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Pseudodermatophytes Négatif

VI. REVUE SUR LES ONYCHOMYCOSES

VI.3 Schémas thérapeutiques des onychomycoses

VI.3.1 Traitement des onychomycoses à dermatophytes

Les infections unguéales à dermatophyte résultent presque toujours de l’extension à l’ongle d’une dermatophytose cutanée située dans une autre partie du corps (pieds, mains, cuir chevelu…). Ce sont les onychomycoses les plus fréquentes. Le choix thérapeutique doit prendre en compte l’ensemble de l’appareil unguéal : hyperkératose du lit de l’ongle, épaisseur de la tablette, présence d’une onycholyse et d’une atteinte matricielle. Les dermatophytes pénètrent dans l’appareil unguéal des orteils ou des doigts par l’hyponychium, au niveau de la jonction cutanée et du lit de l’ongle avec onycholyse par détachement de la tablette unguéale (atteinte sous-unguéale latéro-distale).

Dans des rares cas, le dermatophyte pénètre par la surface de la tablette unguéale responsable d’une leuconychie superficielle lors de traumatismes ou par chevauchement des orteils. Encore plus rarement, la dermatophytose unguéale se présente comme une leuconychie profonde et proximale. Ce type d’atteinte est plus fréquent chez les sujets immunodéprimés. L’évolution d’une onychomycose peut aboutir à une onychomycodystrophie totale avec destruction partielle de la tablette unguéale.

Après examen de l’ensemble de l’appareil unguéal, la prise en charge d’une onychomycose dermatophytique repose sur une association thérapeutique : avulsion chimique ou mécanique et/ou solution filmogène et/ou traitement systémique. Des recommandations ont été émises par la Société française de dermatologie(97).

Pour le traitement local, plusieurs médicaments sont disponibles : Mycoster® solution filmogène 8%, Locéryl® solution filmogène 5% (principe actif : amorolfine). Mycoster® solution filmogène 8% s’applique quotidiennement et la solution filmogène est retirée chaque semaine avec un dissolvant. Le Mycoster® sous forme de crème (principe actif ciclopiroxolamine) a l’AMM pour l’onychomycose mais la formulation solution filmogène lui est habituellement préférée(98). Locéryl® solution filmogène 5% s’applique une fois par semaine.

Pour le traitement antifongique systémique, trois antifongiques sont disponibles au Maroc dans cette indication : la terbinafine, le kétoconazole et la griséofulvine. En pratique dermatologique, le kétoconazole et la griséofulvine ne sont plus prescrits dans cette indication. La terbinafine est à ce jour l’antifongique systémique le plus efficace sur les dermatophytes responsables d’onychomycose et celui dont la durée de prescription est la plus courte. C’est le médicament de première intention. Elle est prescrite à la dose de 250 mg/j en une prise au cours du repas pendant 6 semaines à 3 mois pour les ongles des mains et pendant 3 à 6 mois pour les ongles des orteils. Cependant, la guérison clinique ne s’observe qu’après la repousse complète de l’ongle (doigts : 4 à 6 mois ; orteils : 9 à 12 mois), le patient doit être prévenu de ce « délai ». Lors de la prescription de terbinafine, le patient doit être prévenu d’effets secondaires, bien que rares : troubles digestifs, éruption cutanée qui impose l’arrêt immédiat du médicament, troubles gustatifs (à éviter dans les professions utilisant les gouts). Une surveillance des fonctions hépatiques et de la numération formule sanguine peut être proposée dans les traitements prolongés (avant la prise et à la 6e semaine de prise).

D’autres antifongiques systémiques de la famille des triazolés, itraconazole et fluconazole ont montré une activité intéressante dans le traitement des onychomycoses à dermatophytes, mais ils ne possèdent pas une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette indication. Les taux de guérison obtenus avec ces médicaments en France sont cependant inférieurs à ceux de la terbinafine(97).

Un traitement local est suffisant pour les leuconychies superficielles et les atteintes unguéales très limitées. Dans la majorité des cas, lorsqu’il existe une hyperkératose sous-unguéale importante, une atteinte « en fusée » centrale ou latérale, un dermatophytome ou une atteinte de la région matricielle, un traitement systémique est indispensable. Une bithérapie antifongique locale et systémique laisse espérer une guérison totale. La solution filmogène a notamment une action complémentaire de l’antifongique systémique dans les zones latérales habituelles de rechute, anatomiquement mal vascularisées.

La grande majorité des échecs dans le traitement des onychomycoses à dermatophytes est due à une pénétration insuffisante des antifongiques, locaux ou systémiques, ne permettant pas d’obtenir une concentration efficace sur le dermatophyte dans les parties infectées de l’ongle. Cette pénétration est limitée par une hyperkératose importante de la tablette et du lit de l’ongle ou par une onycholyse qui limite la diffusion des antifongiques du lit vers la tablette ou vice-versa. Ces deux facteurs doivent être combattus mécaniquement et/ou par kératolyse chimique. De plus l’appareil unguéal allégé se renouvelle plus rapidement, en éliminant les éléments fongiques.

Des mesures préventives doivent être associées : toute autre localisation dermatophytique associée doit être traitée en même temps et les récidives d’une dermatophytose inter-orteils ou plantaire doivent être évitées, par un chaussage

adéquat lors de la marche sur des surfaces a forte densité en dermatophytes (sol des piscines, douches communes, gymnases) par un bon séchage des pieds, notamment les espaces inter-digitaux et du pourtour des ongles (avec du sopalin ou un séchoir à cheveux). L’application à visée préventive d’une poudre ou d’une solution antifongique dans les chaussures mises pieds nus est indispensable(99).

VI.3.2 Traitement des onychomycoses à levures

Dans la majorité des cas, il s’agit de levures du genre Candida. Il est important de distinguer deux types d’atteintes, primaire et secondaire, dans la prise en charge de l’onyxis(97).

L’atteinte primaire est une véritable infection de l’appareil unguéal des pseudo-filaments mycéliens à l’examen direct et la culture isole dans plus de 90% des cas : Candida albicans. Les ongles des doigts sont atteints préférentiellement, l’atteinte des ongles des orteils est rare. Habituellement l’onychomycose primaire à Candida débute par un périonyxis (= paronychie). Il s’agit d’une tuméfaction douloureuse de la zone matricielle et du repli sus-unguéale est envahie secondairement et chaque poussée se traduit par un sillon transversal. Progressivement, celle-ci prend une teinte marron verdâtre en particulier dans les régions proximales et latérales. Plus rarement il s’agit d’une onycholyse latéro-distale : la tablette n’adhère plus au lit de l’ongle sur une surface variable. Il s’agit d’une infection opportuniste. Divers facteurs, en modifiant la barrière cutanée, contacts répétés avec l’eau souvent dans un contexte professionnel, destruction de la cuticule par les traumatismes professionnels ou une manucurie intensive ou la diminution des défenses immunitaires locales (diabète, candidose

muco-cutanée chronique, corticoïdes, immunosuppresseurs) favorisent le développement de cette infection opportuniste candidosique.

L’atteinte secondaire est une surinfection ou une colonisation d’une onychopathie d’autre étiologie (onycholyse, traumatisme, psoriasis, paronychie chronique…).

L’examen mycologique montre des levures à l’examen direct et la culture permet d’isoler différentes espèces de Candida normalement présents sur la peau ou dans l’environnement (jus de fruits, légumes, laitages) : C.parapsilosis, C.guillermondii, C.tropicalis… le plus souvent.

Dans l’onychomycose primaire, devant une onychomycose à Candida avec périonyxis, avec un seul ongle atteint, un traitement local seul peut être tenté. En cas d’une onychomycose latéro distale (onycholyse) à Candida albicans, un traitement antifongique topique est habituellement suffisant après découpage topique de la tablette unguéale décollée. En cas d’échec, un traitement oral peut être associé au moins jusqu’à disparition du périonyxis. Si l’atteinte est polydactylique ou si la paronychie est importante, un traitement systémique est associé au traitement local.

Les antifongiques topiques actifs sur les Candida sont avant tout les imidazolés et la cyclopiroxolamine. Un gel ou une solution sont préférables aux crèmes pour les doigts dans la journée. Nous recommandons des applications répétées, plusieurs fois par jour, en particulier après lavage des mains, jusqu’à guérison. Une crème peut être appliquée le soir. Les antifongiques systémiques disponibles sont le kétoconazole, le fluconazole et l’itraconazole. Il est souvent bénéfique de les associer aux antifongiques locaux.

La terbinafine n’est pas recommandée dans les candidoses unguéales au vu des résultats obtenus in vitro et in vivo. La griséofulvine est inefficace. Le

kétoconazole à une dose de 200 à 400 mg/j peut être prescrit sous surveillance biologique hépatique stricte au moins jusqu’à disparition de la paronychie. Le fluconazole, est le plus utilisé en pratique courante. Il peut être proposé à une dose de 150 à 450 mg un jour par semaine jusqu’à guérison complète. L’itraconazole peut être prescrit à la dose de 400 mg/j pendant une semaine par mois pendant 3 à 4 mois. Ces deux derniers antifongiques ont montré leur efficacité et leur bonne tolérance. L’itraconazole nécessite une première prescription hospitalière. Avant de les prescrire, les interactions qu’ils présentent avec d’autres médicaments doivent être soigneusement prises en compte. Dans tous les cas, il faut rechercher les facteurs favorisants, les éliminer si possible et combattre le facteur « humidité des mains » par un séchage soigneux des mains et/ou le double port de gants (gants en coton sous les gants en plastique) lors des contacts avec l’eau. S’il s’agit de la colonisation d’une onychopathie (ou « onychomycose secondaire ») par un Candida non albicans, un traitement local peut être proposé pour traiter cette surinfection avant de débuter le traitement de l’onychopathie qui souvent justifie une corticothérapie locale.

VI.3.3 Traitement des onychomycoses à moisissures

Les moisissures sont très rarement responsables d’infections unguéales (2,5% à 6% des cas d’onychomycoses). Sur le plan clinique, il faut distinguer les onychomycoses dues à Scytalidium et celles dues à une autre moisissure. En effet, les Scytalidium (représentés en pathologie humaine par S. hyalinum et S.dimidiatum) ont un comportement identique aux dermatophytes (Trichophyton rubrum). Ils représentent 40% des atteintes fongiques des pieds en zone d’endémie.

Les autres moisissures (Fusarium, Scopulariopsis, Aspergillus, Penicillium…) sont omniprésentes dans notre environnement (dans la terre, sur les plantes…). Et le plus souvent viennent « s’accrocher » de façon transitoire à une hyperkératose sous-unguéale quelle qu’en soit l’origine. Cependant en cas d’altération de la kératine d’un ongle, secondaire à un traumatisme ou en raison d’une affection dermatologique, certaines moisissures peuvent devenir de vrais parasites de l’appareil unguéal altéré(100).

Avant de rendre une moisissure responsable d’onychomycose, il faut réunir un certain nombre de critères mycologiques : présence de la moisissure en culture pure sans dermatophyte avec un examen direct montrant des filaments compatibles avec la moisissure isolée(97).

Un second prélèvement est impératif et doit confirmer les résultats précédents. Les impliquer comme agents pathogènes justifie une grande rigueur diagnostique car les moisissures, Scytalidium et autres moisissures, ne sont pas sensibles aux antifongiques actifs sur les levures ou les dermatophytes. Les onychomycoses à moisissure demeurent un véritable challenge thérapeutique. Il ya cependant deux exceptions : l’onychomycose à type de leuconychie superficielle, pour laquelle un simple grattage avec un scalpel peut être suffisant et les onychomycoses à Aspergillus pour lesquelles l’itraconazole est généralement efficace.

Dans tous les autres cas, s’il s’agit d’une atteinte limitée latéro-distale, un traitement par découpage ou par avulsion chimique de la zone parasitée avec un kératolytique (préparation à base d’urée en concentration supérieure à 10%, vaseline salicylée…) associé au séchage et à l’application quotidienne de Fungizone® locale peut être tenté.

Quand l’atteinte est matricielle, le traitement local est souvent inefficace. Si la gêne est très importante pour le patient (exemple : onychomycose à Fusarium), un traitement chirurgical du « panaris » suivi de pansements à l’amphotéricine B permet parfois d’obtenir la guérison.

Traitement chirurgical :

Il consiste à réaliser une avulsion partielle de l’ongle atteint par le champignon pour favoriser la pénétration des antifongiques. Cette avulsion chirurgicale a un double but : elle permet dans un premier temps, un diagnostic correct car les prélèvements mycologiques et histologiques sont possibles et dans un second temps, elle facilite la surveillance du traitement [101].

Il est préférable d’éviter l’avulsion chirurgicale totale, compte tenu du risque d’une incarnation distale ultérieure. Cette technique n’est pas indiquée chez les patients ayant un déficit immunitaire, un diabète ou une artérite sévère des membres inférieurs. Chez ces derniers, une kératolyse chimique est préférable. Ce traitement chirurgical sera associé à un traitement par des antifongiques locaux et/ou systémiques. L’avulsion chirurgicale partielle est une technique simple à réaliser, elle est indiquée en cas d’échec du traitement médical des onychomycoses.

VI.4 Rôle du pharmacien d’officine dans la prise en charge des