• Aucun résultat trouvé

Schématique du cadre d’études

8.2

Schématique du cadre d’études

8.2.1 Schéma général

Continuons à prendre du recul par rapport au modèle du Chapitre6, et commençons par dessiner le schéma le plus basique de modèle à agents qui permette de modéliser un système financier.

Marché ? Impact agrégé Agents ? Décisions Facteurs de décisions Influence

Figure 8.1 – Schéma agrégé d’un modèle à agents.

Etendons-nous brièvement sur le schéma 8.1, et détaillons-le en partant de la fin remontant les flèches. Notre objet d’études principal, tout à droite, est le marché. Comme argumenté tout au long de cet ouvrage, celui-ci n’est rien d’autre qu’une synthèse des actions des agents qui y agissent – toute la question étant bien entendu comment, nous y reviendrons. Ces actions sont enfin décidées en fonctions d’éléments que nous appellerons des facteurs, qui peuvent être exogènes – des informations provenant du monde réel – ou endogènes – c’est-à-dire, provenant du marché lui-même.

Toutefois, en présence de plus d’un agent, ce schéma n’est pas très informatif : l’ensemble de la complexité est cachée dans les fonctions de transfert. Il nous faut donc, pour commencer, le détailler au niveau individuel, toujours de la manière la plus générale possible :

Marché ? Agent 2 Agent 1 Agentn Impact ? ? ? Influence Décision ? ? ? Interprétation Facteurs de décision

Figure 8.2 – Schéma détaillé d’un modèle à agents.

Ce changement de niveau de lecture nous a permis de développer le processus de décision pour chaque agent en deux parties :

144 CHAPITRE 8. CADRE D’ÉTUDES POUR LES MODÈLES MULTI-AGENTS

dans les décisions de l’agent i et la manière dont il les perçoit,

ii. La décision elle-même, que l’on pourrait appeler stratégie.

Notez que dans un modèle à agents représentatifs, les fonctions d’interprétation et de décision sont considérées communes à l’intérieur de chaque classe d’agents, ce qui permet de simplifier gran- dement le schéma et – quand le setup est suffisamment simple – d’obtenir des formules fermées. Toutefois, si les vertus pédagogiques d’une telle approche sont indéniables, il n’en est pas de même de leur réalisme, et de leur pertinence pour décrire le monde réel.

8.2.2 Schéma du modèle du Chapitre 6

Essayons maintenant de schématiser le modèle présenté aux Chapitres 6 et 7 sous une forme similaire : Marché Agent 2 Agent 1 Agent n Impact / / / Décision βt1 βt2 βn t Interprétation / + dξt

Figure 8.3 – Schéma du modèle des Chapitres 6et7.

Plusieurs choses ont changé par rapport au schéma général, ce qui met en avant les hypothèses effectuées :

i La rétroaction possible du marché sur les facteurs de décision est ignorée,

ii Les facteurs sont interprétés de manière hétérogène par les agents, ce qui est résumé par un coeffi- cientβtipour chaque agent qui n’est pas forcément égal à 1 (1 correspondant à une interprétation parfaite des signaux/informations), auquel s’ajoute une erreur idiosyncratique gaussienne, iii Les décisions sont tout simplement linéaires, i.e. il n’y a aucune notion de stratégie : si un agent

pense que le prix d’un bien augmente, il révise d’autant ses intentions d’achat ou de vente (même si nous avons vu au Chapitre7qu’introduire des fonctions d’utilité ne change rien au phénomène décrit),

iv Une hypothèse qui n’apparaît pas sur ce schéma est également n → ∞ (n étant le nombre

d’agents) ainsi que l’hypothèse que chaque agent est petit (au sens de la fraction du capital total dont il dispose).

8.2. SCHÉMATIQUE DU CADRE D’ÉTUDES 145

Si ces hypothèses nous ont permis d’obtenir des résultats analytiques et de développer des intuitions, elles ne sont pas satisfaisantes pour autant. Il est donc temps de prendre un peu de hauteur, en laissant de côté la contrainte de la tractabilité mathématique, pour réfléchir à ce que serait un modèle de marché réaliste.

8.2.3 Simuler un marché

Cette section se donne un objectif précis : en se basant sur tout ce qui a été fait jusqu’à présent, elle se veut de proposer une manière de réaliser un simulateur de marché réaliste du point de vue de l’impact mais également au niveau de l’écosystème et de la microstructure réels des marchés financiers. Les enjeux sous-jacents sont triples :

1. Pour le praticien : Permettre de backtester les stratégies d’investissement en prenant en compte son propre impact sur le marché, ce qui est impossible sur des données historiques – non impactées par définition. En fonction du type de stratégie, prendre l’impact en compte peut s’avérer crucial dans les décisions d’investissement car celui-ci peut être à l’origine de coûts importants.

2. Pour le régulateur : Tester à coût faible la réponse du marché à un changement régle- mentaire. Cela pourrait du moins précéder ou remplacer certaines expérience pilotes, parfois coûteuses et compliquées à mettre en place.

3. Pour le chercheur : Développer un cadre d’études générique pour étudier les systèmes composés de nombreux agents qui capture correctement leur structure et leur dynamique, en finance et en-dehors (le paragraphe 8.5traitera l’exemple du yield management ).

Le modèle développé jusque là est clairement insuffisant pour chacun de ces points, car trop simpliste. Toutefois, je crois qu’il capture de manière unique un aspect essentiel de la dynamique de l’offre et la demande, et de leur structure à l’échelle locale : il faudrait donc en extraire le coeur – i.e. garder ses propriétés concernant l’impact – et l’intégrer à un modèle plus riche, où des propriétés comme la dynamique des queues, le tick, la distribution des volumes, la selection adverse, l’impact permanent,... seraient également reproduites.

Conjecture 8.2.1. Le schéma 8.4permet de répondre au cahier des charges ci-dessus.

L’intuition derrière cette conjecture est la suivante : le modèles des Chapitres 6 et 7 nous a fait comprendre que l’impact concave « en racine » provenait – ou plutôt, pouvait provenir – de l’hétérogénéité entre les agents à cause de laquelle les courbes d’offre et de demande se vident au voisinage du prix – les agents s’y trouvant réalisant des transactions les uns avec les autres et en disparaissant.7 Cette hétérogénéité n’est pas incompatible avec la notion de stratégie, exclue à 7. Mathématiquement, qui permettait d’écrire une équation d’évolution de type EDP avec condition absorbante au prix, résultant immédiatement en un carnet d’ordres linéairement croissant au voisinage du prix – sous certaines conditions de régularité.

146 CHAPITRE 8. CADRE D’ÉTUDES POUR LES MODÈLES MULTI-AGENTS Marché Agent 2 Agent 1 Agent n Impact S1 S2 Sn Decision β1 t β2t βt3 Interpretation Influence / + dξt

Figure 8.4 – Simulateur de marché. Si est la stratégie de l’agent i (qui peut être une stratégie

précise ou une meta-stratégie, par exemple : broker, market maker, arbitrageur, trader à haute fréquence...).

dessein jusqu’ici. Cette approche a d’ailleurs dû sembler étrange à certains habitués des modèles d’économie financière où la stratégie est reine, et le reste simplifié à l’extrême : mais nous pouvons maintenant les réconcilier, et à l’intérieur du cadre développé dans cette thèse (i.e. du schéma 8.4) qui apporte l’impact, les stratégies ont beaucoup à apporter – i.e. tout le reste.

On voit maintenant l’intérêt d’avoir découpé le problème en deux parties, et de s’être concentré sur le problème « ouvert » de l’impact d’une action sur le marché : car maintenant que le cadre est établi et que l’impact n’est plus une question – il sera toujours plus ou moins réaliste maintenant, quoi que l’on fasse – il ne nous reste plus qu’à nous concentrer sur les stratégies – et par là, « fermer » le modèle8. Les stratégies deviennent donc la question cruciale – et plusieurs décennies de littérature économique et financière peuvent à présent nous inspirer. De l’agent rationnel à l’agent à rationalité limitée, de l’agent déterministe à l’agent stochastique, de l’agent averse au risque à l’agent en excès de confiance, de l’agent précurseur à l’agent suiveur, de l’agent fondamental à l’agent chartiste – les possibilités sont infinies, et chacun pourra les exploiter comme il l’entend. A partir du moment où il n’oublie pas l’ingrédient fondamental : les agents sont hétérogènes.

Nous sommes arrivés au plus haut dans la prise de hauteur, et approchons par la même occasion la fin de cette thèse. Avant de changer de chapitre et de jeter un oeil plus macroscopique sur la notion de liquidité, il nous reste juste à illustrer la rhétorique ci-dessus par quelques exemples.

8. Ou tout simplement, le créer, car nous avons jusqu’ici un cadre d’études sans réel modèle implémenté à l’inté- rieur, ou juste un modèle trivial.