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Le collapse Ayabacas : une conséquence de changements géodynamiques globau

DISCUSSION SUR L’ORIGINE DU COLLAPSE

IV. Discussion sur l’origine du collapse

IV.4. Le collapse Ayabacas : une conséquence de changements géodynamiques globau

Les points précédents montrent que la Formation Ayabacas résulte d’un collapse atypique. Ils indiquent ou suggèrent que ce collapse est un événement unique à l’échelle des temps géologiques, se produisant de façon brusque dans un environnement a priori peu favorable aux glissements géants. Dans la littérature, les marges instables (fossiles comme actuelles), se caractérisent par une succession de glissements séparés par des dépôts régulièrement stratifiés correspondant aux périodes peu propices aux ruptures. Au contraire, la Formation Ayabacas correspond à la remobilisation massive des derniers dépôts mis en place dans le bassin, restés remarquablement stables pendant les millions d’années précédant le collapse. La déstabilisation de cette marge a priori stable suggère que le collapse soit la conséquence d’événements particuliers, capables de modifier brusquement les conditions de stabilité de la marge.

Dans l’article qui suit sont présentés plusieurs changements et événements se produisant aux alentours de la limite Turonien-Coniacien dans l’ouest de l’Amérique du Sud et dans le Pacifique. Le collapse Ayabacas est considéré comme une conséquence de ces processus géodynamiques qui marquent le début de l’orogenèse des Andes Centrales.

Résumé étendu en français de l’article 4 : Onset of Andean orogeny in Peru 90 Myr ago triggered by burst of magmatic arc growth. Nature Geoscience, soumis.

Les Andes Centrales sont le plus grand orogène sur Terre résultant d’une subduction océan-continent, mais leur formation reste sujette à débats. Dans cet article, la conjonction de divers changements et événements aux alentours de 90 Ma permet de proposer un scénario expliquant l’amorce de la croissance orogénique.

La rapide continentalisation du bassin d’arrière-arc de l’ouest du Pérou au Crétacé Supérieur est depuis longtemps considérée comme marquant le début de l’orogenèse andine. Elle fut donc interprétée comme résultant du raccourcissement tectonique de la marge, selon le paradigme dominant, et nommée “phase tectonique péruvienne”. Cependant il n’existe pas d’observation directe de raccourcissement tectonique de cet âge et la marge occidentale du Pérou montre essentiellement des structures en extension et en décrochement. La continentalisation est mieux décrite comme une modification brutale de l’enregistrement

stratigraphique et coïncide avec de nombreux changements et événements (détaillés ci- dessous) dans la région et dans l’Océan Pacifique. Notamment elle a été immédiatement précédée par le collapse Ayabacas, raison pour laquelle la discontinuité qui sépare les séries marines de la succession continentale est renommée “discontinuité Ayabacas”.

De ~230 à ~90 Ma, le bassin d’arrière-arc de l’ouest du Pérou (WPBAB) se développe en contexte extensif : il s’approfondit vers l’ouest et est plus particulièrement subsident à partir de 110 Ma, lorsque se met en place la plate-forme carbonatée. La discontinuité Ayabacas marque l’arrêt brutal de l’activité de la plate-forme carbonatée albo-turonienne, la quasi- totalité de cette dernière étant de plus entraînée, dans le sud du Pérou, dans le collapse Ayabacas. Après cet événement, les dépôts sont essentiellement continentaux et la polarité du bassin s’inverse, les matériaux provenant de l’ouest et s’étalant vers l’est.

La discontinuité Ayabacas coïncide également avec une activation majeure du volcanisme d’arc, au moins dans le sud Pérou. Avant le collapse, des plutons se mettent en place dans la région d’Ilo, mais aucun enregistrement de roches ou de débris volcaniques n’existe dans le bassin d’arrière-arc entre ~135 et ~90 Ma, suggérant une activité magmatique limitée de l’arc. Au contraire, des laves et des conglomérats volcano-détritiques affleurent en abondance dans le sud du Pérou et jusqu’en Bolivie centrale après la discontinuité Ayabacas. De la même façon, le plutonisme est modeste entre ~150 et 91 Ma et augmente considérablement en volume entre 91 et 70 Ma le long de toute la marge péruvienne. Cette forte croissance de l’activité magmatique, caractérisée par de faibles rapports 87Sr/86Sr et donc une source mantellique, concorde par ailleurs avec l’épisode majeur de soulèvement de la côte à 90- 80 Ma (déterminé par modélisation et données thermochronologiques). Ce soulèvement résulterait donc d’un épaississement magmatique rapide de l’arc par de considérables transferts de matériaux depuis le manteau. D’autres indices étayent l’hypothèse d’un magmatisme fort et d’un soulèvement de l’arc : d’une part l’altération et l’érosion de ces reliefs proto-andins expliquent les matériaux détritiques et volcano-détritiques rouges qui dominent à l’est après 90 Ma ; d’autre part l’inversion de polarité du bassin implique un soulèvement à l’ouest.

Une telle croissance de l’arc magmatique implique des modifications majeures des conditions de subduction. Une évolution de ces conditions est confirmée par plusieurs événements se produisant dans le Pacifique et dans la zone de subduction entre ~91 et 70 Ma.

Ainsi les plateaux océaniques Caraïbe-Colombie (CCOP) et Gorgona (GOP) se mettent en place respectivement à 91,4 ± 0,4 Ma et 88,9 ± 1,2 Ma, indiquant une forte anomalie

thermique du manteau permettant d’extraire les grandes quantités de basaltes du CCOP et de générer dans le GOP les seules komatiites phanérozoïques connues sur Terre. De plus l’ensemble de la lithosphère océanique Pacifique a été réchauffé à peu près à partir de la même période et jusqu’à 70 Ma. Ces deux points, qui coïncident avec la mise en place des plutons entre ~91 et 70 Ma au Pérou, impliquent des températures du manteau anormalement élevées et par conséquent une convection accélérée de la cellule Panthalassa (Pacifique). Cette poussée thermique a probablement augmenté la flottabilité de la lithosphère océanique avec pour conséquence une diminution de l’angle de la subduction sous la marge péruvienne.

Une subduction moins inclinée peut entraîner une migration de l’arc magmatique vers l’est, ce qui est bien observé dans l’extrême sud du Pérou. Au nord de la latitude 17°S, la migration de l’arc est néanmoins plus faible ou inexistante. Mais la localisation de l’arc dépend également de la température au sommet de la plaque descendante (et donc de sa vitesse de descente) et/ou de la température dans le coin asthénosphérique. Dans le même temps, la poussée thermique du manteau et l’accélération de la convection de la cellule mantellique Panthalassa peuvent augmenter les températures dans le coin asthénosphérique et/ou la vitesse de subduction, tendant ainsi à limiter les effets de la diminution de l’angle de la subduction et réduisant la migration de l’arc vers l’est.

Ces modifications des conditions de subduction fournissent une explication simple à l’avènement du collapse Ayabacas. La diminution de l’angle de la subduction a augmenté le couplage entre les plaques ce qui, combiné à l’accélération de la vitesse de plongement de la plaque, a induit une flexure temporaire de la lithosphère continentale, créant un basculement vers le sud-ouest de la marge et déclenchant le collapse. Cette interprétation implique que le changement de régime de subduction a été rapide et transitoire, en accord avec les points passés en revue ci-dessus.

Le scénario proposé désigne l’accrétion magmatique dans l’arc comme le contrôle, si ce n’est le moteur, de l’épaississement crustal dans les Andes Centrales depuis le Crétacé Supérieur, en accord avec l’observation que l’épaississement de la croûte est maximal au niveau de l’arc dans la partie occidentale des Andes tandis que le raccourcissement tectonique cénozoïque se limite essentiellement à leur moitié orientale. D’autre part, ce scénario souligne le rôle fondamental de la convection de la cellule mantellique Pacifique dans le contrôle de la production de croûte au niveau de l’arc du Pérou, avec création de croûte juvénile et génération de komatiites, des processus classiquement observés au Précambrien.

Onset of Andean orogeny in Peru 90 Myr ago triggered by