont accessibles que par les seuls carottages de sédiments dans les dépôts en mer actuels (Tripsanas et al., 2008). L’analyse de ces structures permet de mieux comprendre leur mise en place, la rhéologie des matériaux, les mécanismes d’évolution des matériaux lors des glissements, et améliore la compréhension des mécanismes déclenchants (e.g. Naylor, 1981 ; Gawthorpe & Clemmey, 1985 ; Martinsen & Bakken, 1990 ; Payros et al., 1999 ; Onasch & Kahle, 2002 ; Plink- Björklund & Steel, 2004 ; Pickering & Corregidor, 2005 ; Vernhet et al., 2006 ; Montenat et

al., 2007 ; Strachan, 2008). Lorsque l’étude peut se faire à l’échelle du bassin, ou lorsqu’il est possible d’observer la succession verticale des différents événements, les dépôts fossiles permettent de déterminer l’évolution des dépôts et des structures de déformation dans l’espace (Martinsen & Bakken, 1990 ; Payros et al., 1999 ; Drzewiecki & Simó, 2002 ; Vernhet et al., 2006), ainsi que l’évolution au cours du temps de la marge et des glissements qui l’affectent (Drzewiecki & Simó, 2002 ; Plink-Björklund & Steel, 2004 ; Manzi et al., 2005 ; Pickering & Corregidor, 2005 ; Lucente & Pini, 2008). Il est également parfois possible d’estimer grossièrement la récurrence des ruptures, en supposant qu’elles se produisent à intervalles de temps réguliers (Payros et al., 1999 ; Plink-Björklund & Steel, 2004 ; Callot et al., en révision).

Un problème courant est de différencier les déformations résultant du glissement sous- marin, et celles résultant de l’histoire tectonique postérieure (e.g. Steen & Andresen, 1997 ; Spörli and Rowland, 2007). Une partie de l’information “initiale” peut être transformée ou effacée par la diagenèse au cours de l’enfouissement et/ou par la tectonique au cours de l’exhumation. Il est également parfois difficile de trouver des niveaux marqueurs et de relier entre eux les différents affleurements, qui sont rarement continus à l’échelle du kilomètre (Callot et al., en révision), de la dizaine voire de la centaine de kilomètres (Lucente & Pini, 2008), ce qui complique la reconstruction de la morphologie des corps glissés. Se pose enfin parfois le problème de l’interprétation des affleurements, les dépôts de transports en masse sous-marins pouvant être pris pour d’autres phénomènes géologiques, et inversement. Par exemple une partie du Groupe Otavi (Namibie), considérée par certains auteurs comme des dépôts glaciaires (e.g. Gevers, 1931 ; Martin, 1965 ; Hoffman et al., 1998 ; Hoffman & Schrag, 2002), est interprétée par d’autres comme des dépôts de coulées de débris sous- marines (e.g. Porada & Wittig, 1983 ; Martin et al, 1985 ; Eyles & Januszczak, 2007).

C’est probablement pour toutes ces raisons qu’il existe une disparité de taille entre les glissements fossiles et les glissements actuels ou récents (observés avec des méthodes géophysiques), ces derniers étant plus volumineux (Fig. I.16). Ce déficit de glissements sous- marins fossiles, encore plus important lorsqu’il fut souligné pour la première fois par Woodcock (1979a), pourrait être dû à l’exposition incomplète des grands glissements sous- marins, ce qui entraîne une sous-estimation de leurs dimensions (Macdonald et al., 1993). Camerlenghi & Pini (2008) pensent que ces corps gigantesques n’ont pas été totalement conservés lors des processus accrétion/collision et d’exhumation des orogènes. Enfin Woodcock (1979a) suppose que les dépôts de grands glissements sous-marins sont mal

interprétés et attribués à d’autres phénomènes tectoniques, idée reprise par Luccente & Pini (2008) avec l’exemple des Apennins où les grands corps résultant de glissements sous-marins ont parfois été interprétés comme des unités structurales limitées par des chevauchements. Ces dernières années, d’autres auteurs (e.g. Alonso et al., 2006) ont également réinterprété en dépôts gravitaires des formations précédemment considérées comme des nappes chevauchantes. Enfin Burg et al. (2008) ont très récemment reconnu un glissement géant dans le Makran (Iran), précédemment interprété comme un mélange mis en place tectoniquement (McCall & Kidd, 1982 ; McCall, 1983). Le même problème d’interprétation s’est posé pour la Formation Ayabacas, interprétée de différentes façons suivant les auteurs (détaillées dans l’article dans Basin Research, la partie II.2). Cette thèse apporte des éléments de réponse qui renforcent l’hypothèse du dépôt de transports en masse sous-marins.

Surface de la section (m²) 10 5 106 107 108 109 104 102 103 10 1 102 103 104 105 106 Largeur (m) Epaisseur (m) Exemples fossiles Exemples fossiles Exemples actuels ou récents Exemples actuels ou récents COLLAPSE AYABACAS COLLAPSE AYABACAS

Fig. I.16 : Diagramme de l’épaisseur en fonction de la largeur des dépôts de glissements sous-marins fossiles (cercles et carrés pleins formant une enveloppe en pointillés) et récents ou actuels (cercle et carré vides formant une enveloppe en trait plein). Adapté de Lucente & Pini (2003) avec ajouts à partir de Canals et al. (2004) (carrés vides) et à partir de Payros et al. (1999), Friès & Parize (2003), Fernandez et al. (2004), Alonso et al. (2006), Falivene et al (2006) et Burg et al. (2008) (carrés pleins). Les données de Lucente & Pini proviennent également de Woodcock (1979a) et Macdonald et al. (1993). Le collapse Ayabacas, représenté par une étoile, est de dimensions équivalentes à celles des grands glissements actuels. Les deux zones délimitant les exemples fossiles et actuels se recoupent un peu mieux que dans la figure originelle de Lucente & Pini (2003), traduisant les progrès des techniques de géophysique (détection de glissements récents plus petits) et la découverte, ou une meilleure compréhension, des dépôts de glissements fossiles de grandes dimensions. Cependant, il y a toujours peu de grands dépôts fossiles en comparaison du grand nombre de glissements récents majeurs.

La disparité de tailles entre exemples récents et fossiles tend cependant à se réduire, d’une part grâce aux progrès des techniques géophysiques qui permettent de détecter des glissements récents plus petits, ce qu’avait prévu Woodcock (1979a), et d’autre part grâce à la découverte ou à la réinterprétation d’exemples fossiles (Fig. I.16). L’observation par des méthodes géophysiques de blocs de toutes dimensions (jusqu’à pluri-kilométrique) dans les collapses récents (e.g. Collot et al., 2001 ; Lastras et al., 2002, 2004 ; Canals et al., 2004 ; Haflidasen et al., 2004, 2005) confirme les descriptions de blocs de diverses dimensions dans les exemples fossiles (George et al., 1995 ; Friès & Parize, 2003 ; Lucente & Pini, 2003 ; Alonso et al., 2006).

I.3.5. Exemple de marqueurs des zones amont de glissements fossiles : les surfaces