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I.2 Cancer, angiogenèse et intégrines

I.2.7. b Scintigraphies : TEP et TEMP

De nombreux agents d’imagerie de l’angiogenèse ont été développés avec des radionu-cléides, que ce soit des anticorps ou de petites molécules peptidiques ou non. Ainsi, des anticorps anti-VEGF et anti-domaine ED-B de la fibronectine ont été marqués respec-tivement à l’124I et 123I [Jayson 02, Santimaria 03]. Une part importante des études de l’imagerie de l’angiogenèse est actuellement basée sur des ligands de l’intégrineαVβ3, mar-qués par divers radioéléments (99mTc,111In,18F, 90Y,64Cu, 125/123/124I,etc.) [Haubner 06]. La plupart de ces composés présente des sélectivités et des spécificités satisfaisantes in vitro et les résultats varient selon les modèles tumoraux chez la souris. Chez l’homme, les résultats sont contrastés, variant selon le type tumoral et l’activité angiogénique.

En particulier, des dérivés de cyclopeptides contenant la séquence RGD ont été propo-sés pour le ciblage de αVβ3. Haubneret al.ont synthétisé en 1999 le 125I-c(RGDyV) (Fig. I.31), premier cyclo-RGD pour l’imagerie moléculaire de cette intégrine [Haubner 99]. Ce traceur à l’efficacité moyenne présente une élimination essentiellement hépathobiliaire et une absorption intestinale importante chez la souris. Van Hagenet al.ont ensuite proposé un dérivé DTPA-c(RGDyK) marqué à l’125I ou à l’111In [van Hagen 00] (Fig. I.31). La

Fig.I.31 – Dérivés cyclopentapeptidiques pour l’imagerie ciblée de l’intégrine αVβ3.

forme iodée montre une meilleure accumulation dans les néovaisseaux tumoraux et dans certaines cellules tumorales en culture. Chez le rat, le composé marqué à l’111In présen-tait une accumulation rénale importante, 4 à 8 fois plus que dans les autres tissus, et le rapport d’accumulation tumeur/tissus normaux était faible (proche de l’unité). Une avancée majeure a été réalisée par l’introduction d’un groupement glucidique (SAA, pour "sugar amino acid") sur ces traceurs [Haubner 01a]. Haubner a montré chez la souris, sur diverses tumeurs, que le 125I-c(RGDyK)(SAA) avait une métabolisation hépatique et une excrétion urinaire identiques à celles du c(RGDyV) mais avec une rétention tumorale supérieure (jusqu’à 3% ID/g après 4h) et un rapport tumeur/sang plus important (de 9 à 16). Cette équipe a finalement mis au point un peptide glycosylé de troisième génération marqué au 18F : le 18F-galacto-RGD (Fig. I.31) [Haubner 01b]. Ce composé a démontré une rétention spécifique dans les tumeurs de type M21 (mélanome) sur des modèles murins [Haubner 04b, Haubner 05]. Il a été testé a plusieurs reprises chez des patients atteints de divers cancers (Fig. I.32) [Haubner 05, Beer 05, Beer 06, Beer 08]. Le 18F-galacto-RGD présente pourtant une affinité de liaison pour αVβ3 relativement faible et, bien que la

glycosylation ait amélioré le comportement pharmacocinétique, les accumulations rénale, hépatique et gastrointestinale restent importantes. De plus, sa synthèse est complexe et relativement longue par rapport à la période du fluor 18. Ainsi, en dépit des premiers succès de ce composé, il semble que ses applications soient finalement limitées.

Fig. I.32 – (A) Images coronales TEP, 60 min après injection de [18F]FDG ou de [18F]Galacto-RGD chez d’un patient atteint d’un mélanome malin et d’une métastase lymphatique. (B) Image de fusion, entre les images CT et TEP, après injection de [18F]Galacto-RGD, de la métastase lymphatique - d’après [Haubner 06].

La tendance est aujourd’hui à la multimérisation de ce type de traceurs, allant de dimères à des octamères [Liu 06]. La polyvalence induit des modifications dans la distri-bution et l’affinité des traceurs.

La structure polymérique peut provenir de la fonctionnalisation d’anticorps [Kok 02] ou de dendrimères [Lesniak 07]. Des chassis cyclodécapeptidiques RAFT (regioselectively addressable functionalised template) ont également été utilisés, avec l’avantage de présen-ter deux faces d’adressage indépendantes [Garanger 05]. L’une des faces a été fonction-nalisée avec 4 séquences ciblantes de l’intégrine αVβ3 (c(-RGDfK-)), alors que la seconde face a pu être utilisée, entre autres, pour radiomarquer l’ensemble et l’utiliser comme traceur. Ce type de structure a été marqué à l’125I, au 111In et au 99mTc [Sancey 06]. Le 99mTc-RAFT-RGD a été testé in vivo sur des modèles murins portant des tumeurs exprimant αVβ3 (Fig. I.33). Sancey et al. ont montré que ce traceur cible bien αVβ3 et il semble qu’il puisse donner des informations qualitatives quant à son taux d’expression [Sancey 07]. Toutefois, l’importante excrétion rénale de ce produit limite ses applications et des améliorations de sa biodistribution sont envisagées.

L’approche la plus courante pour obtenir des multimères consiste à relier les c(RGDxK) (avec x = D-Phe, ou D-Tyr) par les chaînes latérales de leurs lysines, via des acides glutamiques ou aspartiques. Le radiomarquage a été réalisé par l’équipe de Chen avec du

64Cu par un motif chélatant de type DOTA sur des dimères [Chen 04b], des tetramères [Wu 05] et des octamères [Li 07] (Fig. I.34A). Wuet al.ont également marqué des dimères

Fig. I.33 – Structure du 99mTc-RAFT-RGD et imagerie TEMP in vivo de souris por-tant une tumeur sous-cutanée TS/A-pc après injection de 99mTc-RAFT-RGD - d’après [Sancey 07].

et trétramères au 18F en introduisant un espaceur de type PEG (polyéthylène glycol) [Wu 07a, Wu 07b] (Fig. I.34 B). Liu et al. ont utilisé le motif HYNIC pour marquer des dimères et des trétramères au 99mTc [Liu 01, Liu 07]. D’une manière générale, la multimérisation semble améliorer l’affinité des traceurs et a un effet coopératif avec le récepteur, facilitant l’internalisation.In vitro, ces produits présentent une bonne affinité et une sélectivité satisfaisante. Il a été montré que l’accumulation tumoralein vivoaugmente quand le nombre de cycles RGD croit. Pourtant, l’importante rétention rénale des plus grosses entités est limitante pour leur utilisationin vivo.

D’une manière générale, la plupart des traceurs développés pour l’imagerie de l’an-giogenèse a une bonne affinité pour leurs cibles et une bonne rétention tumorale, mais présente des problèmes de biodistribution et de rétention hépatique ou rénale. Ces compo-sés doivent donc être améliorés pour que l’on puisse disposer d’agents d’imagerie efficaces pour la détection de l’angiogenèse et le suivi des traitements anti-angiogéniques.

Résumé

Le cancer représente un véritable fléau puisque c’est, avec les maladies cardiovascu-laires, la première cause de décès dans les pays industrialisés. La prévention et la mise au point de nouveaux traitements sont indispensables pour faire reculer la mortalité encore très élevée. On sait que, dans le cas général, plus un cancer est détecté tôt, plus le pro-nostic est favorable ; il faut donc pouvoir disposer de techniques diagnostiques efficaces, c’est-à-dire sensibles, spécifiques et sélectives. En particulier, les techniques non invasives d’imagerie ont un rôle majeur à jouer. L’essor de l’imagerie moléculaire ouvre des

poten-Fig. I.34 – (A) Structure de l’octamère DOTA-RGD et imagerie TEP in vivo de souris portant une tumeur sous-cutanée U87-MG après injection du tétramère ou de l’octamère marqué au 64Cu - d’après [Li 07]. (B) Structure du tétramère 18F-FPRGD4 et image-rie TEP in vivo de souris portant une tumeur sous-cutanée U87-MG après injection du tétramère - d’après [Wu 07b].

tialités pour des détections spécifiques permettant non seulement le diagnostic, mais aussi le suivi de la réponse à un traitement.

Parmi les nombreuses cibles moléculaires pouvant être envisagées pour l’imagerie du cancer, nous avons tourné nos efforts vers les intégrines. Ces protéines sont impliquées dans la néoangiogenèse tumorale à un stade précoce du développement d’une tumeur. En ciblant les intégrines, on peut donc espérer réaliser à la fois un diagnostic précoce, mais aussi caractériser biochimiquement la tumeur afin de proposer un traitement plus adapté et moins invalidant.