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IV.2.1 Cilengitide et dérivés

Nous avons cherché à développer une chimiothèque de traceurs cyclisés par coordina-tion de 99mTc, mimant la séquence RGD, en nous inspirant des antagonistes cycliques qui ont été décrits pour cibler l’intégrine αVβ3 (Fig. IV.5 et IV.6). Comme nous l’avons men-tionné dans l’introduction bibliographique (I.2.6.b), le Cilengitide (A) est le plus abouti de cette classe de produits puisqu’il est maintenant en phase III de développement clinique.

Fig. IV.5 – Exemples d’antagonistes cycliques, analogues de RGD : A Cilengitide [Smith 03], B c(RGDfV), C c(RGDyV) [Haubner 99].

Le Cilengitide résulte de travaux initiés au début des années 90 par l’équipe de H. Kess-ler, portant sur l’incorporation du motif RGD au sein de séquences contraintes ou cyclohexapeptidiques [Aumailley 91, Gurrath 92]. Les tests de liaison du cyclopenta-peptide c(RGDfV) ont démontré que ce composé présentait une préférence pour αVβ3

(IC50 = 50 nM pour l’intégrine purifiée) par rapport à l’intégrineαIIbβ3 (IC50 = 290 nM). Cette affinité est comparable à celle du ligand endogène de l’intégrine αVβ3, la vitronec-tine (IC50 = 25 nM) [Pfaff 94]. Des études de relation structure-activité ont été réalisées par Haubner et al. et ont permis une meilleure compréhension des interactions entre les régions pharmacophoriques et l’intégrine [Haubner 96a]. Deschansreiter et al.ont synthé-tisé tous les dérivés N-méthylés du c(RGDfV) et des tests d’affinité et de sélectivité ont été réalisés. Le composé c[RGDf(N-Me)V] s’est avéré le plus intéressant, avec une IC50

pour αVβ3 de 0,58 nM et une bonne sélectivité par rapport à αIIbβ3 (IC50 = 0,86 µM) [Dechantsreiter 99]. Cette amélioration de l’affinité semble s’expliquer par le blocage d’une liaison hydrogène intramoléculaire (entre NH de Arg et CO de Asp) par le N-méthyl de la valine. Ceci favorise une conformation interagissant préférentiellement avec αVβ3. Good-man et al. ont montré que le c[RGDf(N-Me)V] présentait également une bonne affinité pour l’intégine αvβ5 (IC50 = 37 nM) [Goodman 02]. Cette molécule, c[RGDf(N-Me)V], est aujourd’hui développée par Merck sous le nom de Cilengitide.

Fig. IV.6 – Exemples d’antagonistes cycliques, analogues de RGD : D dérivé pyranne [Lohof 00],E dérivé furane [van Well 03] et autres dérivés F[Belvisi 06], G[Urman 07], H [Casiraghi 05], I [Zanardi 08].

Les études de relation structure activité ont montré que les groupements carboxylate et guanidinium étaient essentiels à la reconnaissance de ces cyclopentapeptides par αVβ3

et que le groupement aromatique en configuration D jouait un rôle majeur dans la struc-turation du cyclopeptide et dans sa liaison aux intégrines. Au contraire, la valine peut être remplacée par différents acides aminés (Lys, Tyr), comme nous l’avons mis en œuvre dans la validation du modèle tumoral au laboratoire avec les composés 3H-1, 99mTc-3/4/5

(II.1.2). Le remplacement de D-Phe-Val par leβ-amino acide D-β-HPhe n’affecte pas l’af-finité pour l’intégrineαVβ3 (IC50= 63 nM)[Schumann 00] comparé au c(RGDfV) (IC50= 50 nM) [Pfaff 94] et confère au peptide une excellente sélectivité pour αVβ3 par rapport à αIIbβ3. Le remplacement de D-Phe-Val par des SAA, "sugar amino acid", a conduit à des antagonistes (D etE) ayant des affinités micromolaires ou submicromolaires mais de faibles sélectivités par rapport àαIIbβ3. D’autres dérivés ont été proposés (FàI), avec des résultats prometteurs. En particulier, le composéIainsi que des dérivés deIN-alkylés ont permis d’obtenir une sélectivité certes modérée, mais cependant significative pour αVβ3

(IC50(I) = 4,4 nM) par rapport à αVβ5 (IC50(I) = 80,2 nM).

IV.2.2 Conception des chimiothèques

Nous nous sommes basés sur le cyclopentapeptide c(RGDfV) pour concevoir les tra-ceurs de notre chimiothèque de complexes cycliques du technétium (Fig. IV.7). Nous avons introduit le cœur métallique à la place du motif f-V, à l’opposé de la séquence RGD, et nous avons fait varier divers motifs de la séquence RGD ainsi que le linker C-terminal. Nous avons choisi de nous limiter dans un premier temps à une chimiothèque restreinte,

Fig. IV.7 – Conception de la chimiothèque de traceurs cyclisés au 99mTc à partir de cyclopentapeptides c(RGDfX).

nous permettant de mettre au point une méthode de synthèse des ligands généralisable. Dans cette série, le motif de chélation NS2 est introduit à l’extrémité N-terminale et le thiol à l’extrémité C-terminale grâce à un linker aliphatique ou aromatique. Ces linkers ont permis de faire varier le nombre de chaînons du cycle ainsi que sa rigidité. Pour cette étude prospective, nous avons choisi de ne faire varier que la stéréochimie de l’arginine. Le groupement carboxylate est positionné en utilisant l’acide aspartique ou l’acide glu-tamique, sous leurs formes D ou L, permettant ainsi de faire varier la distance entre le guanidinium et le carboxylate. L’introduction de la β-alanine à la place de la glycine a également permis de jouer sur cette distance, ainsi que sur la taille du cycle formé après complexation du métal. La combinaison de ces quelques variations nous a permis de conce-voir une chimiothèque de 64 composés, avec des cycles de 16 à 19 membres.

Comme nous l’avons précisé dans l’introduction, il n’existait pas de méthode prédictive fiable de la structure de ces complexes de technétium lorsque nous avons débuté ce travail. Depuis, M. Masella a développé une méthode de calcul ab initio qui a vu le jour en 2008 et a été utilisée a posteriori pour tenter d’expliquer certains de nos résultats.

La notation des ligands dans la suite de ce chapitre sera du type NS2-X1X2X3-X comme indiqué dans la figure IV.8, avec une distinction suivant l’état du pont disulfure du motif NS2 : nous noterons NS2 lorsque les thiols seront sous la forme oxydée de disulfure, et N(SH)2 pour la forme dithiol. Pour une notation plus courte, nous avons également défini une nomenclature à trois caractères s’appliquant aux ligands et dans le cas des complexes, nous ajouterons le type de métal utilisé, par exemple1A1 pour le ligand NS2-RGD-C2 et

Fig. IV.8 –Nomenclature des ligands tripeptidiques fonctionnalisés et méthodes de com-plexation couramment utilisées.

Tab. IV.1 – Nomenclature des ligands tripeptidiques fonctionnalisés.

X1X2X3 X

C2 C3 m p

RGD 1A1 1A2 1A3 1A4

RβD 1B1 1B2 1B3 1B4

RGE 1C1 1C2 1C3 1C4

RβE 1D1 1D2 1D3 1D4

rGd 2A1 2A2 2A3 2A4

rβd 2B1 2B2 2B3 2B4

rGe 2C1 2C2 2C3 2C4

rβe 2D1 2D2 2D3 2D4

RGd 3A1 3A2 3A3 3A4

Rβd 3B1 3B2 3B3 3B4

RGe 3C1 3C2 3C3 3C4

Rβe 3D1 3D2 3D3 3D4

rGD 4A1 4A2 4A3 4A4

rβD 4B1 4B2 4B3 4B4

rGE 4C1 4C2 4C3 4C4