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Généralités sur l’offre et la demande

modèles de propagateur, les modèles auto-régressifs, les modèles de processus gaussiens... qui sont ensuite fittés à l’aide des quantités observées moyennes agrégées sur tout le marché. De tels procédés ne permettent pas d’aboutir à une compréhension profonde des mécanismes de marché, et ignorent par construction toute propriété fine non incluse a priori dans le modèle2. L’approche alternative,

qui consiste à partir de l’action élémentaire pour en déduire l’effet de l’agrégation des actions, tient tout autant de la physique que de la micro-économie : c’est celle-ci que nous adopterons.

4.2

Généralités sur l’offre et la demande

Considérons un bien échangeable entre au moins deux participants. Supposons qu’un prixp soit fixé par une autorité extérieure. L’offre agrégée pour ce bien au prixp, notée S(p), désigne la quantité de bien que l’ensemble des participants est prêt à vendre à ce prix. Symétriquement, la demande agrégée de bien D(p) est la quantité de bien que l’ensemble des participants souhaite acheter à ce prix. En général, l’offre est une fonction croissante du prix : plus le prix augmente, plus les participants sont prêts à vendre. Inversement, la demande est en général une fonction décroissante du prix : plus le prix est bas, plus les participants souhaitent acheter le bien – cf. Figure 4.13. Mettons-nous donc à la place d’un commissaire-priseur qui connait les courbes d’offre et de demande et qui souhaite maximiser la quantité de bien échangée entre acheteurs et vendeurs en fixant un prix d’enchères bien choisi. S’il fixe le prix trop haut, de nombreux vendeurs se manifesteront mais trop peu d’acheteurs ; s’il fixe le prix trop bas, peu de vendeurs seront au contraire attirés, et de nombreux acheteurs resteront sur leur faim. Dans les deux cas, la quantité échangée sera faible, et une partie des participants sera frustrée car ils étaient prêts à échanger au prix d’enchère mais n’ont pas pu, faute de contrepartie. Il s’avère, sous certaines conditions, qu’une unique valeur du prix permet à la fois de maximiser la quantité échangée, et de ne frustrer personne, dans le sens où tout acheteur et tout vendeur prêts à échanger au prix fixé pourront effectivement le faire : il s’agit dep∗ tel que D(p∗) = S(p∗) (≡ Q∗). En effet, la quantité échangée si le prix est fixé à p est min(S(p), D(p)), et il est facile de voir que cette fonction admet p∗ pour unique maximum dès lors queS et D sont strictement monotones. Dans cette situation, il est facile de déterminer la sensibilité du prix à une variation de l’offre ou de la demande : supposons qu’une quantitéQ vienne s’ajouter à la demande, alors le nouveau prix optimal p∗(Q) sera tel que D(p∗(Q)) + Q = S(p∗(Q)) ce qui

2. D’aucuns décriraient ce genre de modèles – sans propriétés émergentes – comme des modèles financiers de deuxième génération. Nous défendrons ici une troisième générations de modèles, microfondés.

3. Des cas pathologiques peuvent exister, par exemple dans le luxe, où des prix hauts peuvent être au contraire des facteurs attractifs. Nous ne nous intéresserons pas dans ce qui suit à ce genre de situations, en partie car ces phénomènes se manifestent sur des grandes échelles de prix, alors que nous nous intéresserons d’abord à leur microstructure.

36 CHAPITRE 4. OFFRE, DEMANDE ET IMPACT Q ua nt it é cu m ul ée Prix p∗ Q∗ Equilibre Demande D(p) Offre S(p)

Figure 4.1 –Schéma des courbes d’offre et de demande cumulées telles qu’observées par notre commissaire-

priseur virtuel. Si les deux courbes sont strictement monotones, elles se coupent en un unique prix p∗, qui

sera choisi comme prix d’équilibre, et permettra l’échange d’une quantité Q.

donne, pour Q petit, en développant à l’ordre 1 :

p∗(Q)' p∗+ λQ, où λ≡ 1

S0(p)− D0(p) > 0. (4.1)

Dans cette petite expérience de pensée, un changement dans l’offre ou la demande (plus précisément, l’arrivée d’un acheteur au-dessus du prix ou d’un vendeur en-dessous du prix) affecte donc le prix d’équilibre de manière linéaire, avec un coefficient de proportionnalité qui dépend de la pente des courbes d’offre et de demande autour du prix (et donc, comme nous le verrons plus loin avec l’introduction de l’offre et de la demande marginales, de la densité d’acheteurs et de vendeurs autour du prix).

Cependant, utiliser la représentation de la figure4.1sur les marchés financiers serait commettre un première erreur évidente : les échanges y ayant lieu en continu, la courbe d’offre en-dessous du prix est nulle, car si un vendeur s’y trouvait sa transaction serait immédiatement exécutée, le faisant instantanément disparaître de la courbe d’offre (et de même pour un acheteur au-dessus du prix) ! L’exemple Walrasien du commissaire priseur est en fait très différent : il suppose que toute l’offre et la demande a eu au préalable le temps nécessaire pour s’accumuler sans effectuer de transaction ! Le caractère continu des marchés financiers semble donc crucial dans la structuration de l’offre et la demande. Cela va en réalité beaucoup plus loin que cette simple remarque, comme l’expliquera le Chapitre7.

Les notions de courbes d’offre et de demande ne sont pas pour autant caduques : elles semblent juste devoir être adaptées à la situation particulière des marchés. L’introduction du carnet d’ordres latent par Tóth et al. (2011) a été un premier pas dans cette direction. Il s’agissait alors de s’af- franchir du carnet d’ordres réel tel qu’affiché par les exchanges, qui ne révèle que peu d’information