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4. Introduction à la protéomique:

4.3.1. SDS-PAGE:

La technique de l’électrophorèse sur gel de polyacrylamide en présence d’un détergent ionique comme le SDS (Sodium Dodecyl Sulfate) permet de séparer un mélange de polypeptides selon leurs tailles, que l’on peut considérer comme proportionnelle à leurs masses. La première étape consiste à dénaturer les polypeptides à une température de 100°C en présence de SDS et d’un agent réducteur afin de casser les ponts disulfures. Dans ces conditions, le SDS va se lier aux polypeptides avec un rapport masse de SDS sur masse du polypeptide approximativement constant (environ une molécule de SDS pour deux résidus d'acides aminés). La charge intrinsèque du polypeptide est alors négligeable par rapport aux charges négatives apportées par le SDS. Les

polypeptides migrent dans le gel de polyacrylamide proportionnellement au logarithme de leurs tailles lorsqu’ils sont soumis à un champ électrique [92].

4.3.2. Electrophorèse bidimensionnelle:

L’invention de l'électrophorèse bidimensionnelle (2-DE) a représenté une avancé majeure dans la séparation de mélanges complexes de protéines. Sous des conditions dénaturantes, on peut visualiser de façon distincte, sur un seul gel 2-DE, des milliers de polypeptides. La technique a été développée au même moment par trois groupes de chercheurs différents [93-95]. Lors d’une électrophorèse bidimensionnelle, la séparation s’effectue selon deux propriétés distinctes.

Premièrement, les différentes protéines sont séparées selon leurs points isoélectriques (pI) (première dimension). La focalisation isoélectrique (IEF) est une technique électrophorétique dans laquelle des composés amphotériques vont se séparer selon leurs points isoélectriques le long d’un gradient continu de pH [96]. Le point isoélectrique d’une protéine correspond au pH auquel la charge globale de la protéine est nulle. Lorsque la protéine atteint le pH qui correspond à son pI, la protéine n’est plus chargée et cesse donc de migrer. Aujourd’hui, la technique la plus utilisée pour la première dimension est la focalisation isoélectrique sur un gradient de pH immobilisé. Ce type de gradient est obtenu grâce à des acides et des bases faibles, polymérisés dans un gel d'acrylamide [97]. Après la séparation selon la première dimension, les polypeptides sont séparés selon leurs tailles par le principe du SDS-PAGE (seconde dimension).

4.3.3. Détection des protéines séparées sur gel:

Une fois les protéines séparées par 2-DE ou simplement par SDS-PAGE, les polypeptides peuvent être détectés par coloration, par radiation (pour les protéines marquées radioactivements) ou encore par immunologie. Une des colorations fréquemment utilisées est celles à l’argent.

Cette coloration est capable de détecter jusqu'à 1 nanogramme de protéines mais ne permet pas d’analyses ultérieures par spectrométrie de masse [98]. Il existe cependant une méthode à l’argent sans glutaraldéhyde, qui permet d’effectuer par la suite des analyses de spectrométrie de masse [99]. Ce type de coloration possède un seuil de détection protéique plus élevé que la coloration à l’argent classique. Le bleu de Coomassie est également un colorant très populaire mais est environ 50 fois moins sensible que l’argent standard [100]. D’autres méthodes existent basées sur la fluorescence (SyproRubis) ou la coloration négative avec du zinc [101, 102].

Suite à une coloration, les images des gels peuvent être numérisées, puis analysées grâce à des programmes informatiques développés afin d'effectuer des analyses quantitatives et des comparaisons automatiques de gels [103].

4.4. Identification des protéines par spectrométrie de masse:

Une fois les protéines séparées, l'étape suivante d’une analyse protéomique consiste en l’identification des protéines qui peut s’effectuer à travers plusieurs techniques, telles que la dégradation d’Edmann ou la comparaison de positions sur un gel [104]. La récente avancée technologique de la spectrométrie de masse lui a permis de prendre une part de plus en plus importante dans l’identification des polypeptides, notamment grâce aux outils informatiques toujours plus rapides et performants [105].

4.4.1. Digestion des protéines:

Les techniques d’identification par spectrométrie de masse exigent au préalable que les protéines soient spécifiquement clivées en peptides. Dans le cas d’une séparation des protéines par gel, ces digestions se déroulent dans la plupart des cas à l’intérieur du gel après excision des bandes ou des spots intéressants. Pour la digestion des protéines, la trypsine est l’enzyme la plus couramment utilisée en protéomique. Cette enzyme va couper les liaisons peptidiques du côté C-terminal des résidus lysine et arginine, lorsque ceux-ci ne sont pas suivis d’une proline. D'autres enzymes possédants des spécificités différentes sont également utilisés, de même que certains clivages chimiques [106-108].

4.4.2. Principe généraux de spectrométrie de masse:

La spectrométrie de masse a déjà une longue histoire derrière elle, puisqu’elle fut développée il y a 1 siècle déjà. Cependant, celle-ci n’a commencé à jouer un rôle central dans les sciences de la vie qu’au début des années 1990 [109, 110]. Le principe de base de tous les spectromètres de masse est la mesure du rapport masse sur charge d'un ion (m/z). La spectrométrie de masse convient très bien pour des molécules chimiques de petites tailles et a été utilisée en chimie organique depuis fort longtemps [111]. Au contraire, les molécules biologiques étant souvent grandes et polaires, il était difficile d’obtenir des ions en phase gazeuse à partir de ces molécules.

Le développement de méthodes nouvelles permettant d’ioniser des biomolécules sans les fragmenter a ouvert le champ de la spectrométrie de masse à celles-ci. Il existe différents types de spectromètres de masse. Ceux-ci diffèrent entre eux par la technique d’ionisation utilisée mais également par la méthode de détermination du rapport m/z. L'introduction d’un échantillon de protéines dans un spectromètre de masse s’effectue essentiellement selon deux principes différents. Le premier est l’ionisation par électrospray (ESI pour «ElectroSpray Ionisation»). Le second est l’ionisation laser assistée par matrice (MALDI pour «Matrix-Assisted Laser Desorption Ionisation»). Trois types principaux d’analyseurs ont été développés: la séparation

par un champ électrique produit par un quadrupôle (Q), la séparation basée sur le temps de vol d’un ion (TOF) et finalement la séparation sélective d’un ion par un puits de potentiel généré par un champ électrique (Ion Trap) [112].

4.4.3. Méthodes d’ionisation des protéines:

4.4.3.1. Ionisation par MALDI:

La technique d’ionisation par MALDI a été développée vers la fin des années 1980 [113]. Cette technique est très souvent combinée avec un analyseur de type TOF (MALDI-TOF). La préparation de l'échantillon consiste à co-cristalliser la substance à analyser avec une matrice organique. La matrice et l’échantillon à analyser sont dissous dans un solvant, puis déposés sur la cible MALDI. Enfin, le mélange est cristallisé par évaporation du solvant sous vide. La cible est ensuite bombardée brièvement par un laser UV pulsé (337 nm), provoquant une excitation de la matrice, qui lors de son retour à l’état fondamental va transférer de l’énergie à l’échantillon, provoquant sa désorption et sa ionisation. Cette étape de «bombardement» s’effectue sous un vide poussé. Différents types de matrice sont utilisés selon la nature de l’échantillon à analyser mais tous comprennent un cycle aromatique absorbant les rayonnements ultraviolet. Une des matrices souvent utilisée pour l’analyse de peptides de petite masse moléculaire est l’acide α-cyano-4-hydroxycinnamique [114]. Pour les polypeptides de masse plus élevée, on utilise de préférence l’acide sinapinique [115].

Dans un spectromètre de masse de type MALDI-TOF, les ions sont accélérés par un champ électrique, après avoir été ionisés. Le temps de vol des ions de la cible jusqu’ à un détecteur est mesuré, ce qui permets de déterminer la masse de ces ions. Plus le ion sera léger, plus il atteindra rapidement le détecteur. Deux innovations ont permis d’améliorer la résolution et la précision des mesures de temps de vol des ions. La première est l’utilisation du réflectron (ou miroir à ion) qui diminue la dispersion énergétique des ions. Le principe du réflectron consiste à décélérer les ions dans un champ électrique et de les renvoyer dans le sens opposé [112]. La deuxième est l'introduction d'un délai avant l’extraction des ions. Ce dernier permet un regroupement des ions avant leur accélération [116, 117]. L’introduction de ces deux techniques a conduit à une meilleure résolution des pics et à une réduction de l’erreur sur la mesure de m/z.

L’ionisation par MALDI crée essentiellement des ions monochargés MH+, dont les spectres sont plus simples et plus faciles à interpréter. Un autre avantage du MALDI est que celui-ci tolère une faible présence de sels dans le mélange matrice-analyte, ce qui évite des étapes de dessalement

longues et fastidieuses, lors desquelles du matériel est perdu. La sensibilité d’un spectromètre MALDI-TOF est de l’ordre du femtomole [118, 119].

Il a également été montré que la technique d’ionisation par MALDI est capable d’induire la fragmentation de certains ions en dehors de la source d’ionisation. Les spectres issus de ces fragmentations obtenues avec un spectromètre MALDI-TOF, permettent de déterminer une séquence partielle d’un peptide ou sa séquence complète [120, 121]. La fragmentation se déroule fréquemment le long du squelette peptidique. La liaison peptidique entre le groupement -CO- et le groupement NH- est majoritairement rompue. Lors de cette rupture la charge est retenue soit du coté C-terminal soit du côté N-terminal [122].

4.4.3.2. Ionisation par électrospray:

L’électrospray (ESI) est une technique permettant l’ionisation de biomolécules de grandes tailles [123]. Contrairement à la technique du MALDI, l’analyse de l’échantillon se fait en solution, qui est introduite à l’intérieur de la source, par pompage à travers un capillaire avec un très faible débit. Une haute tension est appliquée sur le capillaire créant un cône d’éjection de gouttelettes (spray) de quelques micromètres. La formation de la goutte s’effectue à température ambiante et à pression ordinaire. L’action d’un gaz de désolvatation accompagnée de température élevée provoque ensuite l’évaporation partielle du solvant de l’échantillon. Les gouttelettes subissent ensuite une série de réactions coulombiennes qui aboutissent finalement à la formation d’ions complètement désolvatés. Ces ions seront ensuite accélérés et séparés dans un analyseur [124, 125]

La technique d’ionisation par électrospray est douce et ne provoque pas de fragmentation des ions. La technique d’ionisation par électrospray donne souvent naissance à des ions multichargés.

Cette technique convient à l’analyse de nombreux composés, comme des peptides, des oligonucléotides, des lipides et des sucres [123, 126].

Il existe une version alternative de l’électrospray appelée nanoélectrospray, dans laquelle le débit est très faible (environ 200 nanolitres par minute). La solution est placée directement dans le capillaire dans lequel la haute tension est appliquée. Cette tension suffit pour créer le spray [127].

La source d’électrospray peut être associée à plusieurs types d’analyseurs et est également compatible avec l’utilisation de deux analyseurs séparés par une chambre de collision (spectrométrie de masse en tandem ou MS/MS).

4.4.4. Méthodes d’identification des protéines:

4.4.4.1. Identification par PMF:

Une des premières méthodes d’identification des protéines par spectrométrie de masse a été le PMF (Peptide Mass Fingerprint). Cette méthode est basée sur l’analyse du ratio m/z des peptides obtenus après digestion de protéines avec une enzyme spécifique. La masse de chacun des peptides obtenus expérimentalement est ensuite comparée avec les masses théoriques des peptides que l’on obtiendrait si l’ensemble des protéines d’un organisme était digéré par la même enzyme qu’utilisée expérimentalement. Les peptides théoriques de la banque de données dont les masses sont le plus proche des masses expérimentales sont retenus par un logiciel qui va leur attribuer un score, proportionnel au degré de confiance de l’identification. Un des désavantages du PMF est que cette technique est limitée à un mélange de quelques protéines. En effet, un mélange plus complexe augmente fortement les possibilités d’erreurs lors de la comparaison des masses expérimentales et théoriques [128].

4.4.4.2. Identification par spectrométrie de masse en tandem:

Dans le cas de la spectrométrie de masse en tandem, un seul ion est sélectionné par un premier analyseur. Cet ion appelé ion parent, est ensuite envoyé dans une chambre de collision où la présence d’un gaz inerte comme l’hélium ou l’argon cause sa fragmentation. Le rapport m/z des ions résultants de cette fragmentation est alors mesuré par un deuxième analyseur. Les diverses fragmentations du ion parent se déroule préférentiellement le long du squelette peptidique au niveau de la liaison peptidique (Figure 7). Ainsi, la différence de masse entre deux ions adjacents correspond à la présence d’un acide aminé spécifique. La séquence du peptide peut ainsi être reconstruite grâce à la comparaison des masses entre les divers ions fragmentés. Par la suite, des programmes bioinformatiques permettent d’assigner une protéine à chaque peptide identifié, par comparaison avec des banques de données de protéines [129].

Figure 7: Nomenclature pour la fragmentation de peptides en spectrométrie de masse au niveau de la liaison peptidique. La fragmentation du peptide qui maintient la charge du côté C-terminal engendre des ions nommés ions-y et celle qui maintient la charge du côté N-terminal engendre des ions nommés ions-b.

4.5. Méthodes de quantifications par spectrométrie de masse:

Au-delà de l’identité d’une protéine, il peut aussi être important de connaître le taux d’expression de cette protéine dans un échantillon donné. Ces dernières années, plusieurs méthodes ont été développées afin de permettre la quantification de protéines en spectrométrie de masse.

4.5.1. La quantification absolue:

Deux méthodes de quantification par spectrométrie de masse peuvent être distinguées: la quantification absolue et la quantification relative. Dans le cas de la quantification absolue, un standard interne à la protéine d’intérêt possédant une concentration connue est ajouté dans l’échantillon. Le marquage du standard interne avec un isotope stable permet de le distinguer sur le spectre de masse par rapport à la protéine que l’on désire quantifier. La comparaison de l’intensité des pics correspondants au standard interne et à la protéine d’intérêt, permet ensuite de déterminer la concentration de cette protéine [130]. Le désavantage majeur de la quantification absolue est qu’elle requiert une connaissance préalable de la séquence de la protéine que l’on désir quantifier.

4.5.2. La quantification relative:

La quantification relative permet au contraire de la quantification absolue d’identifier et de quantifier plusieurs protéines simultanément, en comparant l’expression relative de protéines provenant au minimum de deux échantillons biologiques. Typiquement, un tissu provenant d’un organisme sain est comparé au même type de tissu provenant d’un organisme malade. Il est

COOH N

C C

H2N C C N C C N C

O O O

R1 R2 R3 R4

H H H H H H H

y3 y2 y1

b1 b2 b3

également possible de comparer l’expression de protéines provenant de cellules traitées ou non avec une drogue. Comme pour la quantification absolue, un marquage isotopique d’un des deux échantillons à quantifier est nécessaire, afin de pouvoir le distinguer en spectrométrie de masse [131]. Différents types de marquage isotopiques ont été développés. Le SILAC par exemple, a été spécifiquement développé pour le marquage des protéines provenant de lignées cellulaires. Il consiste à remplacer dans une population cellulaire, un acide aminé naturel du milieu de culture avec un isotope stable de cet acide aminé possédant par exemple des carbones-13 au lieu de carbone-12. Les protéines cellulaires sont ainsi marquées lors de l’incorporation de cet acide aminé isotopique. La seconde population de cellules est quant à elle cultivée avec un milieu de culture standard. Par la suite, il est possible de traiter spécifiquement une des deux populations de cellules de la manière désirée (avec une drogue par exemple), de la mélanger avec la population cellulaire non traitée et d’identifier par spectrométrie de masse les protéines différentiellement exprimées entre les deux populations de cellules [132]. D’autres types de marquages, nommés isobarique, ont été développés, tels que iTRAQ [133] ou le TMT [134]. Dans ce cas ce ne sont plus des acide aminés isotopiques qui seront incorporés aux cellules mais divers composés chimiques possédant chacun une masse différente et n’affectant pas le comportement des protéines marquées. L’incorporation aux protéines se déroule de manière chimique. L’avantage de ce types de marquage est qu’il permet de comparer jusqu’ à 10 échantillons simultanément [135].

4.5.3. La quantification non-isotopique:

Le développement récent de nouveaux spectromètres de masse d’une très grande précision à permis l’émergence de méthodes de quantification relative n’utilisant aucun marquage isotopique. Ces méthodes sont basées sur l’analyse d’un grand nombre de réplicas biologiques et techniques de chaque type d’échantillon à comparer, ce qui permet de déterminer avec une bonne confiance, des différences d’expressions de protéines entre plusieurs types d’échantillons [136, 137].